En ligne, on peut facilement dénicher des robes qui ne coûtent pas plus cher qu'un trio chez McDonald's. Faut-il s'en méfier ? Nous avons fait le test.

Si vous pensez que les prix ne peuvent pas être plus bas que chez H & M et Forever 21, détrompez-vous. Certains sites web comme EricDress, Fashion Mia, AliExpress, TwinkleDeals et Rose Wholesale proposent des vêtements à moins de 10 $, sans taxes et parfois sans frais de transport.

À ce prix, il faut évidemment modérer ses attentes. Mais au bout du compte, en a-t-on pour son argent ?

Pause a acheté six robes à prix très modéré pour en avoir le coeur net. Nous en avons choisi qui avaient belle allure sur les photos et semblaient de bonne qualité. La moins chère - une robe de tous les jours à l'imprimé original - était offerte à 6,95 $ US (9 $ CAN). La plus coûteuse était une élégante robe longue de bal en chiffon rose, à 23 $ CAN.

Nous avons fait évaluer les robes par cinq experts du milieu de la mode. Au Collège LaSalle, nous avons rencontré Maureen Buck, professeure en commercialisation, et Milan Tanedjikov, designer et coordonnateur des projets de fin d'études en design. Chez le détaillant Tristan, nos achats ont été scrutés par trois responsables du contrôle de la qualité, Sylvie, France et Lyn*.

Résultat ? « C'est un risque ! On ne peut pas se fier aux images », résume Maureen Buck, après avoir scruté nos achats sous toutes leurs coutures. Littéralement. Car le plus souvent, les robes ne sont pas conformes à la photo, juge-t-elle. Dans certains cas, par exemple, on a utilisé moins de tissu, de sorte que la robe tombe droit plutôt que de faire des vagues à l'ourlet.

Son collègue Milan Tanedjikov n'a pas été impressionné par la confection. « C'est cheap », laisse-t-il tomber. La qualité des coutures, la finition, le choix des fermetures éclair, des boutons : tout laisse à désirer. Mais, ajoute-t-il, « si tu achètes une robe à 10 $, tu ne peux pas t'attendre à ce qu'elle ait l'air de coûter 100 $ ».

En voyant les tissus, le designer s'est demandé s'ils résisteraient au lavage et au repassage. À son avis, les risques qu'ils brûlent, rapetissent et changent de forme sont grands.

« [Certains tissus] ne devraient même pas être utilisés pour faire des robes ! », dit Milan Tanedjikov, designer. 

Nous avons fait le test. Et après un lavage au cycle délicat et un séchage à l'air libre, les tailles n'avaient pas changé.

Les trois employées de Tristan étaient encore plus estomaquées de voir trois de nos six robes fabriquées « avec du tissu mince à doublure ». À leur avis, ces robes en tissu synthétique colleront à la peau des fesses dès qu'il y aura un peu d'humidité dans l'air.

ABSENCE D'ÉTIQUETTE

Milan Tanedjikov s'est par ailleurs demandé comment nos robes avaient pu entrer au Canada sans étiquette. Normalement, le lieu de fabrication, la composition du tissu, les directives pour le lavage et un code RN figurent sur tous les vêtements. Vérification faite auprès du Bureau de la concurrence, tout vêtement qui entre au Canada doit être muni d'une étiquette indiquant la teneur en fibres. Les directives d'entretien ne sont toutefois pas exigées ; leur absence a d'ailleurs été jugée particulièrement problématique par nos cinq experts.

Autre problème important : les tailles ! Nos cinq robes « medium » étaient plutôt de grandeur « extra small ». Quant à la robe de bal, présentée comme une « large », seule une femme très petite du buste a pu monter la fermeture éclair au dos.

« Il y a aussi des problèmes de confort. Les tissus ne sont pas "stretch" », ajoute Maureen Buck.

Les deux professeurs ont toutefois aimé les imprimés qu'ils ont vus. De loin, ils aimaient bien le style de la majorité de nos robes. C'est de près que ça se gâtait. Somme toute, ils ont estimé qu'une robe sur six valait le coût, la plus courte du lot, avec un imprimé graphique.

Chez Tristan aussi, ce fut la robe préférée de nos jurés. Son tissu, de bonne épaisseur, s'étire. Et le style est conforme à la photo en ligne. Par contre, la robe poche près des bras. Et en tirant sur l'ourlet, le fil a cédé, ont déploré les trois expertes du détaillant, « parce que ça n'a pas été cousu avec la bonne machine ».

Enfin, il est important de noter que certains coûts imprévus peuvent s'ajouter. En effet, l'ourlet de notre robe de bal n'était pas fait. Vérification faite auprès de deux couturières, il faudrait compter entre 30 et 60 $ pour faire faire le travail.

En outre, cinq de nos six robes requéraient une bonne séance de repassage. Il n'est pas impossible que le recours à un appareil à vapeur ou à un professionnel soit nécessaire vu la minceur et la composition inconnue des tissus.

* Tristan a préféré que nous taisions le nom de famille de ses employées.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

« J'ai peur que ça sente ! », lance Maureen Buck, qui craint que le tissu de la robe ne fonde. Avec un fer professionnel, le moins chaud possible, la robe ne fond pas, mais il faut un certain temps avant d'effacer les plis bien définis.

PHOTO DAVID BOILY, LA PRESSE

Les trois employées de Tristan n'ont pas été impressionnées par la qualité des coutures, des coupes et des tissus des robes qu'elles ont évaluées à notre demande.

CONSEILS DE NOS CINQ EXPERTS

• Acheter en ligne chez des détaillants que nous connaissons. Il y a moins de surprises en ce qui concerne les tailles et la qualité des vêtements. Les retours seront plus faciles.

• En achetant chez des détaillants qui ont pignon sur rue ou qui sont renommés, les vêtements auront une étiquette précisant la composition du tissu et les instructions pour le lavage.

• Favoriser les tissus extensibles. Quand la coupe n'est pas très bonne, ça compense.

• Prendre en considération, dans le prix, le temps (et les possibles coûts) de repassage, les coûts de retour (si on est déçu), les impacts environnementaux (pour le transport en Asie aller-retour, au moment de la mise aux rebuts d'un vêtement qui a exigé beaucoup de ressources de fabrication).