Tombée à 16 ans dans les griffes d’un proxénète, Maude a tenté plusieurs fois de s’en sortir. En vain. Jusqu’à ce qu’elle rencontre un enquêteur du SPVM qui l’a prise sous son aile comme si elle était sa fille. Ensemble, ils sont allés à la guerre. Et ils ont gagné. Quinze ans plus tard, l’ex-danseuse érotique rêve de devenir procureure de la Couronne. Dans le but d’aider d’autres victimes d’exploitation sexuelle à obtenir justice.

Comme si c’était sa fille

C’est l’histoire de Maude, qui ne s’appelle pas vraiment Maude*. Et de son « ami » qui n’était pas vraiment un ami. L’histoire dure et scandaleusement banale d’une adolescente timide tombée dans les griffes d’un proxénète à Montréal. L’histoire d’une victime d’exploitation sexuelle aussi fragile que courageuse dont le premier appel à l’aide a été ignoré par la police. Jusqu’à ce soir où elle a frôlé la mort et où elle a rencontré l’enquêteur Daniel Loiseau, du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM). Une rencontre qui, dit-elle, lui a sauvé la vie.

« S’il n’avait pas été là, je n’aurais pas passé au travers. »

Dès qu’elle s’est assise devant l’enquêteur Loiseau, Maude s’est sentie en confiance. « Je ne me suis pas sentie jugée. Il m’écoutait. Je voyais que ça lui tenait vraiment à cœur, qu’il voulait vraiment m’aider. Pas une seconde, je n’ai senti que lui et son équipe faisaient “juste” leur job. C’est comme si l’enquêteur me prenait pour sa fille. »

Ce soir-là, l’enquêteur Loiseau a dit à Maude ce qu’il dit à toutes les victimes pour les rassurer. « C’est comme un pitch de vente. Je leur dis : “On va être là avec toi jusqu’à la fin. Ne t’en fais pas, ça fait longtemps que je fais ça. Si tu me fais confiance et que tu me racontes ton histoire, je vais pouvoir faire de belles choses avec ton histoire. Je suis déjà allé à la cour avec des filles comme toi, du même âge, avec des histoires semblables. Et je peux te dire qu’il ne leur est jamais rien arrivé après. Je peux te dire qu’il ne t’arrivera rien.” »

L’enquêteur s’assure dès la première rencontre que les victimes aient le soutien psychologique nécessaire pour « partir à la guerre » avec lui. « Le privilège qu’on a, c’est d’avoir le CAVAC [Centre d’aide aux victimes d’actes criminels] qui travaille avec nous dans nos bureaux. C’est primordial. Ça fait en sorte qu’une intervenante peut rencontrer la victime immédiatement et l’épauler pour qu’elle puisse remonter la pente. C’est la clé du succès. Ça fait toute la différence. C’est ce qui fait qu’on est forts à Montréal dans ce genre de dossiers. »

Son nom de famille est Loiseau. Mais ses collègues le surnomment à la blague « le rossignol ». « Dans 80 % des cas, je réussis à gagner la confiance des filles et à les faire parler. Souvent, je leur apparais peut-être comme le père qu’elles n’ont jamais eu. Un grand frère ou juste une personne humaine et empathique qui les approche d’une autre façon que ce à quoi on les a habituées. Des fois, je leur dis : “J’ai des filles de ton âge. Je ne voudrais pas que ça arrive à mes filles.” C’est une des raisons pour lesquelles je fais ce travail. »

Lorsqu’une victime lui accorde sa confiance, l’enquêteur le voit comme un privilège qui vient souder un pacte entre eux. 

La fille qui te raconte les pires moments de sa vie… On a beau dire que les policiers sont faits solides, ça reste bouleversant. Tu as beau avoir une carapace, ça te touche en dedans.

Daniel Loiseau, policier au SPVM

Ce privilège s’accompagne d’un engagement de la part de l’enquêteur à l’endroit de la victime : « Il ne faut pas que je la déçoive pour rien au monde. »

***

Comme bien des victimes, Maude ne réalisait pas au départ qu’elle était victime d’exploitation sexuelle.

