Les silhouettes élisabéthaines de Simone Rocha, le rêve kitsch de Meadham Kirchhoff et la sobriété du nouveau venu Simon Gao ont fermé le bal mardi de la Fashion Week londonienne, rendez-vous qui a confirmé la créativité d'une nouvelle génération de designers.

Simone Rocha a proposé une collection à l'esprit juvénile, faite presque exclusivement de robes ou de jupes. Avec leurs coiffures tressées laissant échapper des mèches rebelles, les silhouettes ont les hanches et les bras exagérés par des volants, rappelant l'époque de la reine Elizabeth I. Sponsorisé par Topshop, le défilé de la jeune femme à la Tate Modern était scruté par le regard intransigeant de son ancienne directrice des études à la Central Saint Martins, la redoutée Louise Wilson. Ainsi que par son père John Rocha, qui est lui-même un styliste «vétéran» de la Semaine de la mode londonienne.

Le gigantesque hall du musée, ex-usine électrique des bords de la Tamise, a aussi accueilli un peu plus tard l'univers onirique et «girly» du duo franco-britannique Meadham Kirchhoff. L'air était parfumé de Tralala, une fragrance créée par la maison londonienne Penhaligon's en collaboration avec les deux designers.

Vêtues de robes pastel, rose, mauve, vert pâle, parfois accompagnées de bottes arc-en-ciel psychédéliques, les mannequins ont déambulé entre des panneaux de coeurs rouges et sous des portiques faits de bandelettes dorées.

«On voulait simplement faire quelque chose qui soit assez relax, beau. On n'avait pas envie de sur-intellectualiser», explique à l'AFP en coulisses Benjamin Kirchhoff, styliste originaire de Sète (sud de la France) installé depuis 18 ans à Londres, qui dit avoir «grandi imbibé de l'esprit de création de Christian Lacroix, Jean Paul Gaultier et Vivienne Westwood».

Dans un contraste saisissant avec cette exubérance, le créateur chinois Simon Gao, qui défilait pour la première fois à la Fashion Week, a proposé des silhouettes drapées aux couleurs de neige et de terre, accompagnées de baskets.

Le sac Cara Delevingne

Si elle compte moins de grands noms que ses soeurs new-yorkaise, milanaise et parisienne, Londres se démarque par sa pépinière de talents, sortis de ses prestigieuses écoles de mode. Et par son inventivité, qui se nourrit d'une mode de rue décomplexée, vibrante et originale.

Parmi les temps forts de l'édition automne-hiver 2014, la marque de bottes en caoutchouc Hunter a fait des premiers pas remarqués à la Fashion Week, en pataugeant sur un podium-pédiluve qui rappelait singulièrement les conditions météorologiques du dehors.

Cette collection de vêtements d'extérieur conçue par Alasdhair Willis, le mari de Stella McCartney -qui elle-même présente ses défilés à Paris-, a donné lieu à un défilé spectaculaire, suivi notamment par la rédactrice en chef du Vogue américain, Anna Wintour.

Au rang des «institutions» du chic britannique, Burberry Prorsum a renouvelé ses variations autour du trench en mettant en valeur des couvertures-ponchos géométriques et des écharpes XXL. Tandis que Vivienne Westwood (pour sa deuxième ligne Red Label) a plongé dans ses collections passées pour une silhouette aristocrate déjantée.

Mulberry, qui est confronté à quelques difficultés financières et ne présentait pas de défilé cette année, a toutefois créé la sensation en présentant dans un court défilé à l'ambiance féerique une collection de sacs créée par le mannequin-star britannique Cara Delevingne.

Du côté de la «high street», le défilé Topshop Unique a montré quelques-unes des tendances de l'hiver prochain : gilet en fourrure sans manches, bottes montant au genou et règne du bleu.

Au total, 77 créateurs se sont côtoyés pendant les cinq jours de cette Fashion Week, intercalée entre New York et Milan, qui prend le relais dès mercredi.

Le rendez-vous, auquel assistent 5000 visiteurs - acheteurs, journalistes et blogueurs - génère habituellement des commandes de plus de 100 millions de livres (120 millions d'euros).

L'industrie de la mode représente un secteur important de l'économie britannique : elle pèse 26 milliards de livres (environ 32 milliards d'euros) et emploie quelque 797 000 personnes, selon les chiffres du British Fashion Council (BFC), qui organise la Fashion Week.

Milan retrouve des couleurs avec l'Expo en ligne de mire

Après New York et Londres, les projecteurs s'allument mercredi sur les podiums de mode de Milan, où souffle un vent d'espoir et de renouveau avec les premiers signes d'une timide reprise et la perspective de l'Exposition Universelle l'an prochain.

L'Expo, qui se tiendra du 1er mai au 31 octobre 2015, devrait drainer dans la capitale économique italienne quelque 20 millions de touristes, et le secteur de la mode a bien l'intention de surfer sur cette vague.

La semaine de la mode milanaise, qui débute ce mercredi 19 février pour s'achever le lundi 24, s'affiche donc d'ores et déjà comme une sorte de test en vue de cet important événement avec, au menu, un programme intense de 144 collections de prêt-à-porter féminin pour l'automne-hiver 2014/2015, se partageant entre 65 défilés et quelque 80 présentations.

«Il s'agit d'une grande opportunité pour tout notre secteur. L'idée est d'organiser des événements liés à la mode pendant toute la durée de l'Expo», souligne Mario Boselli, le président de la Chambre de la Mode italienne. «Nous sommes en train de travailler par ailleurs à un projet commun avec la municipalité, la Chambre de commerce, l'association réunissant les entreprises du luxe italien Altagamma et Cosmit, qui organise le Salon du design de Milan.»

«Il y a une nouvelle volonté de coopérer entre toutes les institutions en vue de l'horizon stratégique de 2015. Dans ce contexte, 2014 sera pour tous une année de répétition», renchérit l'adjointe à la Mode et au Design de la ville de Milan, Cristina Tajani.

Pour se donner un air plus international, Milan va ainsi activer pour la première fois durant cette Fashion Week un portail baptisé «Milano Creativa». Accessible en italien et en anglais par le site Web de la municipalité, cette plateforme mettra à disposition du public un calendrier complet des événements et initiatives liés à la mode, au design, à l'art et à la culture se déroulant dans la capitale lombarde durant la semaine de la mode.

«Il s'agit pour l'instant d'une expérimentation. Un calendrier unique rassemblant toutes les excellences du territoire, que nous allons tester cette semaine et durant le Salon du Meuble en avril prochain», explique Cristina Tajani.

Autre signe de changement: les grandes affiches et panneaux électroniques souhaitant la bienvenue aux visiteurs dans les principales gares et aéroports de la ville par ces simples mots: «Welcome to Milan Fashion Week».

Enfin, des écrans géants ont été installés dans les points névralgiques du centre-ville, ainsi que dans les grands magasins La Rinascente, pour permettre au public de suivre les défilés en direct et d'aussi bien admirer les grands noms du Made in Italy, de Gucci à Prada, en passant par Giorgio Armani, Roberto Cavalli ou Versace, que de découvrir de nouveaux talents de la mode italienne, comme Fausto Puglisi, Marco De Vincenzo ou encore Stella Jean.

Seul point noir, l'appel à la grève lancé par les chauffeurs de taxi milanais, le 20 février, qui risque de gâcher la fête et de faire désordre, au moment où la ville essaie de redorer son blason.

- Federica Andreol, AFP