Trois ans après avoir été expulsée du Canada à la suite d’une erreur administrative, une Camerounaise diplômée au Québec est finalement rentrée au pays samedi

« Je suis juste contente, je n’ai pas de mots, je suis tellement émue », a confié Rose Eva samedi à l’aéroport Montréal-Trudeau, avant de fondre en larmes. Son arrivée marque l’aboutissement d’une bataille de trois ans pour que cette diplômée du Québec revienne dans sa province d’adoption.

C’est la fin d’un pénible périple migratoire pour la jeune Rose Eva, cette étudiante camerounaise qui avait été expulsée du Québec en 2020 en raison d’une erreur administrative, soulevant une vague de mobilisation en sa faveur.

Samedi après-midi, la jeune femme aujourd’hui âgée de 26 ans a été accueillie avec beaucoup d’émotion par sa famille et ses amis à l’aéroport international Pierre-Elliott-Trudeau, de Montréal. Trois ans plus tôt, elle quittait le même aéroport, les larmes aux yeux, en assurant que ce n’était qu’« un au revoir ».

L’histoire de Rose Eva ne se serait pas aussi bien terminée sans l’implication des députés du Bloc québécois, assure-t-elle. Rhéal Fortin, député bloquiste de la circonscription Rivière-du-Nord, l’a d’ailleurs regardée arriver, les larmes aux yeux. À son côté, le porte-parole du Bloc québécois en matière d’immigration, de réfugiés et de citoyenneté, Alexis Brunelle-Duceppe, s’était déplacé pour l’occasion.

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Rhéal Fortin, député bloquiste de la circonscription Rivière-du-Nord, accueillant Rose Eva à l’aéroport

« Ça a été un long parcours, mais le dénouement est heureux, s’est réjouie Rose Eva. Ce que je retiens, c’est que j’ai été accompagnée, on ne m’a pas laissée seule », a-t-elle ajouté en remettant des petits cadeaux ramenés du Cameroun aux politiciens sur place.

« Je me sens libérée, allégée, a ajouté sa sœur aînée, Fernande Messina, qui vit à Saint-Jérôme, dans les Laurentides. Je peux enfin tourner la page. »

Expulsée pour avoir travaillé

Les déboires de Rose Eva remontent à 2020.

Trois ans plus tôt, la jeune femme était arrivée dans la province munie d’un permis d’études. Déjà titulaire d’une maîtrise en finances de l’Université de Yaoundé, au Cameroun, elle avait achevé une technique en programmation informatique à l’Institut Teccart de Montréal.

Grâce à ses bons résultats scolaires, elle avait terminé sa technique quelques mois avant l’échéance de son permis d’étude, qui lui permettait de travailler à temps partiel. Elle avait alors continué de travailler quelques heures par semaine dans une boutique de vêtements avant de faire sa demande de résidence permanente.

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Rose Eva en compagnie de sa famille et de ses amis, de même que des députés bloquistes qui ont travaillé pour son retour au Québec

Ce qu’elle ne savait pas, c’est qu’elle n’avait plus le droit de travailler.

Une erreur qui lui a valu d’être mise en détention et expulsée du pays, malgré la médiatisation de son histoire, de nombreuses offres d’emploi et l’intervention de sa famille et des députés bloquistes.

« On l’a traitée comme une criminelle, dénonce encore aujourd’hui Fernande Messina. C’était humiliant. Et elle se sent encore fautive. C’est moi qui lui dis de ne pas baisser la tête. »

« On l’aurait surprise à vendre de la drogue que ça aurait été la même chose, renchérit M. Fortin. Il n’y avait pas lieu de la pénaliser, mais de s’ajuster. C’était une personne bien intégrée, qui a étudié ici, qui travaille ici et qui parle français. »

« C’est un flagrant manque d’empathie de la part d’Immigration, Réfugiés et Citoyenneté Canada (IRCC) », estime aussi M. Brunelle-Duceppe, décrivant un ministère « dysfonctionnel » qui manque d’humanité.

Faire bouger les choses

Un mois après l’expulsion de Rose Eva, en janvier 2020, la loi concernant les étudiants étrangers a été mise à jour. Les étudiants peuvent désormais continuer de travailler à la fin de leurs études, à partir du moment où ils déposent une demande de permis postdiplôme.

Dans la même période, IRCC a été pointé pour sa discrimination disproportionnée des étudiants francophones africains. À l’automne 2022, le gouvernement fédéral s’est d’ailleurs engagé à revoir le processus pour augmenter leur taux d’approbation.

Mais pour Rose Eva, le mal était fait. Au Cameroun, elle a été stigmatisée pour avoir été « expulsée » du Canada, affirme sa sœur, un mot « lourd de sens », selon M. Brunelle-Duceppe.

C’était aussi le début d’un long processus pour permettre à la jeune femme de revenir au pays. « On a vécu des émotions en montagnes russes, c’était super long, éprouvant, et il y avait tout le temps des obstacles », témoigne Fernande Messina. Et sans l’assistance du Bloc [québécois], son dossier aurait été noyé quelque part. »

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Rose Eva à son arrivée à l’aéroport Montréal-Trudeau, drapeau du Québec en main

« Pour une Rose Eva de retrouvée, combien de personnes on perd [dans le processus migratoire] ? », se demande aussi Alexis Brunelle-Duceppe.

La jeune femme est de retour pour de bon, ayant obtenu sa résidence permanente. Son rêve : travailler dans son domaine, n’importe où, pourvu que ce soit dans la province. « J’ai été adoptée par le Québec, confie-t-elle. Je reviens vivre chez moi, en fait. »

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