Elle avait 16 ans lorsqu’elle a rencontré celui qui allait devenir son proxénète. Elle, une ado à l’estime de soi vacillante, qui a grandi dans une famille soudée et aimante. Lui, un pseudo-rappeur manipulateur qui a tissé sa toile tout doucement autour d’elle avant de révéler son vrai visage.

« Ce sont de gros préjugés, mais avant, j’étais la première à penser que les danseuses venaient toutes de milieux défavorisés… Je suis vraiment la preuve que ça peut arriver à n’importe qui. »

Il l’a entraînée un soir dans un bar de danseuses, « juste pour aller rejoindre un ami ». « Je ne connaissais absolument rien de cet univers. Ce n’était vraiment pas mon genre de place. Mais je me disais : “Bon, OK, il y a une première fois à tout…” »

Ils y sont retournés plusieurs fois par la suite. Elle a sympathisé avec les « blondes » des amis du proxénète qui travaillaient là comme danseuses. « T’es super belle. Tu devrais essayer. C’est pas ce que les gens croient… Si t’aimes pas comment un client te touche, tu lui dis et il arrête… Tu vas faire plein d’argent », lui disait-on.

À 18 ans, elle a fini par se dire : « Pourquoi ne pas essayer ? » Son pimp était ravi de la voir tomber dans le piège qu’il lui avait patiemment tendu. « Il a fini par me jouer assez dans la tête pour me faire croire que c’était moi qui voulais commencer à faire ça. »

Il lui a proposé d’aller avec elle acheter ses « petits kits » et ses talons hauts pour danser.

Après sa première soirée de travail très lucrative, il lui a offert de venir prendre un verre chez lui. En entrant dans son appartement, elle a eu l’impression que l’homme assis devant elle sur le divan n’était plus cet ami qui jouait au grand frère protecteur avec elle avant de devenir son chum. Son visage avait changé du tout au tout. « On aurait dit un diable… Il m’a dit : “Viens t’asseoir. Tu peux mettre l’argent sur la table.” »

Pour la première fois, elle a eu peur. Qu’allait-il lui arriver si elle refusait de se plier à ses demandes ?

La réponse, elle l’a reçue à coups de poing. Il avait dressé pour elle une longue liste de restrictions. Interdiction de boire parce que les clients n’aiment pas les filles saoules. Interdiction de s’asseoir au bar de danseuses pour que les clients puissent voir la « marchandise » en tout temps. Interdiction d’appeler ses amies parce qu’une jeune femme isolée est une meilleure proie…

J’avais peur de lui. Je ne savais pas ce qu’il allait me faire. Je pense que c’est pour ça que je restais là-dedans.

Maude

La première fois qu’il l’a battue, un témoin a appelé la police. Maude saignait. Elle avait le nez cassé. Quand la police est arrivée, son pimp lui a dit : « Tu dis que tu t’es battue au club avec une fille. »

Deux policiers – un homme et une femme – se sont approchés. Maude avait peur. « C’était ma première expérience avec la police et elle n’a pas été trop bonne. Faut dire que je ne suis peut-être pas tombée sur les meilleurs ! »

« C’est lui qui t’a fait ça ? » lui a lancé d’emblée la policière.

Maude ne se sentait pas très à l’aise de lui parler. « Je me sentais jugée en partant. » Elle savait aussi que tout ce qu’elle allait dire serait entendu par son pimp, qui se trouvait à quelques mètres d’elle. Alors elle a dit ce qu’il l’avait sommée de dire : « Non, je me suis battue avec une fille au club. »

L’autre policier a ajouté : « Tu sais qu’il y a des caméras et qu’on peut aller regarder si tu mens. » Peut-être pas la meilleure façon de gagner la confiance d’une victime et de la protéger.

« Croyez-le ou pas, ils nous ont laissés repartir ensemble ! »

Et ce qui devait arriver arriva. Son pimp l’a séquestrée pendant deux jours. Il l’a battue. « Il n’y a rien qu’il ne m’a pas fait. J’étais défigurée. » Elle était plus que jamais tétanisée par la peur.

