(Québec) Les allégations d’ingérence politique dans la délimitation du moratoire sur la construction en zone inondable sont «farfelues» et «déplacées», a dénoncé mardi la ministre des Affaires municipales, Andrée Laforest.

En entrevue à La Presse, la ministre a balayé d’un revers de main les questionnements de certains élus municipaux et de l’opposition, que certains soupçonnent de favoriser ses partisans dans la nouvelle mouture des «zones d’intervention spéciale» (ZIS).

«Le travail qu’on fait est rigoureux et il n’y a aucune ingérence politique», a dit sans détour la ministre Laforest en entrevue.

La Presse a révélé mardi que 34 des 43 municipalités exclues des ZIS depuis une semaine se trouvent dans des circonscriptions représentées par des députés de la Coalition avenir Québec. Six sont détenues par le Parti québécois, deux par Québec solidaire et une seule par le Parti libéral.

Cela a conduit certains élus municipaux à questionner l’intégrité du processus mis en place par le gouvernement Legault dans la foulée des dernières inondations printanières.

Mme Laforest a réfuté ces critiques avec véhémence.

«Je trouve ça décevant de voir qu’on pense qu’il y a eu des traitements de faveur envers certaines municipalités, a-t-elle déclaré. Je trouve ça incroyable. C’est comme remettre en cause le travail des fonctionnaires.»

«Quand on prend nos responsabilités, ça ne fait pas toujours plaisir, a-t-elle ajouté. J’entends des élus qui sont déçus, on parle du paiement des taxes, des revenus fonciers, la valeur des résidences, on entend tout ce discours-là. Mais la première chose qu’on a faite, c’est traiter ça en fonction de la sécurité des citoyens.»

PHOTO HUGO-SÉBASTIEN AUBERT, LA PRESSE

La Presse a révélé mardi que 34 des 43 municipalités exclues des «zones d’intervention spéciale» (ZIS) depuis une semaine se trouvent dans des circonscriptions représentées par des députés de la Coalition avenir Québec.

Le moratoire permettra à Québec de revoir de fond en comble les lois qui régissent la construction près des cours d’eau. Ce cadre légal a été maintes fois critiqué pour son inefficacité au cours des dernières années puisqu’il n’a pas empêché de nouvelles constructions dans les zones inondables.

Mais avec les changements climatiques, les crues printanières se font plus fréquentes et plus graves. Et chaque fois, Québec doit débourser des millions pour aider les sinistrés à rebâtir leur propriété.

Ce cycle doit cesser, a martelé la ministre Laforest. Et ce, même si elle se dit consciente de la grogne exprimée ces dernières semaines par des citoyens et des élus municipaux.

«Ce qui crée beaucoup de grogne, (c’est que) tous les citoyens du Québec paient pour les inondations, a-t-elle fait valoir. Alors pour nous, c’est important de voir qu’il fallait agir.»

Elle a noté que 100 municipalités ne sont dotées d’aucune carte pour identifier les zones inondables. Et dans 65% des villes de la province, les schémas d’aménagement urbain datent d’il y a plus de 10 ans. Il est donc grand temps que Québec impose un ménage, a-t-elle martelé.

Andrée Laforest a annoncé la création des ZIS le mois dernier. En principe, ces territoires doivent comprendre les zones inondables de grande fréquence et les secteurs touchés par les crues de 2017 et de 2019. Il est désormais interdit d’y construire ou d’y reconstruire des maisons endommagées par les crues.

La mesure a suscité un vif mécontentement dans les secteurs riverains. Plusieurs citoyens se sont plaints d’être soumis au moratoire alors qu’ils ne répondent pas aux critères édictés par le gouvernement.

Quelque 5600 personnes ont participé aux assemblées publiques tenues les 4 juillet et plus de 3000 autres ont contacté le gouvernement par courriel.

Québec a reconnu que la cartographie utilisée pour déterminer les limites initiales des ZIS était erronée. Le 15 juillet, la ministre a annoncé que 31 municipalités en seraient exemptées. Douze autres villes ont été exemptées à leur tour vendredi dernier.

Le ministère des Affaires municipales refuse de dévoiler combien de propriétés sont maintenant touchées par le moratoire.

Mme Laforest affirme que les municipalités qui ont été soustraites à l’application du moratoire ont simplement formulé une demande à son ministère plus vite que les autres. Elle s’attend à d’autres «ajustements» aux délimitations des ZIS dans les prochaines semaines. Les citoyens et les villes ont jusqu’au 19 août pour demander une révision.