(Vancouver) De nouveaux documents juridiques accusent le président des États-Unis d’avoir « envenimé » le dossier d’extradition contre la dirigeante financière de Huawei détenue au Canada.

Une demande déposée à la Cour suprême de la Colombie-Britannique par les avocats de Meng Wanzhou allègue que cette inconduite de la part de Donald Trump répond à la norme claire de suspendre la procédure pour abus de procédure.

Les documents soutiennent que M. Trump s’est servi du cas de Meng Wanzhou pour faire progresser ses négociations commerciales avec la Chine et qu’il a l’intention de l’utiliser comme « monnaie d’échange » dans le différend, qui n’a aucun rapport avec les accusations portées contre elle.

« En utilisant le processus d’extradition du Canada pour obtenir un avantage stratégique dans son différend avec la Chine, les États-Unis ont sapé — et sapent — l’intégrité des procédures judiciaires du Canada », indiquent les documents.

Donald Trump a établi un lien entre une résolution des négociations entre le gouvernement américain et Huawei à un éventuel accord commercial avec la Chine. Il a déclaré qu’il examinerait le rôle de Huawei dans un accord commercial au stade final des négociations, soutient la requête judiciaire.

« Cette conduite antérieure montre le caractère raisonnable de la crainte de [Meng Wanzhou] qu’il intervienne dans son cas, et du mérite de sa prétention selon laquelle ses commentaires ont déjà envenimé le processus d’extradition. »

Tant que Meng Wanzhou fera l’objet d’un processus d’extradition au Canada, « elle pourra continuer à servir monnaie d’échange aux États-Unis », ajoute le document.

Meng Wanzhou est détenue à la suite d’une demande d’extradition américaine en raison d’allégations selon lesquelles elle aurait menti au sujet de la relation que Huawei entretenait avec une entreprise de télécommunications basée en Iran, violant ainsi les sanctions américaines.

Elle et Huawei nient les accusations.

Son arrestation à l’aéroport de Vancouver en décembre 2018 a entraîné d’importantes tensions entre le Canada et la Chine. Les arrestations et les allégations d’espionnage subséquentes contre les Canadiens Michael Kovrig et Michael Spavor en Chine sont largement perçues comme une tentative de faire pression sur le Canada pour qu’il libère Meng Wanzhou.

Elle a été libérée sous caution et vit dans sa maison de Vancouver, tandis que son équipe juridique dépose de nombreuses requêtes pour qu’elle retrouve sa liberté.

En mai, la juge en chef adjointe de la Cour suprême de la Colombie-Britannique Heather Holmes a rejeté la première phase des arguments juridiques des avocats de Meng Wanzhou, qui plaidaient que l’affaire devrait être rejetée parce que les allégations américaines contre elle ne constitueraient pas un crime au Canada.

La dernière demande déposée auprès du tribunal indique que la poursuite de la procédure « porterait inévitablement atteinte au respect et à la confiance dans le processus judiciaire canadien. Elle semblerait tolérer et “donner un sceau d’approbation” à l’utilisation abusive intentionnelle par l’État requérant des tribunaux canadiens. »

Les documents mentionnent que le premier ministre Justin Trudeau a dressé un parallèle entre le cas de Meng Wanzhou avec ceux de MM. Spavor et Kovrig en disant que les États-Unis ne devraient pas signer un accord commercial final avec la Chine tant que la question de Meng Wanzhou et des deux hommes détenus n’a pas été réglée.

« Dans ce climat, chaque décision juridique prise par [Meng Wanzhou] est indûment influencée par des considérations politiques. »

« Ces procédures ont été envenimées, soutient le document. Elles ne peuvent plus être raisonnablement considérées comme équitables, indépendamment de la bonne foi incontestable du tribunal. »

« Le préjudice à l’équité de ces procédures est établi par les affirmations répétées du président selon lesquelles la liberté [de Meng Wanzhou] est effectivement une monnaie d’échange dans ce qu’il considère comme le plus gros accord commercial jamais signé. »

On prévoit que les avocats de Meng Wanzhou invoquent des arguments d’abus de procédure et demandent une audience à la Cour suprême de la Colombie-Britannique en février prochain.