* Le prénom est fictif afin de préserver l’identité de la victime.

Grâce à lui

Maude est restée sous l’emprise de son proxénète durant cinq ans. « J’ai essayé de me sauver au moins cinq fois. Je retournais chez mes parents. Soit il me menaçait. Soit il me disait : “Oh ! Mais non, bébé, tu sais que je t’aime, je ne vais jamais recommencer.” »

Elle a porté plainte contre lui pour harcèlement. Il s’est fait imposer une ordonnance de non-communication qu’il défiait en lui faisant croire que c’était une preuve d’amour.

Elle l’a quitté, puis est retournée auprès de lui plusieurs fois. Jusqu’à ce soir où elle a vraiment eu peur de mourir. « Il m’a tellement battue que je me disais que je n’allais pas sortir vivante de l’appartement. » Après avoir évité de justesse qu’une table en vitre se fracasse sur sa tempe, elle s’est dit : « OK. Il pourrait me tuer. »

Dans la liste des contraintes qu’il lui imposait, il y avait celle de se mettre nue dès qu’elle mettait les pieds chez lui. « Il me disait que c’était parce qu’il me trouvait belle. Mais c’était sûrement pour ne pas que je me sauve… C’est pas mal plus difficile de se sauver toute nue ! »

En feignant d’aller à la salle de bains, qui était juste à côté de la porte d’entrée, elle a tenté d’attraper une chemise et de s’enfuir dans le corridor. Il a essayé de la rattraper et a commencé à la battre. Elle a réussi à se réfugier chez une voisine, qui lui a donné des vêtements et a alerté la police.

Elle a déposé une plainte pour violence conjugale. « Je ne savais pas que c’était en fait du proxénétisme… »

Son pimp a tenté de soudoyer une de ses amies pour entrer en contact avec elle, en dépit de l’ordonnance de non-communication. Maude a alors porté plainte pour non-respect de condition. Au Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), elle est tombée sur un premier enquêteur qui avait suivi la formation du programme Les Survivantes, créé en 2010 par deux policières, Diane Veillette et Josée Mensales, dans le but de changer la culture policière en matière de lutte contre l’exploitation sexuelle. « Lorsqu’il a vu dans mon dossier que j’étais “danseuse érotique” et a entendu mon histoire de violence conjugale, il a fait 1 + 1… Il m’a dit : “Travailles-tu pour lui ?” »

Elle était sous le choc. Aucun mot ne sortait de sa bouche. 

Ça m’a frappée tout d’un coup. Je me disais : “OK, c’est vraiment ça. Je suis vraiment sous l’emprise d’un proxénète.”

Maude

Sa meilleure amie qui l’accompagnait au poste de police a tout déballé. On a alors proposé à Maude de rencontrer les enquêteurs de ce qu’on appelait encore à l’époque la « Moralité ».

« Ils ont tellement été wow ! Je me sentais tellement en confiance. C’est grâce à eux que j’ai pu porter plainte pour traite de personnes et exploitation sexuelle. C’était un très long et très dur processus. Mais je suis allée jusqu’au bout. Et c’était la meilleure chose que j’ai faite de ma vie. Sans ça, je ne suis pas sûre que je serais là aujourd’hui. »

***

Je demande à Maude si elle a été tentée d’abandonner les démarches judiciaires, extrêmement pénibles.

« Oh… God ! Oui ! Une chance que Daniel était là. Sérieusement, je n’aurais pas tenu le coup. »

Elle se revoit dans un cubicule austère du palais de justice, épuisée, pleurant toutes les larmes de son corps devant l’enquêteur Loiseau qui l’encourageait. « Il me regardait et me disait : “T’es forte ! T’es capable ! On s’en va à la guerre, toi et moi. Ce n’est pas vrai qu’on va lâcher !” »

Il lui répétait : « T’as fait le bon choix. Je ne te laisserai pas tomber. On va gagner. Il va perdre. Il n’y a rien qui bat la vérité. »

Maude sentait qu’elle devait aller jusqu’au bout… Ne serait-ce que pour ne pas décevoir l’enquêteur et toute l’équipe qui la soutenaient.

