On connaissait les certifications d’origine pour les vins, les diamants ou les fromages. Voilà que des villages québécois commencent à décerner un sceau d’authenticité à des personnalités phares de leur communauté.

(Saint-Roch-de-l’Achigan) À L’Accueil Saint-Roch, une résidence pour aînés (RPA) de Lanaudière, on n’attend pas Noël pour chanter les beautés du sapin ou le vent sifflant soufflant. À la fin novembre, déjà, une vingtaine de résidants enchaînaient les classiques, entraînés par l’accordéon de Jean-Claude Allard.

« Dans le temps, quand on était sur une ferme, chacun faisait sa soirée de chant et de danse. Moi, je m’assoyais avec les musiciens et je me disais : “Moi aussi, un jour, je jouerai…” », raconte M. Allard, l’œil pétillant.

Ce benjamin d’une famille de 10 enfants n’a pas attendu longtemps. « Mon frère montait un voyage de patates à Montréal et je lui ai demandé de m’acheter un petit accordéon. J’avais 7 ans quand j’ai commencé à pitonner. »

C’était il y a 88 ans. M. Allard, qui ne fait pas ses 95 ans, vient jouer ici chaque semaine. « Le chant, ça enlève l’anxiété, ça libère », s’enthousiasme la propriétaire de la RPA, Françoise Benchimol.

Chaque après-midi, M. Allard sort marcher sur la terre boisée de 45 arpents qu’il a mise, elle aussi, au service de la population locale. Lorsqu’il l’a acquise en 1966 de son frère propriétaire d’une scierie, c’était plutôt une terre déboisée. « Il restait juste des petits arbres. Je me suis mis à faire le ménage là-dedans et j’ai gagné le premier prix au concours du mérite forestier en 1983. »

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

L'enthousiasme de M. Allard est contagieux.

Agriculteur propriétaire d’une maternité porcine, il emmenait sa famille de sept enfants faire du ski de fond au bois. « Je passais l’avant-midi avec mes cochons et l’après-midi, je venais au bois, et j’étais heureux ! »

Il y a une trentaine d’années, il s’est entendu avec la municipalité pour ouvrir les lieux à la population en échange d’un coup de main pour entretenir les sentiers. Le site, baptisé Les Skis Fonneux, attire des dizaines de visiteurs le week-end. La cabane bâtie par M. Allard et ses fils est accessible en tout temps.

  • Jean-Claude Allard devant la cabane qu'il a bâtie avec ses fils.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    Jean-Claude Allard devant la cabane qu'il a bâtie avec ses fils.

  • La cabane est accessible en tout temps aux visiteurs.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    La cabane est accessible en tout temps aux visiteurs.

  • La certification COA (Création d’origine achiganoise), décernée à Jean-Claude Allard à titre de personnage.

    PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

    La certification COA (Création d’origine achiganoise), décernée à Jean-Claude Allard à titre de personnage.

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Sur l’une des fenêtres comme sur l’accordéon de M. Allard, on remarque le même autocollant orné des lettres COA (Création d’origine achiganoise). La certification lancée par la municipalité a reconnu des produits locaux, comme du miel ou des linges de vaisselle, mais aussi M. Allard.

« J’ai pas couru après ça pantoute, mais ça fait un petit velours », reconnaît le nonagénaire avec un sourire en coin.

Le bois a changé de propriétaires au fil des ans, mais il est toujours géré par des bénévoles, dont l’une des filles de M. Allard, Rèmonde. La municipalité aimerait acquérir le site.

Créée à Saint-Élie

Saint-Roch est l’un des plus récents villages qui se sont dotés de cette certification créée à Saint-Élie-de-Caxton, en Mauricie, en juillet 2019.

C’est un projet très à la bonne franquette. On a réduit l’officialité d’une certification et on l’a remise à notre grandeur.

Isabelle Héroux, propriétaire de la boulangerie artisanale Du bon pain croûte que croûte, de Saint-Élie-de-Caxton

Mme Héroux a lancé le projet avec le célèbre conteur Fred Pellerin.

La certification doit être gratuite. Et le premier critère stipule que la personne à l’origine du produit ou du service certifié doit démontrer « un sens de l’humour aiguisé dans [ses] gestes quotidiens », en plus d’avoir « à cœur le bien-être de [sa] communauté et le bonheur des autres ». Parmi les premiers certifiés FOC (fabrication d’origine caxtonienne), on trouve des produits (gâteau à la mandarine, pain baguette, jardinière de tomates cerises, etc.), mais aussi un personnage, Rockeur, le « pelleteux » du village, qui déneige les entrées à la pelle.

Cinq autres villages ont déjà créé leur certification, et au moins trois autres songent à le faire. « La certification de personnages est la plus touchante, ils sont tous très colorés », témoigne Mme Héroux, qui participe à chaque lancement avec Fred Pellerin.

POPS et FOJ

Les Produits originaux de Petit-Saguenay (POPS) ont certifié Gabriel Houde qui, vêtu d’un costume rappelant celui d’un policier de bande dessinée, rend d’innombrables services.

PHOTO FOURNIE PAR LA MUNICIPALITÉ DE PETIT-SAGUENAY

Gabriel Houde, certifié Produit original de Petit-Saguenay (POPS), pour les services rendus à la population

« Chaque fois qu’il y a un évènement, il gère la circulation et le stationnement, un poste que les bénévoles n’ont pas envie de faire parce que c’est loin de la musique », cite en exemple la directrice du développement de la municipalité, Corinne Asselin.

À Saint-Justin, à une demi-heure de Saint-Élie, les frères Marc et Henri Masson, bénévoles depuis des décennies, ont été certifiés FOJ (fabrication d’origine justinienne). En plus d’entretenir les sentiers de motoneige et les terrains de tennis, Marc Masson a entrepris de restaurer le terrain de baseball laissé à l’abandon.

PHOTO FOURNIE PAR FABRICATION D'ORIGINE JUSTINIENNE

Marc Masson qui, avec son frère Henri, a été certifié FOJ (Fabrication d'origine justinienne) pour les services qu'ils rendent bénévolement depuis des décennies à Saint-Justin, notamment en entretenant les infrastructures de loisirs

« C’est plus que du bénévolat, il faut que je paye : mon tracteur, ça ne marche pas avec des prières », blague M. Masson au téléphone. « Pour moi, ça n’a pas de prix, s’empresse-t-il d’ajouter. Ça m’a touché au cœur quand j’ai vu des jeunes qui se lançaient la balle avec un bâton et un gant un peu partout dans le village alors qu’on a un super beau grand terrain de balle, avec un éclairage que bien des clubs aimeraient avoir. »

Découvrez le projet Fabrication d’origine caxtonienne