(Ottawa) Le président-directeur général d’Air Canada a fait acte de contrition dans un français laborieux devant des élus de la Chambre des communes, lundi, pour calmer la tempête linguistique qu’il avait déclenchée en novembre. Bien qu’il dise sincèrement vouloir améliorer les services en français du transporteur aérien, un autre membre de la haute direction s’est prononcé contre l’imposition d’amendes pour l’amener à se conformer à la Loi sur langues officielles.

« Je suis désolé. Je m’excuse encore ici et je prends la pleine responsabilité de mes propos », a-t-il dit dans un français maladroit au début de son témoignage devant les élus du comité parlementaire sur les langues officielles. « Je regrette l’impact que cela a causé à nos employés qui servent nos clients chaque jour dans les deux langues officielles. »

Depuis ses propos malheureux, le patron d’Air Canada suit des cours intensifs quotidiennement avec deux tuteurs pour apprendre à s’exprimer en français et complète des exercices le soir à la maison, ce qui lui prend en tout 10 heures par semaine. Il a toutefois répondu aux questions des élus uniquement en anglais.

« J’aurais aimé livrer plus de mes remarques préliminaires dans les deux langues officielles, mais ma capacité à parler français n’est pas encore à la hauteur des efforts que j’ai investis pour l’apprendre », a-t-il expliqué.

Plusieurs députés l’ont déploré, d’autres l’ont félicité pour son apprentissage du français. « Non seulement sa présentation n’était pas à moitié en français et en anglais – on s’attendrait à ce que ça soit le minimum –, mais aucune de ses réponses n’est en français », a souligné la députée néo-démocrate Niki Ashton.

Michael Rousseau avait déclenché une tempête linguistique en novembre en livrant un discours en anglais à Montréal malgré les avertissements d’un membre du cabinet de François Legault à Québec et du Commissariat aux langues officielles à Ottawa. Seules quelques phrases en français avaient été ajoutées.

« J’ai pris la décision avec de bonnes intentions, a-t-il expliqué en anglais. Je voulais m’assurer que les gens comprennent bien ce que je voulais dire et à ce moment-là, ma maîtrise du français n’était pas forte, donc j’ai choisi de prononcer mon discours en anglais. »

Le patron d’Air Canada avait par la suite affirmé aux journalistes qu’il vivait dans la métropole depuis 14 ans sans avoir eu à apprendre le français, ce qui était « tout à l’honneur » de la ville. Une déclaration qui avait fait sourciller, puisque le transporteur aérien est soumis à la Loi sur les langues officielles et qu’il accumule un nombre important de plaintes sur la piètre qualité de ses services en français année après année.

Record de plaintes

À la suite de cette controverse, le commissaire aux langues officielles avait d’ailleurs reçu plus de 2000 plaintes, un nombre record.

Depuis, le gouvernement a accepté de lui donner le pouvoir d’imposer des pénalités à Air Canada pouvant s’élever jusqu’à 25 000 $ dans le cadre du projet de loi C-13 pour renforcer la Loi sur les langues officielles. Ce pouvoir serait également étendu à VIA Rail et à Marine Atlantic ainsi qu’à toutes les autorités aéroportuaires.

« On croit vraiment que la conformité à la loi, ça ne passe pas par des amendes », a affirmé le vice-président des relations gouvernementales et des relations avec les collectivités d’Air Canada, David Rheault, en réponse à une question du député conservateur Bernard Généreux.

« On ne pense pas que donner des amendes à une entreprise privée comme nous va améliorer la situation, au contraire, a-t-il ajouté. On pense peut-être que le gouvernement pourrait soutenir davantage les entreprises qui sont engagées envers le bilinguisme canadien. »

Le projet de loi déposé le 1er mars n’a pas encore franchi l’étape de la deuxième lecture à la Chambre des communes.

Michael Rousseau s’est dit sincèrement engagé « à faire avancer les efforts d’Air Canada en matière de langues officielles ». Après une consultation lancée auprès de ses employés dans la foulée de la controverse, la haute direction a lancé trois mesures : la création d’un nouveau département voué au respect des langues officielles qui fera rapport au comité exécutif de l’entreprise, l’attribution de fonds supplémentaires pour la formation linguistique et la création de mesures incitatives pour la promotion du bilinguisme au sein de l’entreprise.

Par exemple, les employés qui recommanderont une personne bilingue pour travailler au sein d’Air Canada recevront une prime. Le transporteur aérien dit avoir de la difficulté à recruter des travailleurs capables de s’exprimer en anglais et en français.

Ces mesures s’ajoutent au Plan d’action linguistique 2020-2023 du transporteur aérien.