Le maire de Saint-Placide, Daniel Laviolette, s’est farouchement opposé, mercredi, à la possible mise en tutelle des ressources humaines de sa municipalité, une recommandation de la Commission municipale du Québec (CMQ) à la suite d’un rapport d’enquête dévastateur.

M. Laviolette « exhorte la Ministre à ne pas émettre un arrêté ministériel dans ce dossier », a indiqué le cabinet du maire dans un communiqué en fin d’après-midi.

La CMQ a recommandé à la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest, de mettre en tutelle les ressources humaines de ce village des Laurentides. Les décisions concernant la nomination, la suspension sans traitement ou la destitution d’officiers ou d’employés municipaux passeraient ainsi sous le contrôle de la CMQ.

Le cabinet de la ministre Laforest n’avait pas encore annoncé sa décision mercredi en début de soirée.

Le maire Laviolette « n’hésitera pas d’ailleurs à agir advenant une prise de contrôle par la Commission municipale du Québec, parce qu’il est convaincu que son administration a pris des décisions responsables », a prévenu son cabinet.

Le rapport d’enquête de la CMQ formule des constats très durs sur la façon dont Saint-Placide a géré le dossier d’une employée ayant fait l’objet de plaintes en harcèlement psychologique.

Ce rapport est « biaisé » et « laisse entrevoir une partialité évidente », car il « ne reprend que les prétentions des opposants de l’administration municipale », a rétorqué le cabinet du maire.

« Le conseil municipal a suivi une démarche appropriée et a tenu un vote unanime afin de régler un problème sérieux ayant été créé par l’administration municipale précédente », a soutenu M. Laviolette.

Des centaines de milliers de dollars

« La Municipalité a commis plusieurs erreurs importantes relativement à la réintégration d’une employée destituée. Des centaines de milliers de dollars de fonds publics ont été dépensés sans assises solides », a écrit la CMQ au maire de Saint-Placide mardi.

« Nous considérons qu’il s’agit d’un usage abusif de fonds publics et d’un cas grave de mauvaise gestion », a fait valoir la CMQ à l’appui de la tutelle.

« Mon souhait, c’est que la recommandation soit entendue par la ministre, et qu’elle la mette en application », a commenté la conseillère Marie-Ève D’Amour en entrevue téléphonique mercredi midi.

PHOTO FOURNIE PAR MARIE-ÈVE D'AMOUR

Marie-Ève D'Amour, conseillère municipale à Saint-Placide.

Le rapport la Direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale de la CMQ rendu public mardi a suscité de nombreux commentaires sur la page Facebook Solidarité Saint-Placide.

« Les montants, les rumeurs qu’on entendait, tout ça, c’est dans le rapport ! », s’est exclamé Sébastien Poirier, un résidant de Saint-Placide joint au téléphone en matinée. M. Poirier avait posé des questions à la dernière réunion du conseil, sans obtenir de réponse satisfaisante à ses yeux. « Pour le bien des citoyens, je n’aurais pas pu demander mieux comme rapport. »

PHOTO FOURNIE PAR SÉBASTIEN POIRIER

Sébastien Poirier, résidant de Saint-Placide.

L’employée destituée par le précédent conseil municipal en 2019 a contesté sa destitution devant le Tribunal administratif du travail (TAT).

Après les élections de 2021, où seulement deux membres du précédent conseil (dont Mme D’Amour) ont été réélus, « quelques membres du nouveau conseil, dont une personne qui est apparentée à l’employée et qui avait travaillé de nombreuses années avec elle, s’étaient donné le mandat de ‟régler” le dossier », relate le rapport de la Direction des enquêtes.

Trois résolutions ont ainsi été adoptées en septembre 2022. L’une autorise la réintégration de l’employée, les deux autres sont de nature financière. La première vise à affecter un demi-million de dollars « en acompte provisionnel dans un litige au [TAT] » et la seconde à autoriser un règlement d’emprunt de 800 000 $ sur 10 ans « pour le paiement des honoraires, des frais juridiques et du jugement de cour ».

Le budget 2023 de cette municipalité de 1800 habitants est de 3,3 millions de dollars.

« Ce sont les citoyens de la Municipalité qui vont payer la note pour cette guérilla qui n’aura fait, au bout du compte, que des perdants », dénonce le rapport, très critique par rapport aux trois résolutions.

Le règlement d’emprunt, qui n’avait pas encore été approuvé par la ministre, a été abrogé à la dernière séance du conseil. « Ce dossier sera traité comme étant abandonné par la municipalité et sera fermé » dès réception des documents, a précisé le ministère des Affaires municipales par courriel.

La somme de 500 000 $ puisée dans les surplus de Saint-Placide, par contre, « a été reçue par l’employée le 3 octobre 2022 », révèle le rapport de la CMQ. « La décision de réintégrer l’employée était irrégulière et le processus a été entaché de plusieurs vices majeurs et d’erreurs grossières », conclut celui-ci.

La Direction des enquêtes ne se prononce pas « sur l’existence, ou non, de harcèlement psychologique ». Elle estime toutefois que « la Municipalité n’a pas mis en place les moyens raisonnables afin que le retour de l’employée ne compromette pas le droit pour les employés municipaux de travailler dans un milieu sain ».

Trois plaintes pour harcèlement psychologique ont été déposées contre la municipalité de Saint-Placide depuis 2013, indiquent les données de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail (CNESST) obtenues par La Presse. La CNESST n’a cependant pas précisé quelles suites ont été données à ces plaintes.

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