Ils travaillaient tellement fort pour moi. Je me disais : je ne peux pas abandonner, je ne peux pas leur faire ça. Parce que ça aurait été le laisser gagner, lui.

Maude

Elle ne l’a pas laissé gagner. Elle ne l’a pas laissé non plus la définir. Elle n’est plus une victime. Elle est une survivante qui travaille fort à tirer des leçons de cette épreuve et à en faire bénéficier d’autres victimes.

En mai dernier, au party de retraite de l’enquêteur Loiseau, Maude était là avec d’autres survivantes. Tout le monde pleurait. Même les enquêteurs durs à cuire qui ne pleurent jamais. « C’était très émotif. Daniel a tellement pris soin de nous. Il s’est tellement occupé de nous que là, je lui ai dit : “C’est le temps de t’occuper de toi et de profiter de la vie.” »

L’enquêteur Loiseau a les larmes aux yeux quand il évoque les invitées très spéciales de son party de retraite. Toutes ne rêvent pas d’être procureure comme Maude. Mais toutes reviennent de loin et peuvent être fières de leur parcours. « Il faut voir d’où chacune est partie et où elle s’est rendue. Chacune a une belle histoire. Et c’est ce qui est merveilleux. Pouvoir voir qu’à travers notre job, on a pu changer un petit quelque chose dans leur vie. Après, ce sont elles qui montent la côte, ce n’est pas moi. »

Grâce à elles

Aujourd’hui âgée de 30 ans, Maude participe au programme Les Survivantes du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), qui contribue à faire changer les mentalités des policiers, des élus et des intervenants en matière d’exploitation sexuelle. « On leur offre des séances d’information. Et à la fin de chacune de nos séances, une survivante nous accompagne pour partager son histoire. Les gens peuvent poser des questions. Ça humanise le propos », explique l’agente Romy Verge-Boudreau, coordonnatrice du programme.

PHOTO FRANÇOIS ROY, LA PRESSE

Romy Verge-Boudreau, coordonnatrice du programme Les Survivantes au SPVM

Pour Maude, c’est notamment l’occasion d’expliquer à des patrouilleurs les erreurs à ne pas commettre lorsqu’ils se retrouvent face à une victime potentielle de proxénétisme. Un jour, alors qu’elle donnait sa première conférence devant des policiers, elle a aperçu l’agent avec qui elle avait eu une très mauvaise première expérience. Elle n’avait jamais oublié son visage. Après avoir raconté à quel point cette intervention policière avait été désastreuse pour elle, le policier, tout penaud, est venu la voir à la fin de la conférence.

« Tu me reconnais-tu ?

— Inquiète-toi pas, je n’ai pas oublié ta face !

— Je suis tellement désolé… Je ne pourrai jamais m’excuser assez. Si j’avais eu cette formation avant, je te jure que je n’aurais jamais agi comme ça. »

Maude rencontre aussi des jeunes filles qui se trouvent exactement là où elle se trouvait elle-même au même âge. Devant elles, elle a une légitimité qu’aucun policier ne peut avoir. « J’ai peut-être 10 ou 15 ans de plus qu’elles. Mais je l’ai vécu. Je sais c’est quoi. Je ne leur dis pas de ne pas faire ceci ou cela parce que ça n’est pas bien. Mais parce que je sais. Si ça peut les aider ou juste sonner une petite cloche… »

Elle les incite à écouter leur petite voix intérieure. « Moi, cette première soirée où il m’a dit de mettre l’argent sur la table, ma petite voix m’a dit de prendre mes deux jambes à mon cou et de crisser mon camp. Mais je ne l’ai pas fait. »

Les tactiques de manipulation des proxénètes sont souvent les mêmes. S’ils sentent qu’une fille n’est pas prête tout de suite à être escorte ou danseuse érotique, ils vont l’inciter à faire de la fraude ou à commettre des petits délits pour ensuite la menacer et avoir une emprise sur elle, explique l’agente Romy Verge-Boudreau. 

