L’ouragan Idalia, qui a provoqué mercredi de vastes inondations en Floride et de nombreuses pannes d’électricité en Géorgie, est pour plusieurs experts un nouveau « symptôme » de ce qui attend le Québec et tout le nord de l’Atlantique dans les prochaines années.

« Plus le réchauffement climatique va progresser et s’amplifier, plus les trajectoires de ces cyclones vont aller en direction du nord et donc de nos régions. Malheureusement, oui, on va voir des systèmes de plus en plus intenses et il faut s’y préparer », affirme sans détour le professeur d’hydroclimatologie et membre du Réseau Inondations InterSectoriel du Québec Philippe Gachon.

Il affirme que « la vitesse avec laquelle l’ouragan Idalia est devenu de catégorie 3 est assez exceptionnelle ». « La quantité de précipitations qu’on a vue sera fort probablement de plus grande ampleur que d’autres récents cyclones qu’on avait vu récemment comme Irma », note le climatologue.

« Idalia est la plus puissante tempête à toucher terre dans cette partie de la Floride depuis plus de 100 ans », a d’ailleurs déclaré la patronne de l’agence fédérale américaine chargée de la réponse aux catastrophes naturelles, la FEMA, Deanne Criswell, ajoutant que 1500 employés fédéraux avaient été déployés.

L’année 2023 est très « préoccupante », selon M. Gachon, car « l’Atlantique Nord n’a jamais été aussi chaud ».

On a vraiment atteint des records de température au mois d’août qu’on n’avait jamais vus dans plusieurs secteurs.

Philippe Gachon, professeur d’hydroclimatologie

« Le golfe du Mexique est beaucoup plus chaud qu’à l’habitude, et plus l’eau est chaude, plus on augmente la probabilité d’avoir des évaporations qui se transforment en formations orageuses et, surtout, en intensités de précipitations énormes », analyse encore le spécialiste.

Le professeur Yannick Hémond, du département de géographie de l’UQAM spécialisé dans la gestion des catastrophes, est du même avis. « Ce sont les prémices de ce qui nous attend, c’est un bref aperçu », lance-t-il.

Au Québec, des travaux se tiennent actuellement « dans tous les grands réseaux pour évaluer la résilience des infrastructures face à des phénomènes de pareille ampleur », note M. Hémond. « Ici, tout dépendrait où ça se produirait. À Montréal, par exemple, les postes de distribution importants d’Hydro-Québec et les postes névralgiques de télécommunication sont nombreux. Ça aurait plus d’impact qu’ailleurs », soutient-il.

Jusqu’à 150 km/h

Idalia, marqué par des vents soufflant parfois jusqu’à 150 km/h, a touché terre à 7 h 45 (heure locale) près de Keaton Beach en Floride en tant qu’ouragan de catégorie 3 sur une échelle qui en compte 5, selon le Centre national des ouragans (NHC). Il a depuis été rétrogradé en tempête tropicale.

La montée des eaux a été rapide dans certaines villes, mais l’État de la Floride ne déplore pour l’heure aucun décès, a indiqué son gouverneur, Ron DeSantis, lors d’une conférence de presse.

PHOTO CHENEY ORR, REUTERS

Une station-service a été emportée par les forts vents à Perry.

À Perry, ville située sur la trajectoire d’Idalia, des dizaines d’arbres ont été abattus par le vent. Un peu plus loin, à Steinhatchee, petite localité côtière d’un millier d’habitants, la rue principale, quasi déserte, était complètement inondée et semblait être un prolongement de la rivière avoisinante.

« C’était pire que ce à quoi on s’attendait », a déclaré un résidant de Perry, John Kallschmidt, âgé de 76 ans, alors qu’un pin était tombé sur sa maison. Il a dit avoir vécu une expérience « effrayante ». « Mais c’est comme ça, c’est la vie en Floride. Il faut s’habituer à ce genre de choses », a-t-il conclu.

Il faut dire que la trajectoire de l’ouragan Idalia « est un peu atypique », note Philippe Gachon. « C’est un système qui s’est formé au sud-ouest de Cuba et qui a pris la direction du nord. D’habitude, la plupart des cyclones qu’on voit proviennent de l’est et du long des côtes africaines », explique le spécialiste.

Éducation, sensibilisation

Pour le professeur Yannick Hémond, la multiplication des ouragans, tempêtes tropicales et cyclones en tous genres appelle surtout à une éducation de la population.

« Il faut sensibiliser dès maintenant les gens à l’adoption de bons comportements quand il se passe un pareil phénomène. La population doit être vigilante face aux systèmes d’alerte, être préparée à écouter les consignes et agir promptement », soutient-il. Quand un système arrive avec beaucoup de vent, « l’ouragan a tendance à transporter de l’eau et la relâcher un peu partout, de sorte qu’on se retrouve souvent avec des inondations dans des lieux improbables », rappelle M. Hémond.

PHOTO JULIO CESAR CHAVEZ, REUTERS

Rue inondée à Cedar Key

En Floride, d’autres villes ont aussi vu le niveau des eaux monter à toute vitesse, comme Cedar Key, située sur la côte, qui a rapporté des vagues de plus de 2 mètres, un niveau record pour la zone. Dans certains endroits, comme à Tampa, les inondations ont forcé les habitants à se déplacer avec leurs affaires sur la tête, ou même en kayak. Malgré les dégâts, les autorités semblent considérer que le pire a été évité.

À Washington, le président Joe Biden a rappelé qu’il fallait « rester vigilant », car la tempête continue son chemin à travers le sud-est des États-Unis. « Je ne pense pas que qui que ce soit puisse nier les effets du changement climatique désormais. Il suffit de regarder autour de soi », a dit M. Biden, en citant au passage les « inondations historiques » ou les récents incendies dévastateurs à Hawaii et au Canada.

Avec l’Agence France-Presse

En savoir plus
  • 300 000
    Près de 300 000 foyers étaient privés d’électricité mercredi en Floride et plus de 200 000 en Géorgie, selon le site spécialisé PowerOutage.us.
    SOURCE : Poweroutage.us
    150
    Fin septembre 2022, la Floride avait déjà été frappée par l’ouragan Ian, qui avait fait près de 150 morts et provoqué d’importants dégâts sur son passage dans le sud-ouest de cet État.
    SOURCE : ÉTAT DE LA FLORIDE