Des élus municipaux et des experts en quête de solutions à la crise du logement se réunissent ce vendredi pour un Sommet de l’habitation

Il y a une semaine, Omar* a été évacué de son appartement du quartier Parc-Extension, à Montréal, parce que la Direction régionale de santé publique (DRSP) a décrété que le chantier en cours dans son immeuble était dangereux en raison de la présence d’amiante.

Lui et trois autres locataires auraient dû être relogés par le propriétaire de l’édifice, mais ils ont plutôt été pris en charge pendant trois jours par la Croix-Rouge, avant que le propriétaire leur trouve un nouveau logement temporaire, une chambre minuscule et mal aérée du centre-ville.

« Je vis comme un itinérant, je passe toute la journée à l’extérieur parce que je ne peux pas rester dans cette chambre déprimante, c’est comme une cellule de prison », se désole Omar.

Ses problèmes ont commencé en février dernier lorsque son immeuble a été vendu. Le nouveau propriétaire a réussi à convaincre 11 locataires de quitter leur logement, mais Omar et trois autres résidants ont refusé. Omar paie 360 $ par mois pour un appartement d’une pièce et demie qu’il occupe depuis 14 ans.

« J’ai entamé des recherches pour trouver un autre appartement dans mon quartier, mais 80 % des logements étaient insalubres, et le loyer était très cher : 800 $ pour un appartement d’une pièce et demie », déplore-t-il.

Depuis l’arrivée du nouveau campus de l’Université de Montréal près du quartier, les prix ont explosé.

Omar, locataire

Alors, il est resté chez lui, malgré des travaux de démolition très dérangeants, amorcés en juillet, ne respectant pas les règles de santé et de sécurité.

Des familles en camping

Le cas d’Omar n’est qu’un exemple des effets de la crise du logement qui sévit actuellement.

Selon les données du Front d’action populaire en réaménagement urbain (FRAPRU), 106 ménages montréalais sans logis reçoivent actuellement une aide d’urgence. Dans tout le Québec, il y en avait environ 500 au 1er août.

« On reçoit des appels désespérés de locataires qui vivent des drames parce qu’ils ne trouvent pas de logement », témoigne Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU.

Dans certaines régions, les services d’aide sont inexistants, et les sans-logis sont laissés à eux-mêmes.

Des familles font du camping forcé avec leurs enfants, d’autres s’entassent dans des logements trop petits ou insalubres parce que c’est tout ce qu’elles peuvent se payer, des personnes âgées sont obligées de prendre des colocataires ou d’habiter chez leurs enfants… Les organismes qui viennent en aide aux locataires entendent sans cesse de telles histoires.

Sans compter celles qui doivent consacrer plus de 50 % de leur revenu au logement et qui se retrouvent ensuite dans les banques alimentaires pour se nourrir, ajoute Mme Laflamme.

« C’est la réalité ! », insiste-t-elle.

PHOTO DOMINICK GRAVEL, ARCHIVES LA PRESSE

Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

On n’a rien à offrir à ces gens, parce qu’on a retiré le filet social dans le domaine du logement.

Véronique Laflamme, porte-parole du FRAPRU

Un sommet pour trouver des solutions

Justement, 300 élus municipaux et experts dans le domaine se réunissent ce vendredi pour un grand Sommet de l’habitation, à Laval.

« Nous aborderons plusieurs enjeux et pistes de solutions concrètes à mettre en application afin de contribuer à sortir de la crise que nous vivons présentement en habitation et qui préoccupe énormément la population, avec raison », a indiqué Catherine Fournier, mairesse de Longueuil et hôte du Sommet, dans un communiqué.

« Avec ce sommet, nous souhaitons réunir le plus grand nombre d’acteurs concernés pour qu’ensemble, on s’outille et on s’entraide », a déclaré Stéphane Boyer, maire de Laval, qui est aussi hôte du Sommet.

Selon Véronique Laflamme, même si les municipalités veulent agir dans le domaine, la principale solution est connue : Québec doit augmenter le financement accordé au logement social.

« C’est scandaleux de voir à quel point le gouvernement du Québec a abandonné les villes avec le problème en ne leur donnant pas les ressources nécessaires. On ne s’en sort pas sans investissement du gouvernement, » estime-t-elle.

« La CAQ avait promis 15 000 logements lors de la dernière campagne électorale, mais seulement le tiers ont été réellement construits. Ça fait quatre ans qu’on tourne en rond, et pendant ce temps, les coûts augmentent. »

Mme Laflamme souhaite que les partis politiques provinciaux prennent des engagements concrets au cours de la présente campagne électorale.

* Notre interlocuteur a voulu rester anonyme, de crainte de représailles de la part de son propriétaire.

Modèle viennois en habitation : Un toit pour chacun

Dans la capitale autrichienne de Vienne, 62 % de la population habite des logements sociaux, détenus par la Ville ou par des organismes sans but lucratif subventionnés. À l’occasion du Sommet de l’habitation, qui se tient ce vendredi à Laval, les participants auront l’occasion d’entendre l’ex-vice-mairesse de Vienne, Maria Vassilakou, leur présenter le modèle viennois. La Presse lui a parlé jeudi.

PHOTO ISABELLE DUCAS, ARCHIVES LA PRESSE

Logements subventionnés à Vienne, en Autriche

Qu’est-ce que le modèle viennois ?

Maria Vassilakou : C’est un engagement continu, depuis 100 ans, envers le logement de qualité et abordable pour tous. Au début du XXe siècle, il y avait une importante crise du logement, et le gouvernement municipal a décidé de se lancer dans le plus ambitieux projet de logement en Europe à l’époque. L’idée, c’était que tout le monde puisse avoir un toit au-dessus de sa tête pour vivre décemment. Le programme vise la classe moyenne, qui est le pilier de la société.

PHOTO TIRÉE DU SITE VIENNA SOLUTIONS

Maria Vassilakou, ex-vice-mairesse de Vienne

Comment fonctionne-t-il ?

MV : Il y a des logements publics, qui appartiennent directement à la Ville, et des logements sociaux, qui appartiennent à des organismes sans but lucratif subventionnés. Donc, la construction des logements est subventionnée, mais il y a aussi une aide financière individuelle pour ceux qui ne peuvent pas payer le loyer.

Comment ce programme est-il financé ?

MV : Par une taxe de 1 % sur les revenus, qui rapporte environ 350 millions d’euros (450 millions de dollars) à la Ville. Au total, dans le budget municipal, environ 500 millions d’euros (645 millions de dollars) sont consacrés au logement social chaque année.

Quels sont les avantages d’investir autant dans le logement social ?

MV : Le principal avantage est que Vienne est une ville où des gens de toutes les classes socioéconomiques se côtoient, puisque le logement social s’adresse à tout le monde et qu’il y a du logement social dans tous les secteurs de la ville. Il n’y a pas de ghetto. De plus, Vienne se classe régulièrement en tête des palmarès des villes les plus agréables où vivre, et c’est en bonne partie en raison du logement abordable. Enfin, quand les locataires paient moins cher de loyer, ils ont plus d’argent pour d’autres dépenses, ce qui est bon pour l’économie locale. Leur argent ne va pas aux grandes sociétés propriétaires de logements. Il est plutôt réinvesti au bénéfice de tous.

Lisez notre dossier sur le modèle viennois