Christine Bergeron et son mari Daniel vivent au motel Excel, à Saint-Léonard, depuis huit ans. Presque aveugle, Mme Bergeron nous amène à sa chambre, la 177, en se tenant contre les murs. Elle nous montre ses cinq perruches.

Ses colocataires à plumes volent ou trottinent dans la petite pièce encombrée, où s'entassent un lit, deux téléviseurs, un ordinateur, une commode et un réfrigérateur. Depuis son arrivée en 2000, le couple poirote sur une liste d'attente pour un logement social adapté. Pour tuer le temps, Mme Bergeron écrit et son mari exécute de menus travaux qu'il se fait payer en dessous de la table. «Mon mari fait repeindre la chambre aux trois mois étant donné que je suis dedans 24 heures sur 24», souligne la locataire de 53 ans aux longs cheveux roux.

Outre ses problèmes de vue, Christine souffre aussi de diabète et de troubles bipolaires. En 2003, son médecin avait pressé les autorités à relocaliser le couple au plus vite. «Ils habitent dans un édifice où il y a beaucoup de violence, d'insécurité. Madame en est malade», avait écrit le médecin.

Les relations entre le couple et la direction du motel sont tendues. «On est les vaches à lait, tonne Daniel. C'est nous les résidants qui faisons vivre l'hôtel. On ne peut même pas sortir une table pour s'asseoir dehors.» «La piscine est condamnée. Il n'y a aucun endroit pour sociabiliser... sauf le bar», ajoute Christine.

Le couple avait une maison à Pointe-aux-Trembles. Ils ont tout vendu pour aller vivre en Ontario. Daniel y avait trouvé un emploi. L'aventure s'est soldée par un échec. Le couple est venu s'installer au motel Excel le temps de retomber sur ses pieds. Les problèmes de santé de Mme Bergeron se sont aggravés. À l'aube de la cinquantaine, son mari n'a plus trouvé de boulot. Ils sont tous les deux prestataires de l'aide sociale.

Le couple mange assis dans le lit, faute de table. Ils ont chacun leur télévision aux extrémités d'une commode grise.

Avec les années, ils se sont habitués à l'étrange faune qui les entoure. «Les premières années ici, j'avais si peur que je ne dormais pas», raconte Mme Bergeron, qui évoque les cris, les bagarres et les junkies qui la tenaient éveillée. «On voit les prostituées partout, il y a beaucoup de recels et toute sorte de magouilles. Un homme a été poignardé dans sa chambre et un autre a été retrouvé pendu dans sa salle de bain», raconte Mme Bergeron.

Malgré cette condition, le couple ne se plaint pas trop. D'autres locataires en arrachent plus qu'eux et habitent le motel depuis encore plus longtemps. «Quand t'es rendu ici, c'est parce que t'es pogné», dit Daniel.