(Ottawa) Même si Air Canada choisissait de payer des amendes au lieu d’améliorer réellement ses services en français, elle pourrait se voir imposer des changements par le commissaire aux langues officielles. C’est ce qu’a plaidé la ministre Ginette Petitpas Taylor qui a défendu son projet de loi en comité parlementaire mercredi.

« Le commissaire a un coffre à outils [pour] vraiment faire son travail », a-t-elle affirmé en réponse aux questions du député conservateur Jacques Gourde.

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Ginette Petitpas Taylor

La nouvelle mouture du projet de loi pour moderniser la Loi sur les langues officielles donne de nouveaux pouvoirs au commissaire chargé de veiller à son application. Il pourrait imposer des pénalités à Air Canada s’élevant jusqu’à 25 000 $. Ce pouvoir serait également étendu à VIA Rail et à Marine Atlantic ainsi qu’à toutes les autorités aéroportuaires.

« Air Canada a des revenus annuels de 5,8 milliards, a rappelé M. Gourde. Si le commissaire donne une sanction maximum de 25 000 $, pensez-vous que ça peut vraiment les ébranler ou ils vont peut-être choisir de payer l’amende et de ne pas respecter la loi ? »

L’un des hauts dirigeants interrogés par les élus du comité parlementaire sur les langues officielles avait déclaré lundi que « la conformité à la loi, ça ne passe pas par des amendes ». Il plaidait plutôt pour l’obtention de soutien du gouvernement fédéral.

« Premièrement, je pense qu’on doit se souvenir que les sanctions administratives pécuniaires c’est un outil, ce n’est pas le pire des outils », a fait valoir la ministre Petitpas Taylor. Le projet de loi C-13 donne cinq nouveaux pouvoirs au commissaire aux langues officielles : la médiation informelle, la publication de ses décisions, l’imposition d’amendes, la conclusion d’accord de conformité et le pouvoir d’ordonnance.

« Réellement le pouvoir d’ordonnance, c’est vraiment ça qui va avoir plus de mordant pour des compagnies comme Air Canada », a-t-elle ajouté. Il permettrait au commissaire aux langues officielles de recourir à la Cour fédérale pour faire appliquer une ordonnance qui ne serait pas respectée.

Le président-directeur général d’Air Canada, Michael Rousseau, avait soulevé une tempête linguistique en novembre en livrant un discours en anglais à Montréal malgré les avertissements d’un membre du cabinet de François Legault à Québec et du Commissariat aux langues officielles à Ottawa. Seules quelques phrases en français avaient été ajoutées.

Il avait par la suite affirmé aux journalistes qu’il vivait dans la métropole depuis 14 ans sans avoir eu à apprendre le français, ce qui était « tout à l’honneur » de la ville. Une déclaration qui avait fait sourciller, puisque le transporteur aérien est soumis à la Loi sur les langues officielles et qu’il accumule un nombre important de plaintes sur la piètre qualité de ses services en français année après année.

La ministre Petitpas Taylor avait rencontré le président du conseil d’administration d’Air Canada, Vagn Sørensen, dans la foulée de cette controverse.

« La seule raison que je les ai rencontrés quand même c’est à cause de la gaffe complète de M. Rousseau [durant] ma deuxième semaine [comme] ministre des Langues officielles. Je dois vous dire j’étais très frustrée à propos de ses commentaires et puis on a eu une conversation à ce sujet-là, mais ce n’était pas à propos du projet de loi. »

Le commissaire aux langues officielles avait d’ailleurs reçu plus de 2000 plaintes, un nombre record après le discours de M. Rousseau. Quelques mois plus tard, la ministre lui accordait les nouveaux pouvoirs qu’il réclamait depuis longtemps pour être en mesure de faire appliquer la loi au lieu de se contenter d’émettre des recommandations.

Le patron d’Air Canada a offert ses excuses dans un français laborieux aux membres du comité parlementaire lors de son témoignage lundi. Il a dit suivre des cours intensifs de français depuis, qui lui demandent 10 h par semaine.

Le projet de loi C-13 qui modifie la Loi sur les langues officielles, déposé le 1er mars, en est aux premières étapes du processus législatif. Il n’a pas encore franchi celle de la deuxième lecture à la Chambre des communes.