Pour son exposition annuelle sur la mode au Metropolitan Museum de New York, le Costume Institute a décidé de se pencher sur le travail d'Elsa Schiaparelli et de Miuccia Prada, deux designers italiennes qui n'ont pas eu peur de remettre en cause les idées reçues de leur époque.

Après avoir présenté une expo hommage à Alexander McQueen qui a attiré une foule record l'an dernier, le Costume Institute a décidé de prendre plus de risques cette année en faisant se télescoper les univers des designers italiennes Elsa Schiaparelli et Miuccia Prada.

Comme en témoigne le titre de l'exposition - Schiaparelli and Prada: Impossible Conversations -, il y a quelque chose d'un peu incongru dans cette rencontre. Nées à près de 60 ans d'intervalle, la Milanaise (Prada) et la Romaine (Schiaparelli) ne se sont jamais réellement rencontrées et ne partagent pas forcément la même vision de la mode.

En entrevue, Miuccia Prada a même exprimé quelques doutes à l'égard de l'exposition, en soulignant notamment n'avoir jamais été influencée par Schiaparelli (1890-1973).

Bien conscient du fossé séparant les deux designers, les conservateurs de l'exposition ont choisi de présenter aussi bien les similitudes que les disparités dans le travail des deux designers. «Ces deux femmes sont connues pour avoir remis en question les notions de chic et de beauté, mais elles sont aussi semblables que dissemblables», reconnaît sans hésiter Harold Koda, l'un des deux conservateurs.

«Il n'y a pas d'association directe entre ces deux femmes, mais il y a des affinités. Et puis, il est très intéressant de voir comment les travaux du passé et du présent s'enrichissent les uns et les autres en se côtoyant», poursuit Harold Koda.

L'exposition permet notamment de voir à quel point ce qui pouvait choquer les contemporains de Schiaparelli ne surprend même plus ceux de Miuccia Prada. La preuve: si, en 1931, Schiaparelli consternait le monde du tennis en créant sa jupe divisée pour femme, en 2012, Marc Jacobs a à peine réussi à faire parler de lui en arrivant vêtu d'une robe-chemise en dentelle transparente au très chic bal du Costume Institute lundi soir.

Fort conceptuelle et ponctuée de nombreux commentaires de Miuccia Prada, l'exposition s'apparente par moments à une sorte d'analyse comparée en 3D, rendue digeste par la somptuosité et l'originalité des pièces présentées.

Dans la première des quatre galeries, on découvre des hauts savamment brodés de Schiaparelli en contrepoint de bas tout aussi sophistiqués de Prada. La raison derrière ce contraste? Schiaparelli créait à une époque où les femmes bourgeoises passaient leurs journées à converser dans des cafés et où seuls les hauts comptaient vraiment, tandis que Prada a plutôt choisi de prendre le contre-pied de cette tradition.

«Tout le monde sait qu'on doit être belle à partir de la taille vers le haut et moins sophistiquée en bas, explique Miuccia Prada. Mais, pour moi, le haut est plus spirituel, plus intellectuel, tandis que le bas est plus fondamental, plus enraciné. Cela parle de sexe, de faire l'amour, de la vie, de donner la vie.»

Si les deux galeries centrales sont consacrées aux différentes idées du chic, le clou de l'exposition se situe toutefois dans la dernière galerie. De nombreuses pièces de Schiaparelli inspirées par le surréalisme (notamment sa robe homard ou son chapeau chaussure) côtoient les trouvailles de Prada, souvent influencées par les nouvelles technologies.

L'exposition comprend une centaine de pièces et une quarantaine d'accessoires.

Schiaparelli and Prada: Impossible Conversations, au Metropolitan Museum de New York, jusqu'au 19 août. Info: www.metmuseum.org