Sabrina Barilà nous accueille vêtue d'une chemise à carreaux, style écossais, un vêtement confort par excellence, sans histoire, qu'elle possède depuis la nuit des temps. C'est sa «couverture de sécurité» à elle, précise-t-elle, renvoyant au personnage de Linus, celui dessiné par Schulz. Elle traduit bien le côté un peu voyou de la designer, qui définit son look par des antipodes: selon l'occasion féminine ou garçon manqué. Femme-enfant, parfois.

Le style de Sabrina Barilà est «plus volage» que celui de ses collections éponymes. Elle avoue qu'il lui est plus facile de parler de son travail que d'elle-même. Commençons donc par là.

Qui est la femme Barilà? «Elle travaille, elle a entre 25 et 40 ans. Elle a de l'esprit. Elle aime les couleurs et les motifs, les pièces affirmées, mais délicates et qui résistent au temps.» Un portrait à des lieues de la créatrice? «Oui et non, avance-t-elle. Même si je refuse de la restreindre, son identité à elle est presque toute là. Contrairement à moi, qui suis toujours dans la découverte, en évolution...»

Sabrina Barilà ne se revendique pas comme «mordue de la mode», même si elle reconnaît avoir un goût très sûr et savoir flairer la qualité. La mode, elle l'envisage comme un travail, un moyen d'expression au travers duquel elle s'exprime depuis qu'elle est toute petite. Surtout que cette forme d'art qu'elle a choisie ne vient pas sans son lot d'inquiétudes, ce qui l'incite à s'en détourner aussi souvent qu'elle le peut, pour y revenir plus apaisée, après avoir fait le plein ailleurs.

Car le temps a appris à cette grande anxieuse qui se soigne que le bien-être était la première condition de la création. Elle fait en sorte que tout autour d'elle le lui rappelle. «Je dois m'imposer une certaine stabilité, sinon je m'éparpille. J'envie les gens qui n'ont qu'une seule passion. Moi, celles des autres me contaminent, j'ai toujours la tête pleine, alors je dois recréer un environnement avec le moins de distractions possible.»

Dans ce décor propice à l'inspiration, il y a son «moodboard» bien en évidence. Ces jours-ci, ce sont des images de plage, des photos aux teintes tropicales qui y sont épinglées. Il y a des bougies Diptyque allumées, parfumées à la fleur d'oranger, qui l'aident à se concentrer. Une tasse de thé, «pour calmer la nervosité», spécifie Sabrina Barilà avant d'éclater de rire, consciente que cette mise en scène bascule dans le cliché, mais convaincue qu'il lui faut provoquer les circonstances pour «apprivoiser l'angoisse». «Keep calm and carry on», lit-on en blanc sur rouge sur une affiche accrochée au mur...

Sur le mur, aussi, il y a un portrait de la peintre mexicaine Frida Khalo. Une femme que la designer admire, surtout parce qu'elle a su assumer pleinement ses excentricités, ses contradictions, et les projeter dans ses toiles. «Il est parfois épeurant d'être soi-même, ajoute-t-elle, et Kahlo a su s'en nourrir, en faire le moteur de sa créativité.» Notre petit doigt nous dit que c'est à travers les autres que Sabrina Barilà nous en apprend le plus sur elle.

Scott Schuman

Pour Sabrina Barilà, le style est d'abord un style de vie. À son avis, le photographe Scott Schuman (The Sartorialist) est celui qui arrive le mieux à capturer, plus que des vêtements, une personnalité entière, ce qu'elle dégage et qui est intemporel, indémodable. Ultime consécration, la discrète élégance de Sabrina a attiré l'oeil de Schuman lors de la Semaine de la mode de Paris, en 2011, et elle a eu le privilège de voir son portrait publié sur son célébrissime blogue.