Non, merci, dit le maire de Montréal. Le Stade olympique a beau être payé depuis plus de trois ans, Gérald Tremblay n'en veut pas. Et c'est sans équivoque, à moins d'un miracle financier.

Les yeux tournés vers nos athlètes de natation, à qui il souhaite «la performance de leur vie à Pékin», le maire Tremblay a expliqué, au cours d'un entretien accordé à La Presse, les raisons qui le poussent à ne pas vouloir du Stade. Et ce, même si la loi constituante de la Régie des installations olympiques (RIO) prévoyait une rétrocession immédiate des équipements à la Ville de Montréal une fois la dette olympique payée – une facture de 1,5 milliard au final.

«Il faut tout de suite oublier la rétrocession, tranche le maire. Ce n'est pas un actif montréalais, c'est un actif québécois et, si ce n'est pas un actif québécois, c'est au minimum un actif de la Communauté métropolitaine de Montréal (CMM).»

Le maire Tremblay ajoute que Montréal n'a pas la capacité financière de devenir propriétaire du stade. Dans son exercice financier 2007, la Régie des installations olympiques (RIO) a enregistré des revenus de près de 20 millions, une hausse de 8% par rapport à l'année précédente. Toutefois, le gouvernement doit fournir chaque année 20 millions supplémentaires pour couvrir les frais d'exploitation de 40 millions. Le déficit annuel est donc de 20 millions.

En revanche, l'administration municipale est prête à devenir « partenaire » du gouvernement pour mettre en valeur ces installations. Ainsi, la Ville annoncera des investissements supplémentaires de 14 millions pour le centre Claude-Robillard, a révélé M. Tremblay en entrevue. Sans oublier 31 millions pour le Planétarium. Du même souffle, le maire rappelle que le Planétarium, le Biodôme, l'Insectarium et le Jardin botanique sont des équipements métropolitains, financés par la CMM et le gouvernement.

Nouvelle vocation

André Gourd, qui dirige les installations olympiques depuis 2007, a décliné une demande d'entrevue pour discuter de sa «vision récréotouristique». Il est «débordé», a expliqué la directrice des communications et des affaires publiques de la RIO, Sylvie Bastien. Elle a toutefois confirmé que l'organisation ne fera pas marche arrière et qu'elle continuera à accueillir au Stade des foires, le Supercross, des concerts rock, des manifestations culturelles ou sportives. Il y a eu 174 activités l'an dernier, qui ont fourni 72% des recettes de la RIO, un chiffre appelé à doubler.

Dans l'univers des équipes sportives de Montréal, on s'accorde à dire que les Québécois doivent faire leur deuil des matchs de baseball et plutôt saluer la nouvelle vocation du Stade. La direction des Alouettes a joué deux saisons au Stade olympique avant d'élire domicile au stade Percival-Molson, qui atteindra bientôt 25 000 places. L'endroit est beaucoup plus « convivial et chaleureux », explique Claude Rochon, vice-président aux communications et au marketing de l'équipe.

«Il faut sortir de sa poche 100 000$ juste pour ouvrir la porte du Stade, affirme-t-il. Passer un fil du cinquième au quatrième niveau coûte 10 000$, sans oublier la sonorisation compliquée. C'est toujours un gros risque financier. Mais au-delà de ces considérations, force est de constater que la population a la perception que le Stade est pourri depuis que les Expos l'ont quitté. Nos détenteurs de billets vont même jusqu'à dire que le hot-dog est meilleur au stade Percival-Molson, que la bière est plus froide.»

Claude Rochon ajoute qu'il y a eu un «effet magique, une sorte d'aura» quand son équipe de football a quitté le Stade à la fin des années 90. «Un sentiment d'appartenance, de proximité avec le jeu et avec les joueurs, dit-il. De 2800 abonnements, nous sommes passés à 18 400, et on perd le quart de nos abonnés quand on va au Stade pour les derniers matchs de la saison.»

Le Stade, avec sa tour de 175 mètres et son centre sportif, demande par ailleurs des travaux particuliers d'entretien et des rénovations constantes qui coûtent des millions chaque année.

Les deux fois où la toile du toit s'est déchirée sont également inscrites dans l'histoire olympique de Montréal.

À ce sujet, La Presse a appris, en consultant les rapports financiers, que la RIO a obtenu de la firme Birdair, qui avait fabriqué la toile, un dédommagement de 21 millions après de longues et coûteuses poursuites devant les tribunaux. La toile, composée de téflon et dont l'installation a coûté 37 millions, s'est déchirée en 1999, en plein Salon de l'automobile de Montréal.

Depuis 10 ans, la surface de jeu du Stade est fermée aux foires et aux manifestations culturelles ou sportives entre novembre et avril, pour des raisons de sécurité. Quant au Salon de l'auto, il a déménagé ses pénates au Palais des congrès. Il a également intenté des poursuites contre la RIO, avec qui il ne veut plus faire affaire.

Un toit fixe

À cause de cet incident, la RIO, qui planche sur un projet de toit fixe avec la firme SNC-Lavalin, exige aujourd'hui un partage des risques en cas de bris. Sylvie Bastien, de la RIO, affirme que le contrat avec SNC-Lavalin n'a toujours pas été signé. Elle n'est donc pas en mesure de préciser quels seront les coûts de construction, comment se fera le partage du financement ou les détails du concept. Mais il est clair que le toit servira de «pierre angulaire» à la nouvelle vocation du Stade.

Au ministère du Tourisme, on explique que le ministre Raymond Bachand est en vacances. Son attachée de presse, Manuela Goya, a toutefois précisé que le dossier est «prioritaire» et que des annonces suivront à l'automne.

«Une vision récréotouristique va bientôt se cristalliser avec la Ville et d'autres partenaires pour mettre tout le secteur en valeur, a ajouté Mme Goya. On y travaille ardemment. On fait la même chose pour le toit. Quand ce sera accompli, on pourra déterminer à qui revient la propriété des installations, avec le mât du Stade comme symbole.»

L'architecte Roger Taillibert, père du Stade, que La Presse a joint durant ses vacances d'été dans les Laurentides, estime quant à lui «qu'on est en train d'errer complètement, et ce, sur tous les plans».

«C'est dommage pour les Québécois qui paient le prix, explique M. Taillibert. Le Stade a été conçu pour accueillir une toiture mobile rétractable. L'armature du Stade et son mât n'ont pas la force de soutenir un toit fixe, à moins de tout refaire. Rien ne tient la route dans le projet, à moins d'avoir l'intention secrète de le ramasser en morceaux. Peut-être que c'est ce qu'ils veulent, au fond (le gouvernement et la RIO), ironise-t-il. Je crois pour ma part qu'il faut se tourner vers la fibre de carbone, une nouvelle technique qui a fait ses preuves.»

Quoi qu'il en soit, la RIO peut s'enorgueillir du succès du Centre sportif du Parc olympique (CSPO), rénové au coût de 2,9 millions. Grâce notamment à un nouveau bassin de nage synchronisée et à de nouveaux tremplins, il est devenu l'enceinte des équipes nationales de natation de haute performance, la «deuxième maison» d'Alexandre Despatie, explique-t-on aussi à la direction des communications de Plongeon Québec. Et c'est au Centre sportif qu'a eu lieu la présélection en nage synchronisée pour Pékin, en août 2007, ce qui a propulsé Montréal sur la scène mondiale, ajoute Mme Bastien, de la RIO.