La chocolatière Geneviève Grandbois y a sa propre plantation privée, mais nul besoin d'en faire autant pour découvrir les délices chocolatés du Costa Rica. Le pays se révèle en effet une excellente base d'exploration pour remonter aux sources du chocolat et découvrir tout le chemin parcouru entre la forêt tropicale et un réconfortant bol de chocolat chaud.

Un drame explique cela: quand le terrible champignon parasite Monilla a fait son apparition au Costa Rica, en 1978, affectant près de 80% de la production et 90% des exportations, des milliers de fermiers ont dû se résoudre à abandonner leurs plantations. La majorité d'entre elles ont été reconverties en nouvelles cultures, mais quelques-unes ont heureusement survécu pour être transformées en centres d'interprétation ouverts aux amateurs de botanique, de marche en forêt ou de gastronomie.

L'une des plantations les plus faciles d'accès à partir de la capitale San José est à Tirimbina (deux heures de route sinueuse, mais nouvellement pavée). Elle permet en prime de joindre l'utile à l'agréable, puisqu'elle est chapeautée par une organisation écotouristique à but non lucratif vouée à la préservation de la biodiversité.

L'effort précède les délices. Le tour du chocolat - le plus populaire de la réserve - commence par une petite randonnée dans la forêt jusqu'à l'ancienne plantation. Attention: une cacaoyère n'a rien à voir avec un vignoble ou un verger bien ordonné. Les arbres sont plantés pêle-mêle entre les manguiers et les bananiers, qui les protègent du soleil, et les herbes folles, gardiennes de l'humidité. Il faut ouvrir l'oeil pour distinguer les grosses cabosses accrochées directement au tronc des cacaoyers, qui passent du vert tendre au jaune vif strié d'orangé, puis au rouge lorsqu'elles sont matures. Et dire qu'on pensait que les couleurs des photos de cabosses publiées dans les livres avaient été retouchées! Les vraies dépassent les espérances. Et suscitent l'étonnement, lorsqu'on les ouvre d'un coup de machette et qu'on découvre l'épaisse pulpe blanchâtre qui enrobe chaque fève marron, franchement peu ragoûtante, mais assez savoureuse pour qui aime le litchi.

C'est ici que les touristes dégusteront le plus exotique - à défaut d'être le meilleur - des chocolats chauds, préparé à l'ombre du toit de palmier d'un petit ranch et inspiré des plus vieilles recettes des peuples autochtones avant l'arrivée des conquistadores espagnols. De la poudre de fèves de cacao, de l'eau brûlante et de l'amidon de maïs pour épaissir, le tout soigneusement mélangé puis transvasé des dizaines de fois entre deux petits bols de terre cuite. Le sérieux de la manipulation donne à penser qu'il s'agit là d'un rituel sacré, alors qu'elle n'est destinée qu'à faire mousser la boisson. «La mousse conserve plus longtemps les arômes du cacao liquide», explique le guide. Il prépare ensuite un bol de chocolat chaud pour chaque participant, dans lequel il ajoutera une pincée de muscade, de poivre noir, de chili ou de vanille. Exquis.

Toutes les étapes de la transformation de cette «nourriture des dieux» (traduction littérale de son nom scientifique, Theobroma) sont passées en revue, du broyage au tempérage, sans oublier le conchage, étape aujourd'hui cruciale qui aurait été découverte par erreur en 1879 par le chocolatier suisse Lindt. La légende - en partie cautionnée par la multinationale - veut que Rodolph Lindt ait oublié d'arrêter un malaxeur rempli de pâte de cacao avant de partir pour le week-end. À son retour, trois jours plus tard, elle avait acquis une finesse et un fondant incomparables par rapport aux mélanges friables et grumeleux sur le marché.

Avec un peu de chance, on verra en prime un flamboyant toucan en liberté sur le chemin du retour. Au pire, on se contentera (!) d'admirer les épais buissons d'hibiscus et d'oiseaux du paradis près de l'accueil, en croquant une tablette de chocolat - pas tellement parce que la visite de deux heures suffit à creuser l'appétit, mais parce qu'à force d'en parler, on acquiert à coup sûr une envie irrésistible d'en croquer un morceau.

Plus chic

Cela dit, si cette visite est idéale pour les familles, les fins connaisseurs préféreront le programme offert par la maison Sibu Chocolate, sans conteste l'une des meilleures chocolateries du pays, dont les produits sont biologiques et équitables de surcroît.

Ses fondateurs, l'un journaliste, l'autre historien, tous deux passionnés et excellents conteurs, proposent une tournée de près d'une semaine dans les plantations encore en activité et leurs ateliers pour apprendre à devenir chocolatier. Leurs étudiants viennent d'endroits aussi éloignés que New York et Vancouver, ils sont parfois comptables, avocats ou informaticiens, et rêvent de changer de vie.

Moins engageante, la dégustation privée d'une journée inclut le repas végétarien du midi servi dans leur superbe fabrique, concocté exclusivement avec les légumes biologiques du coin. George Soriano et Julio Fernandez livrent un récit engagé de l'histoire de la culture du cacao au Costa Rica et de son utilisation dans les rituels sacrés par les populations autochtones, il y a plus de 400 ans. Doublement nourrissant.

www.sibuchocolate.com

Attention, le lieu est difficile à trouver. Munissez-vous d'un plan et d'un GPS. Coût: 24$ pour la visite d'une journée, 16$ pour le repas (optionnel, mais franchement très bon).

www.tirimbina.org

Tour du chocolat: adultes, 25$; enfants, 14$; étudiants, 16$. Accès aux sentiers inclus. Hébergement sommaire sur place: 65$ par personne, salle de bains partagée.