L'époque où les uniformes scolaires étaient faits de polos amples et d'informes pantalons à plis semble révolue... ou presque! Bienvenue dans le monde de la garde-robe scolaire, mise au goût du jour et où les jeunes ont leur mot à dire.

Certains d'entre nous en gardent un mauvais souvenir : un polo blanc trop grand, des pantalons peu seyants qui ramassent la peluche, une jupe à carreaux semblant sortir des boules à mites... Oui, l'uniforme scolaire, longtemps réservé aux écoles privées, n'a pas toujours eu bonne réputation.

Force est de constater que, si les temps changent, il y a encore du chemin à faire pour plaire aux jeunes. Léa, 15 ans, fréquente un collège privé dans le quartier Ahuntsic et entamera sa 4e secondaire à l'automne. Si elle dit comprendre pourquoi les écoles font le choix des uniformes, «qui sont pratiques le matin et rendent tout le monde égal», elle exprime peu d'enthousiasme pour son uniforme de la Maison Piacente, qui ne lui permet pas d'exprimer ses goûts vestimentaires.

«Notre uniforme n'est pas à la mode! La jupe est beige et marine, avec des carreaux, je trouve ça fade. Les polos sont un peu trop grands, pas assez ajustés! Je sais que certains veulent faire des modifications, mais je ne suis pas sûre que la direction de l'école va accepter.»

Que faudrait-il faire pour lui plaire? Changer les couleurs, ajuster les coupes, améliorer les matières. Bref, redonner un coup de jeunesse à son uniforme. Un choix qui ne dépend pas seulement des offres des entreprises, nuance Barbara Émond, nouvelle directrice générale de la Maison Piacente, un des plus important fournisseurs d'uniformes scolaires du Québec.

«Cette jeune fille vient peut-être d'une école qui ne propose que des polos unisexes, car nous avons un modèle de polo ajusté pour les filles, assure-t-elle. Depuis quelques années, nous avons commencé à renouveler des collections, car certaines écoles n'ont pas changé depuis 10 ans! Il ne faut pas oublier que le choix final revient aux collèges. Idéalement, il faut impliquer les jeunes, car ce sont eux qui portent l'uniforme.»

Leur mot à dire

Possible de plaire aux jeunes, tout en respectant les besoins des établissements scolaires? Plusieurs entreprises font ce pari.

Photo fournie par Flip Design

Tammy Hattem et Patric Lepage ont démarré en 2001 Stonelizard, gamme de vêtements de sport destinés aux jeunes. En 2003, à la demande d'une école, ils créent des uniformes scolaires pour 400 élèves. Dix ans plus tard, l'entreprise québécoise, qui vient tout juste de lancer sa collection scolaire Raphaël U, habille plus de 50 000 élèves d'une cinquantaine d'écoles de la grande région montréalaise.

«Ce qui nous distingue, c'est le style, la durabilité et l'expertise. C'est vrai que l'univers des uniformes est parfois limité, mais je crois qu'on peut amener de la créativité dans la coupe et les détails, en ajoutant des petites boucles, des boutons de couleur. Le tout pour rendre le vêtement le fun pour les jeunes», explique Tammy Hattem, qui détient un MBA en mode et un DEC en commercialisation de la mode.

Pour y arriver, Stonelizard a totalement intégré les jeunes à son processus de création. «Les groupes de consultation sont une grande partie de notre création. C'est un processus qui se déroule de septembre à décembre, avec des comités formés de jeunes de 12 à 17 ans. On leur présente les nouveautés, les tendances de l'année et on va même jusqu'à leur donner un certain montant d'argent pour qu'ils aillent en magasin acheter leurs morceaux préférés... avec des critères à respecter bien sûr! On va ensuite créer nos collections à partir des idées qu'ils nous apportent», explique la copropriétaire.

Carole Vallée, adjointe administrative, s'occupe depuis 2005 des uniformes scolaires pour la polyvalente Saint-Jérôme, une des plus grosses au Québec avec quelque 2200 élèves. Elle croit que le processus très inclusif de Stonelizard permet d'améliorer la perception qu'ont les jeunes des uniformes. «Je viens d'une autre institution scolaire et j'ai connu des fournisseurs qui étaient moins au goût du jour. Stonelizard est une compagnie en constante évolution, qui adapte son produit aux goûts des jeunes, mais aussi aux besoins de l'école et des parents.»

Marlène, 16 ans, porte les uniformes de cette entreprise depuis son entrée au secondaire. Si le fait de porter toujours les mêmes vêtements lui plaît moins, elle apprécie le style de son uniforme: «J'aime celui de Stonelizard comparé aux autres compagnies. Ça paraît qu'ils font un effort pour que leurs vêtements soient à la mode. Ils ajoutent plein de petits détails qui font que c'est joli, comme la ligne noire sur les manches du polo», commente-t-elle.

Virage dans l'industrie

Chez Flip Design, consulter les jeunes fait aussi partie prenante du processus de création. L'entreprise basée à Drummondville dessert une trentaine d'écoles, dont 75% d'écoles publiques, indiquant une nouvelle tendance dans l'industrie, autrefois concentrée dans le secteur privé.

«Chaque année, nous faisons des "focus groups" avec quelques-unes de nos écoles. L'an dernier, nous avons commencé à faire des sondages en ligne, pour voir ce que les jeunes préfèrent. Lorsqu'on dessine une collection pour un nouveau client - car chaque école a sa propre collection -, on fait toujours participer les représentants étudiants», explique Caroline Marois, copropriétaire de Flip Design.

Clément est une entreprise de la région de Québec qui évolue dans le domaine des uniformes scolaires depuis 75 ans. «L'industrie, on l'a vu évoluer. Aujourd'hui, les jeunes participent au processus décisionnel, c'est beaucoup plus ouvert! Certains organisent même des parades de mode pour présenter les collections!», explique le propriétaire Jean Clément, qui préfère parler de «garde-robe» plutôt que d'uniforme scolaire. 

Pour M. Clément, il est clair que l'industrie s'est profondément modifiée depuis les 10 dernières années. «Une mentalité plus conviviale s'est développée avec l'arrivée des laïcs dans les écoles privées, sans compter les écoles publiques qui adoptent maintenant l'uniforme. Il y a eu aussi un virage incroyable avec la venue de l'internet et l'achat en ligne.»

Pour Tammy Hattem, «le goût de bien habiller les jeunes » est un facteur qui a amené l'industrie de l'uniforme scolaire à se moderniser. «Les codes ont changé, fait écho Allen Gauthier du Groupe Trium, une entreprise spécialisée dans les uniformes en tout genre, qui s'est lancée récemment dans le scolaire. Aujourd'hui, il y a de plus en plus de compagnies qui travaillent fort pour aller chercher des écoles. Il faut être à l'affût, car ce n'est plus seulement l'uniforme traditionnel qui se vend. Il faut que les vêtements soient confortables et qu'ils aient le bon look pour plaire aux jeunes.»