Carte des vins recherchée, mozzarella di Buffala, sushis fraîchement exécutés... La nourriture servie dans les aéroports ne se résume plus toujours à de banals sandwichs ayant à peine plus de goût que le plastique qui les enveloppe, et Toronto donne le ton au Canada avec l'ouverture d'une dizaine de restaurants qui se veulent plus haut de gamme.

Le poulet au beurre est arrivé servi dans une élégante assiette blanche, accompagné d'un pot de délicate sauce à la mangue, de riz parfumé et de pains naans chauds. Satisfaisant dans un restaurant en ville. Carrément surprenant entre deux vols, dans la zone internationale d'un aéroport.

«Pourquoi devrait-on abaisser nos standards et accepter de mal manger quand on attend un avion?», demande, sans vraiment attendre de réponse, Sean Aziz, le directeur des relations publiques de la société new-yorkaise OTG, qui gère quelque 150 restaurants dans 9 aéroports américains et 1 canadien, soit l'aéroport Pearson à Toronto.

OTG vient d'y mener son plus récent projet de refonte avec la transformation ou l'ouverture de 11 restaurants dont les menus ont été élaborés par des chefs de Toronto, avec des caractères différents reflétant la diversité de l'offre dans la Ville reine. «Nous n'avons pas débarqués avec nos chefs de New York, insiste Michael Coury, le «chef en chef» d'OTG. Nous avons fait affaire avec des gens d'ici, Toronto a une belle scène culinaire et il fallait que ça se reflète ici.»

C'est ainsi que, compte tenu de l'importance des restaurants indiens à Toronto, on a recruté le chef Hemant Bhagwani (du restaurant Amaya) pour piloter l'ouverture, en décembre dernier, du Marahati devant la porte d'embarquement 137 du terminal 1. Quelques portes plus loin, c'est une succursale d'une populaire pâtisserie du centre-ville, Heirloom Bakery Café, qui rassasie les passagers en correspondance. Les amateurs de vin peuvent déguster l'une des 60 bouteilles choisies par le sommelier torontois John Szabo pour la carte du Vinifera. «Nous devons satisfaire autant le passager qui veut manger rapidement parce qu'il n'a que 45 minutes entre ses deux vols, que celui qui a 3 heures à tuer», relève Michael Coury.

En se tournant vers des chefs locaux, OTG facilite aussi les liens avec les distributeurs de la région, puisque, comme dans un restaurant conventionnel, l'essentiel des plats est cuisiné sur place. Oui, malgré toutes les normes de sécurité que les marchandises doivent franchir chaque jour, malgré l'espace très restreint dont les cuisiniers disposent.

«Il ne faut pas juger un restaurant à la taille de sa cuisine, plaide Michael Coury. Plusieurs grands restaurants en ont une toute petite!»

Cela dit, l'un des chiffres les plus impressionnants du projet n'a rien à voir avec la nourriture: OTG a pourvu ses restaurants de pas moins de 2000 iPad et en promet 5000 de plus dans les prochains mois. Les tablettes sont fixées sur les tables et permettent de commander directement son repas avec le menu, imagé, traduit en 21 langues. «Nous servons des voyageurs venant de partout, il ne faut pas qu'ils soient gênés de commander dans une langue qu'ils ne connaissent pas», explique Sean Aziz. Mais elles permettent aussi de naviguer sur le web, de consulter sa page Facebook ou de jouer une partie d'Angry Birds, et ce, sans même devoir consommer le moindre grain de riz au restaurant, leur utilisation étant complètement gratuite.

Pourtant, un dîner à l'aéroport n'est pas près de surpasser ceux pris dans le centre-ville, remarque le critique culinaire du Globe and Mail, qui a eu l'occasion de tester chaque restaurant de Pearson et leurs équivalents de Toronto. Mais l'offre s'est améliorée et devrait continuer de le faire. Dans la foulée d'OTG, le groupe HMSHost vient d'annoncer l'ouverture, en 2014 et 2015, d'une douzaine de nouvelles enseignes, misant aussi sur des chefs de Toronto.

Une formule gagnante



De Chicago à Londres, en passant par Paris, Toronto est loin d'être le seul à avoir compris l'avantage d'offrir aux voyageurs une cuisine un peu plus recherchée, si bien que même des chefs étoilés au guide Michelin s'affichent désormais dans ces lieux autrefois associés à la malbouffe.

Sur le plan du marketing, la stratégie est bonne, observe Normand Turgeon, professeur de marketing à HEC Montréal. Les restaurateurs profitent d'une clientèle captive qui s'intéresse de plus en plus près à ce qu'elle se met sous la dent. «Les consommateurs se rendent bien compte que la différence de prix entre le restaurant-minute et un repas de meilleure qualité n'est pas si importante.» Ils sont donc prêts à payer les quelques dollars qui font parfois toute la différence, surtout pour les voyages d'agrément pour lesquels le voyageur est prêt à la dépense dès l'arrivée à l'aéroport.

Et puis, en sabrant les services offerts aux passagers, les compagnies aériennes ont aussi provoqué, indirectement, une hausse de la demande, puis de l'offre. Privés de repas gratuits en vol, les voyageurs doivent se résoudre à passer à la caisse au sol.

Montréal



Montréal-Trudeau suit le courant. Deux nouveaux restaurants ont ouvert leurs portes à l'aéroport depuis le début de l'année: le café Vasco de Gamma, du groupe Ferreira, et une succursale de la microbrasserie de Lac-Beauport, Archibald, qui s'ajoutent à la Cabine M, ouverte par le chef Louis-François Marcotte en 2012. «Nous avons aussi plusieurs autres restaurants associés à Montréal, dont Lester's (smoked-meat), et un point de vente de bagels», insiste Christiane Beaulieu, vice-présidente, affaires publiques et communications. Des restaurateurs de la métropole auraient aussi été approchés en vue de l'ouverture d'un nouveau restaurant d'ici la fin de l'année.