Ils ciblent vraiment bien leurs victimes. Ils sont capables de les cerner rapidement. Ils vont y aller avec leurs carences. Ils vont ajuster leurs façons de faire en fonction de la jeune fille (ou du garçon) qu’ils ont devant eux.

Romy Verge-Boudreau, coordonatrice du programme Les Survivantes

Le rêve de Maude de devenir procureure de la Couronne trouve son fondement dans le même désir de contribuer à la lutte contre l’exploitation sexuelle. Elle a aussi été inspirée par le travail de la procureure responsable de son dossier. « Elle a été merveilleuse. Elle était tellement réconfortante. Si je peux, moi aussi, accompagner des personnes tout au long du processus judiciaire qui est dur et long, je pourrai faire encore plus pour aider des victimes à obtenir justice. »

***

J’ai voulu rencontrer cette survivante qui rêve d’être procureure et l’enquêteur à la retraite qui a joué un rôle si important dans sa survie à la suite d’une entrevue que j’ai menée récemment avec le lieutenant-détective Dominic Monchamp, à l’occasion de l’évènement-bénéfice Prix Femmes de mérite du Y des femmes, dont il était le seul lauréat masculin.

Un prix Femme de mérite remis à un homme, ça peut d’emblée paraître étrange. Mais pour qui connaît le travail de Dominic Monchamp, superviseur des enquêtes de l’Équipe intégrée de lutte contre le proxénétisme au SPVM, ce l’est beaucoup moins.

M. Monchamp, plutôt mal à l’aise avec les honneurs, voulait d’abord refuser le prix. Parce que son travail est un travail d’équipe. Parce qu’il ne voulait en aucun cas faire de l’ombre à l’incroyable courage des survivantes. Lorsque je lui ai demandé ce qui le motivait à continuer à faire ce travail qui révèle l’une des facettes les plus sombres de notre société en principe égalitaire – la banalisation de l’exploitation sexuelle des jeunes filles –, c’est d’elles qu’il m’a parlé.

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Dominic Monchamp, lieutenant-détective au SPVM

En mettant la victime au centre de ses préoccupations, l’équipe du SPVM a fait d’importantes avancées dans la lutte contre l’exploitation sexuelle. On a vu le nombre de plaintes augmenter. Et le taux de condamnation est élevé – entre 75 et 90 %.

La lutte contre la traite humaine et l’exploitation sexuelle n’est pas que l’affaire de la police. C’est un problème de société.

Comment ne pas se décourager lorsque notre travail nous oblige à être exposés jour après jour à des témoignages accablants de jeunes victimes d’exploitation sexuelle qui, encore aujourd’hui, en 2019, au Québec, sont vendues, traitées comme des esclaves sexuelles, humiliées, violées ? Comment ne pas se décourager lorsqu’on voit que, malgré #metoo, malgré des décennies de luttes féministes, l’industrie de la prostitution juvénile est florissante, que des proxénètes s’en mettent plein les poches et que les clients – monsieur Tout-le-Monde – ferment les yeux en se faisant croire que ces filles qui ont parfois l’âge de leurs propres filles prennent plaisir à être exploitées ?

On y arrive grâce à elles, m’a dit le lieutenant-détective Monchamp. Celles qui, après avoir touché le fond, ont eu le soutien nécessaire pour s’en sortir et qui, un jour, reviennent voir l’équipe avec leur famille, des enfants, un projet, un diplôme, un nouvel emploi, de nouveaux rêves. « Lorsqu’on voit l’impact de notre intervention dans la vie de survivantes… C’est LA paye. Il n’y a rien de plus puissant que de se faire dire : “Sans votre intervention ce soir-là, je ne serais pas sortie. Je ne serais pas où je suis aujourd’hui.” »

Grâce à elles, ils tiennent le coup. Grâce à eux, elles se tiennent debout. En attendant que nous nous levions tous pour exiger que ces victimes soient traitées comme nos propres filles.