Employée accusée de harcèlement psychologique réintégrée de façon irrégulière moyennant des centaines de milliers de dollars de fonds publics, contraventions aux lois québécoises et « manquements graves » à l’éthique et à la déontologie : la Direction des enquêtes et des poursuites en intégrité municipale (DEPIM) de la Commission municipale du Québec (CMQ) a publié mardi des constats très durs à l’égard de la petite municipalité de Saint-Placide, dans les Laurentides.

« De l’avis de la DEPIM, plusieurs actes répréhensibles ont été commis à l’égard de la Municipalité », conclut le rapport rendu public mardi.

En juin 2019, le conseil municipal adopte une résolution pour destituer une employée municipale qui a fait l’objet de plaintes en harcèlement psychologique, après avoir documenté la situation par deux rapports externes. L’employée conteste la décision devant le tribunal administratif du travail (TAT). Aux élections de novembre 2021, seuls deux membres du conseil municipal sont réélus.

« Selon l’enquête, quelques membres du nouveau conseil, dont une personne qui est apparentée à l’employée et qui avait travaillé de nombreuses années avec elle, s’étaient donné le mandat de “régler” le dossier de l’employée s’ils étaient élus, en réintégrant l’employée à son poste », mentionne le rapport.

De nouveaux élus s’en mêlent

En septembre 2022, le conseil adopte trois résolutions. L’une autorise la réintégration de l’employée, les deux autres sont destinées à couvrir la facture, salée, de l’opération. Une résolution vise à affecter un surplus accumulé d’un demi-million de dollars « en acompte provisionnel dans un litige au [TAT] », et l’autre à autoriser un règlement d’emprunt de 800 000 $ sur 10 ans « pour le paiement des honoraires, des frais juridiques et du jugement de cour ».

Le médiateur privé choisi par la municipalité « n’est pas un médiateur reconnu par le Barreau du Québec », note le rapport. De plus, il « n’a pas fait preuve d’impartialité et […] cela a entaché l’ensemble du processus », dénonce la direction des enquêtes.

La résolution ordonnant la réintégration de l’employée « est libellée d’une manière qui ne reflète pas la réalité » et le règlement d’autorisation d’emprunt comporte « des erreurs dans la rédaction », signale aussi son rapport.

Informations erronées et mise sous tutelle des ressources humaines

La direction des enquêtes estime par ailleurs que la municipalité « a donné des informations inexactes, voire erronées, au ministère des Affaires municipales et de l’Habitation lorsqu’elle a transmis la fiche de son règlement d’emprunt ».

Des résolutions adoptées le 18 avril dernier ont abrogé ce règlement d’emprunt. La direction des enquêtes juge toutefois « fort probable que de nouvelles sommes soient versées à l’employée » puisque le litige devant le TAT n’est pas terminé.

« Ce sont les citoyens de la Municipalité qui vont payer la note pour cette guérilla qui n’aura fait, au bout du compte, que des perdants », déplorent les auteurs en recommandant que leur rapport soit déposé à la prochaine séance ordinaire du conseil municipal.

Le rapport recommande également à la ministre des Affaires municipales de mettre les ressources humaines de la municipalité sous la tutelle de la Commission municipale, en donnant à cette dernière le pouvoir de nommer, destituer, ou suspendre sans traitement des officiers ou employés.

Tout en soulignant qu’elle n’avait pas le mandat « de statuer sur l’existence, ou non, de harcèlement psychologique », la direction des enquêtes note que « la Municipalité n’a pas mis en place les moyens raisonnables afin que le retour de l’employée ne compromette pas le droit pour les employés municipaux de travailler dans un milieu sain ».