L’organisation juive B’nai Brith a annoncé mercredi le lancement d’une poursuite contre l’Université McGill et des associations étudiantes ayant fait la promotion d’une politique de solidarité avec la Palestine. Celle-ci invitait à boycotter « les sociétés et les institutions complices de l’apartheid colonial contre les Palestiniens ».

« Il est inexplicable que McGill autorise un référendum anti-Israël après l’autre et continue à financer des activités qui violent ses propres politiques. En agissant ainsi, elle participe à la création d’un environnement antisémite » a fustigé le directeur général de l’organisation juive, Michael Mostyn, dans un communiqué.

C’est un étudiant de troisième année de l’université qui a initialement déposé la poursuite. Celle-ci a rapidement obtenu le soutien de B’nai Brith, qui dit ainsi défendre à travers lui « tous les étudiants juifs du campus qui ne se sentent pas en sécurité et ne sont pas les bienvenus en raison des référendums anti-Israël continus de leur société étudiante ».

En mars dernier, 71 % des étudiants avaient voté pour une politique de solidarité avec la Palestine qui enjoignait à l’Association étudiante de l’Université McGill (AEUM) de boycotter « les sociétés et les institutions complices de l’apartheid colonial contre les Palestiniens ».

La mesure s’inscrivait dans la campagne internationale Boycottage, désinvestissement, sanctions (BDS).

Ladite politique a toutefois été abandonnée par l’AEUM après que l’administration de l’université eut menacé de réduire le financement du syndicat des étudiants de premier cycle. L’initiative encourage « une culture d’ostracisme et de manque de respect en raison de l’identité, des convictions religieuses ou politiques des étudiants », avait en effet justifié Fabrice Labeau, premier vice-principal exécutif adjoint aux études et à la vie étudiante de l’Université McGill, dans un courriel obtenu par La Presse.

L’Université McGill n’a pas souhaité commenter la situation, mercredi, étant donné la judiciarisation du dossier. Notons que la poursuite de B’nai Brith vise la direction de McGill, mais aussi l’association étudiante de McGill et le collectif Solidarité pour les droits de l’homme en Palestine (SPHR).

Ce dernier, qui est à l’origine du référendum, avait vivement condamné la volte-face du conseil d’administration de l’AEUM, renommé « conseil des dictateurs » dans une déclaration parodique. En représailles, l’association avait d’ailleurs décidé de priver le SPHR de ses ressources pendant 105 jours.

L’intervention de Roger Waters critiquée

Mi-juillet, alors qu’il était de passage au Centre Bell, le populaire chanteur britannique Roger Waters avait d’ailleurs ajouté son grain de sel, en offrant son appui aux étudiants qui militent pour les droits des Palestiniens à l’Université McGill, jugeant que le résultat du référendum « est une défaite écrasante pour B’nai Brith et pour le mouvement sioniste en général dans le monde ».

L’ex-chanteur de Pink Floyd déplore depuis plusieurs mois que l’administration de l’Université McGill se plie aux demandes d’organisations comme B’nai Brith et le Centre consultatif des relations juives et israéliennes, qui a qualifié l’initiative propalestinienne d’« antisémite, polarisante et antidémocratique ».

Avec 200 universitaires et artistes, ainsi qu’une quarantaine d’organisations, M. Waters avait signé en mai une lettre pour dénoncer les menaces « antidémocratiques » de l’administration de l’Université McGill. « Votre administration cherche à faire taire le débat sur la dépossession des Palestiniens et à empêcher les étudiants de McGill de protester contre les abus d’Israël », avaient alors écrit les signataires.

Dans son communiqué, B’nai Brith dénonce d’ailleurs sans retenue « l’habituel venin anti-israélien » du chanteur, connu pour ses positions propalestiniennes. « Ces types de référendums ne sont pas limités à McGill, c’est un problème dans les universités à travers le Canada, et nous espérons que les autres universités y prêtent attention » a aussi fustigé Sam Goldstein, directeur des affaires juridiques de l’organisme.

Avec Charles-Éric Blais-Poulin, La Presse