La plupart des Québécois surestiment l'ampleur de la contrebande du tabac, pourtant en constante diminution depuis 2009. Et pensent à tort que les taxes sur le tabac sont plus élevées ici qu'ailleurs au pays, révèle un sondage SOM effectué pour le compte de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac.

Les Québécois pensent que la contrebande est très (23%) ou assez (48%) répandue, selon les résultats du sondage. Or, dans les faits, la contrebande représente moins de 15% du marché depuis 2011. 

De plus, un répondant sur cinq (21%) croit à tort que le phénomène est en croissance. En réalité, le marché de la contrebande au Québec n'a cessé de diminuer depuis son sommet en 2009. «La part de marché des produits de la contrebande de tabac est passée de près de 30% en 2009 à 12% en 2016 et ce, malgré le fait que la taxe spécifique sur les produits du tabac ait augmenté», précise le ministère des Finances du Québec.

Les Québécois ont également des idées erronées sur la taxe sur le tabac, selon le sondage. Plus de la moitié (54%) pense que les cigarettes sont plus taxées ici que dans les autres provinces. À peine 5% d'entre eux savent que le Québec est la province ayant la taxe sur le tabac la moins élevée du pays.

À ce jour, la taxe provinciale sur une cartouche de 200 cigarettes s'élève à 29,80 $. Une somme qui a augmenté depuis 1994, date à laquelle elle s'établissait à 2,76 $. En dépit de cette hausse continue, le Québec reste la province où le paquet de cigarettes est le moins cher, en raison d'une politique de faible taxation du tabac. En comparaison, au Manitoba, où les taxes qui s'appliquent au tabac sont les plus hautes du Canada, celles-ci s'élèvent à 67,43 $ pour une cartouche. À ces taxes provinciales s'ajoute la taxe d'accise fédérale sur le tabac, dont le montant est de 23,85 $ par cartouche.

Des conséquences politiques

Les manufacturiers du tabac brandissent souvent l'argument de la contrebande pour s'opposer à l'augmentation des taxes. Conséquence : «Les fausses perceptions que se fait le public au sujet de l'ampleur de la contrebande pèsent lourd dans les débats politiques entourant les mesures antitabac et contribuent sans doute à la réticence du gouvernement Couillard à augmenter la taxe sur le tabac, qui n'a pas bougé depuis quatre ans», affirme Flory Doucas, porte‐parole et codirectrice de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac.

Le Québec dénombrait en 2016 1,3 million de fumeurs, soit 18,1% de la population, contre 24,4% de la population en 2005. «Il y a 20 ans, nous étions le cendrier de l'Amérique. Il y a eu beaucoup de progrès depuis, grâce à des mesures comme l'interdiction de vendre des produits du tabac comportant une saveur ou un arôme autres que ceux du tabac, l'introduction d'une surface minimale pour les mises en garde de santé sur les emballages, ou l'interdiction pour l'industrie du tabac de s'associer à un événement sportif», constate Flory Doucas.

Pour lutter contre le tabagisme, elle recommande surtout de jouer sur le levier de la taxation. Selon Mme Doucas, taxation et nombre de fumeurs sont corrélés. Et elle rappelle qu'en 1994, lorsque le gouvernement a réduit la taxe provinciale de 13,76 $ à 2,76 $ pour endiguer la contrebande, le taux de tabagisme a augmenté.

Selon Flory Doucas, il faudrait augmenter la taxe provinciale de 5 $, l'indexer sur une base annuelle et continuer de l'augmenter progressivement. Mais accroître le niveau de taxation ne risque-t-il pas de favoriser la contrebande? Elle ne le croit pas. «Depuis 2011, la taxation a augmenté, mais la contrebande a diminué grâce aux politiques mises en place par le gouvernement. Le programme ACCES Tabac, dont les services travaillent en concertation pour lutter contre la contrebande, porte ses fruits.»

Le sondage a été effectué par SOM pour le compte de la Coalition québécoise pour le contrôle du tabac, par téléphone auprès de 2022 personnes.