Après avoir alerté la police péruvienne, le SPVM, la GRC, Interpol et le ministère des Affaires étrangères, la mère de Jesse Galganov, un Montréalais de 22 ans disparu lors d'un trek au Pérou il y a trois semaines, est partie hier à sa recherche dans la cordillère des Andes. Elle implore Apple et T-Mobile de lui fournir les dernières coordonnées enregistrées par son cellulaire avant qu'il ait arrêté de donner signe de vie.

« Je suis déterminée à retrouver Jesse. Je veux parler à la dernière personne qui l'a vu, aller au dernier hôtel qu'il a fréquenté. Je dois suivre ses traces. Je suis prête à toute éventualité », lance Alisa Clamen, rencontrée hier matin à l'aéroport Trudeau, quelques minutes avant son départ pour Lima.

Son fils, qui possède aussi la nationalité américaine, est parti de Montréal le 24 septembre dernier pour un voyage de huit mois en Amérique du Sud. Il avait averti sa mère par texto le 28 septembre qu'il serait difficilement joignable pendant quatre jours, puisqu'il devait partir en trek le lendemain matin dans un sentier balisé de Santa Cruz, près de la ville de Huaraz.

Voyageant seul, le jeune homme avait préalablement donné à sa mère un accès à la fonction « Localiser mes amis » sur son iPhone, lui permettant de faire connaître en tout temps sa position géographique approximative. La dernière lecture indiquait que Jesse se trouvait à Huaraz, à 400 km au nord de Lima, le 28 septembre à 16 h 53.

Son compte T-Mobile, auquel Mme Clamen a aussi partiellement accès, indique qu'il s'est connecté à l'internet avec son iPhone une dernière fois à 4 h 52, le 29 septembre.

Apple a la réputation d'être une des entreprises les plus réfractaires à communiquer des informations personnelles lorsqu'elle n'est pas contrainte à le faire par un mandat judiciaire.

« On ne veut même pas accéder au compte. On veut juste qu'ils donnent les informations aux policiers, suggère Anne-Marie Boucher, la mère d'un des grands amis de Jesse, qui a décidé de faire le voyage au Pérou aux côtés de Mme Clamen. Dans les circonstances, c'est une exposition très limitée pour Apple et T-Mobile en matière de protection des informations personnelles », croit-elle.

Apple et T-Mobile n'ont pas donné suite hier à notre demande d'entrevue.

Affaires mondiales Canada affirme que « des fonctionnaires consulaires canadiens sont en communication avec les autorités locales au Pérou et [qu'ils] font la liaison avec la famille de cette personne au Canada ». 

Recours judiciaire

Au Québec et au Canada, les lois sur la protection des renseignements personnels prévoient une exception autorisant les entreprises à communiquer des renseignements privés d'une personne à des tiers sans son consentement « en cas d'urgence mettant en danger la vie, la santé ou la sécurité de cette personne », indique l'avocat spécialisé en protection de la vie privée Mark Phillips. « Ces dispositions ne semblent pas créer, du moins explicitement, une obligation de divulguer ces renseignements », ajoute l'avocat.

Une injonction pourrait éventuellement être obtenue en cour pour forcer une telle divulgation, précise l'enquêteur privé Claude Sarazin, de la firme Sirco. « Il y a même des façons de localiser le téléphone lorsqu'il est éteint, mais le recours doit être intenté d'urgence, parce qu'une fois la batterie du téléphone déchargée, ce n'est plus possible de faire quoi que ce soit », précise-t-il. Le cas échéant, Apple ou T-Mobile pourraient néanmoins détenir des informations sur la dernière position connue de M. Galganov, mais le fait que la requête d'information touche le Pérou rend la situation encore plus complexe.

Risques d'enlèvement en hausse

Dans son dernier avis publié le 16 octobre, le gouvernement du Canada invite les voyageurs à faire « preuve d'une grande prudence au Pérou ». « Les crimes violents ont augmenté au cours des dernières années, particulièrement les crimes d'opportunité, tels les vols à main armée, la piraterie routière, les vols de véhicule et les kidnappings », prévient pour sa part le Bureau de la sécurité diplomatique des États-Unis dans un avis publié en 2016. « Le nombre de kidnappings contre rançon, basé sur des rapports anecdotiques envoyés à l'ambassade, est sous-évalué », ajoute l'organisme américain.

Fin septembre, deux Québécois originaires de la Rive-Sud de Montréal ont été arrêtés au Pérou et accusés du meurtre d'un troisième Québécois, Jonathan Raymond, à près de 1000 km au nord de la capitale. Au moins deux autres Canadiens ont aussi disparu au cours des deux dernières années dans la région de Lima.

Conscientes de ces risques, les deux femmes se disent néanmoins déterminées à aller jusqu'au bout de leurs recherches pour trouver Jesse Galganov. « J'ai décidé de suivre Alisa parce que je connais le terrain : j'ai vécu à Lima, je parle espagnol, j'ai des amis là-bas. Tout est mobilisé. Nous avons des joueurs à chaque position. Je pense qu'ensemble, on peut faire une différence », affirme Mme Boucher.

« Je suis prête à tout », répète Mme Clamen, les yeux pleins d'eau.

PHOTO Martin Chamberland, LA PRESSE

Alisa Clamen