Adolescente, la Montréalaise rêvait de pouvoir un jour figurer dans les magazines de mode. Mais comment y arriver avec un corps naturellement plus rond que la moyenne et sans y laisser sa peau? En acceptant ce qui est et en misant sur ses atouts.

Aujourd'hui, Joby est l'une des rares mannequins «taille plus» à vivre de son métier et parmi celles qui n'ont pas la langue dans leur poche. La mannequin attire 86 000 fans sur sa page Facebook et compte se rendre à 100 000 d'ici la fin de l'été. En comparaison, la mannequin «taille forte» vedette Ashley Graham en compte 37 205.

Ce qui explique cet intérêt pour sa page? Le fait qu'elle y assure une présence assidue y est certainement pour quelque chose; son ton chaleureux et l'authenticité avec laquelle elle s'adresse aux gens qui la suivent, probablement pour beaucoup aussi. Cette maman d'un petit garçon de 7 ans «ne joue pas de game», comme elle le précise, et se montre telle qu'elle est.

Vous dégagez une belle assurance et semblez pleinement à l'aise avec votre corps. C'est le cas depuis toujours?

Pas du tout. Adolescente, je me mettais beaucoup de pression pour être plus mince. Je voulais tellement être mannequin! Je regardais beaucoup les magazines et j'étais malheureuse parce que je me trouvais grosse. Alors, vers l'âge de 16 ans, j'ai entrepris des démarches pour maigrir. Je me suis mise au régime, je me suis entraînée. C'était trop! J'ai commencé à perdre mes cheveux, je n'avais plus de vitalité. J'ai réussi à me rendre jusqu'à une taille 7 et je me suis alors présentée aux agences de mannequins, mais comme j'étais entre deux tailles, j'ai essuyé des refus.

Comment avez-vous réagi?

Je suis retournée chez moi et j'ai redoublé d'efforts: j'ai arrêté de manger les jaunes d'oeufs, j'ai mis de l'eau dans mes céréales à la place du lait... Mais ça ne fonctionnait toujours pas. J'ai mis une croix sur mon rêve et j'ai lâché prise sur ma quête du corps «parfait».

Vous avez dû ressentir un certain soulagement...

Mon poids s'est stabilisé à la taille 11-12. Mais j'ai vécu un deuil, parce que je m'étais toujours vue dans ce milieu. J'étais honnêtement démolie! Je me suis dit que je ne méritais pas cette vie à laquelle j'aspirais. Il aura fallu que je rencontre le père de mon enfant quelques années plus tard pour enfin commencer à me trouver belle. Il aimait les femmes bien en chair, ses soeurs assumaient pleinement leurs fesses généreuses et j'ai eu un déclic. C'est d'ailleurs au moment où j'ai commencé à m'apprécier que j'ai eu l'appel d'une agence!

Avec le recul, qu'aimeriez-vous dire à l'adolescente que vous avez été?

Je me dirais de ne pas essayer de me convaincre d'entrer dans quelque chose qui ne me convient pas. Il ne faut pas aller contre sa nature. On peut emprunter plusieurs chemins pour aller au même endroit! Moi, je sentais que j'avais quelque chose à faire dans ce milieu-là, mais je prenais la voie des tailles régulières. Il suffisait d'en choisir une autre.

Le fait d'être mannequin «taille plus» vous met-il à l'abri des régimes?

Pour me maintenir à 14 (la taille recherchée pour les mannequins tailles fortes), je dois surveiller mon alimentation, sinon je prends du poids. Je veux peaufiner le corps que j'ai, alors je m'entraîne aussi quatre fois par semaine à raison d'une heure chaque fois. Mais je n'en fais pas une obsession. Si j'ai envie d'un gâteau au fromage, croyez-moi, j'le mange!

Le milieu de la mode est-il plus ouvert aux femmes rondes qu'il ne l'a été?

Plus qu'avant, oui, mais les grands photographes privilégient les tailles régulières. Ça, ça me fâche! Dans chaque édition de magazine, il devrait y avoir au moins un édito avec des femmes plus rondes. Ça ouvrirait aussi la porte aux filles qui sont dans un entre-poids (les mannequins de tailles 8-10). Les gens ne sont pas tous maigrichons et ils ont hâte de voir des belles filles en chair !

Que vous disent celles qui vous suivent sur Facebook?

Ça revient souvent à l'estime de soi. On me demande comment je fais pour être bien dans ma peau. Je leur dis: «Apprends à t'aimer.» Regarde-toi dans le miroir et dis-toi que tu es belle, même si tu ne le crois pas.

C'est ce que vous avez fait?

Oui! Et j'ai dû travailler fort pour me convaincre! Quand je traverse une passe moins facile, c'est ce que je fais encore. Au début, je ne le sens pas, mais à un moment donné, ça finit par faire son chemin. Dans le fond, j'essaie de m'accrocher à une voix plus positive, plus lumineuse, plutôt qu'à celle qui me rabaisse.

Comment voyez-vous évoluer votre carrière?

Mettons qu'on rêve... J'aimerais être sollicitée par une grande entreprise comme Dior et faire une campagne pour des vêtements ou même pour du maquillage. On aurait bien besoin de beaux visages plus ronds du côté des cosmétiques aussi!

En vrac

Nom de naissance: Joby Bachand

Astuces beauté: Je suis 100% produits naturels. Je trouve que ma peau est plus belle depuis que je fais mes propres crèmes.

Je ne sors jamais sans... mon kangourou et mon pantalon de jogging. Quand je ne travaille pas, je mets du mou!

Style: Très relaxe, mais si je sors, je mets le paquet! J'aime les contrastes.

Être mannequin... Quand je suis devant un appareil photo, je me connecte avec mon «moi». C'est difficile à expliquer. Il faut que j'aille chercher quelque chose au fond de moi, sinon la photo ne ressemble à rien.

>>> Consultez la page Facebook de Joby Bach 

Photo Edouard Plante-Fréchette, La Presse