Un bon matin, M. Roger s'est levé, il a attelé son cheval, a retroussé ses manches, et a commencé à bêcher sa terre. Seul. Un an plus tard, l'homme avait défriché un kilomètre de long. Ce jour-là a vu naître la Cédrière de la montagne, au pied du mont Mégantic, à Notre-Dame-des-Bois. C'était il y a 14 ans.

Aujourd'hui, la terre est un camping rustique bordé par un ruisseau regorgeant de truites. Il n'y a pas de roulotte ici. Mais il y a quelque chose d'assez rare au Québec: des tipis indiens. Il y en a huit sur le terrain comptant trente emplacements pour piquer sa tente, été comme hiver. Et ils ont tous été baptisés.

Le tipi «Ruisseau» est voisin du «Soleil», et juste à côté du «Castor». Il peut loger de quatre à six personnes. Pour s'y rendre, il faut traverser un petit pont de bois. Quelques pas à travers des bouleaux et des cèdres, et on se retrouve face à face avec la devanture d'un tipi sur lequel est reproduite la scène d'un cheval courant dans un pré.

M. Roger fait visiter les lieux. Au beau milieu, il y a un poêle à bois. Pratique pour couper l'humidité, dit-il. De chaque côté, il y a des bases de lit en bois sur lesquelles on peut dérouler des sacs de couchage. Mais avant de s'y installer pour la nuit, il faut apprendre à entrer et sortir par la petite porte du tipi.

«Il faut faire comme dans le temps, résume le propriétaire du camping. On se place de côté. On se penche par en avant, et on avance la jambe, un peu comme pour skier. N'y allez pas de face, de risque de tomber en pleine face.»

M. Roger fait signe de le suivre. Il montre la table à pique-nique, s'engage dans un autre petit sentier, pointe une autre table en bois et une aire de feu en grosses roches. «On ne nourrit pas les animaux et les ours, dit-il. Quand ils n'ont pas de nourriture, ils ne viennent pas nous achaler. Autrefois on avait des loups, mais il n'y en a plus parce que l'homme les a tués, croyant protéger les chevreuils. De temps en temps, un coyote passe. Ce qu'il faut, c'est ranger la nourriture avant de se coucher.»

Une branche craque, des feuilles bougent. C'est seulement un petit oiseau. Il y a 150 espèces d'oiseaux dans la région du mont Mégantic. Derrière le tipi, on peut apercevoir les montagnes du parc national. Dans quelques heures la nuit va tomber, et s'il n'y a pas de nuages, on aura droit à la première présentation du ciel étoilé, unique dans cet endroit de la province.

Mais en attendant, une promenade sur le sentier longeant tout le camping jusqu'à un petit lac où l'on peut se baigner est de mise. Nanouk, le chien des neiges du propriétaire, se dégourdit les pattes au bout d'une laisse. «Il a 3 ans, lance-t-il, c'est un ado. Je pense qu'il prendrait le bois si je ne le gardais pas attaché. Et je ne le reverrais jamais.»

Le soir tombe, puis la nuit. Un cycliste tardif installe son campement. Demain, il entend sillonner la route des sommets. Le silence devient déconcertant. Un regard vers le ciel donne l'impression d'être au beau milieu de la Voie lactée. La Grande Ourse est au rendez-vous, avec sa petite soeur. L'étoile Polaire, aussi. Sans lampe de poche, on ne s'y retrouverait plus. Heureusement qu'il y a les tipis comme point de repère dans le camping de M. Roger. La promenade jusqu'aux douches attendra à demain.