La fourrure fait un grand retour en mode. Ce qui n'est pas pour déplaire à Dominique Ouzilleau, petit-fils de fourreur, qui s'impose en héritier pur et dur, élevant son métier au rang de l'art. Les techniques du Montréalais font rêver les maisons de couture les plus prestigieuses, Dior, Chanel, Torrente, Christian Lacroix et Karl Lagerfeld. Portrait.

Dominique Ouzilleau possède une petite boutique, rue Laurier Ouest. Sa vitrine donne à voir manteaux et vestes de vison, de renard ou de castor, autant de riches créations colorées et luxueuses, aux incroyables détails de couture et de tissage, réalisées à partir de fourrure recyclée. L'homme, vêtu d'un costard de velours ras, a le regard vif et pétillant de ceux que la passion fait vibrer. «Je suis la troisième génération de fabricants dans la famille» confie celui qui a travaillé ses premières peaux à 8 ans à peine aux côtés de ses trois frères et de sa soeur dans l'atelier familial. «Ma mère avait réussi ce tour de force de se faire accepter dans ce milieu d'hommes. Il y a 30 ans, les femmes étaient cantonnées à la pose de doublures. Coupes et couture leur étaient interdites», raconte le designer qui se souvient de la rue Chabanel, surnommée à elle seule «quartier de la fourrure» où s'échinaient 5000 travailleurs spécialisés! «Aujourd'hui, nous devons être à peine 200, du fait de la crise, des multiples polémiques antifourrure, du manque d'innovation et de la flambée des prix des créations que je juge totalement injustifiée», analyse froidement le créateur, qui constate un réajustement logique et significatif, signe des temps qui changent.

L'innovation

L'innovation justement, Dominique Ouzilleau en a fait son fer de lance. Après des années d'expérimentation, il est parvenu à rendre la fourrure toujours plus légère grâce à des procédés savants, tenus secrets, concurrence oblige! Mais rendons à César ce qui est à César, le prodige montréalais ne serait pas ce qu'il est devenu sans sa rencontre avec Paul Léonard, grand designer de l'époque, qui lui a tout appris: la technique, les reliefs et tant encore, alors qu'il était un jeune diplômé (16 ans et demi) du Centre Parthenais, une école depuis disparue. Puis vint le temps de se lancer dans les affaires et, de foires commerciales en salons, de multiplier les collaborations avec de grandes maisons de couture. «Ma première collaboration fut avec Louis Féraud. Je ne signais pas mes créations en nom propre, bien sûr, mais sous le label Naturelle Fourrure».

Un détour par la mondialement réputée École de fourrure de Copenhague au Danemark, et il se lance à la conquête du marché parisien. «Je suis allé frapper à toutes les portes, de Dior, à Chanel, avec des échantillons sous le bras, et en répétant «je repars demain!»». Une technique commerciale propre à éveiller l'intérêt des plus grands, fascinés par ses pièces d'une légèreté incomparable, affichant des motifs tartan, pieds de coq, géométriques, tweed... De véritables oeuvres d'art mariant de multiples fourrures teintes dans une palette de nuances des plus inattendues. Inutile de questionner Dominique Ouzilleau sur ses procédés de fabrication, fruits d'années de réflexion et de tests. Pour seule réponse, vous obtiendrez: «Il n'y a quasiment rien que l'on ne puisse pas faire avec la fourrure!».

Haute fourrure

Après avoir été consacré Griffe d'Or en 1997, une distinction prestigieuse, Dominique Ouzilleau collabore en 2000 avec Christian Lacroix, donnant naissance à 140 pièces magistrales. Puis avec Givenchy et Alexander McQueen pour «des modèles ornés de détails en forme de cibles, pour faire écho aux attentats du 11 septembre». Point d'orgue de ces prestigieuses associations, il y ce défilé en 2003 avec Karl Lagerfeld pour sa ligne personnelle, lequel déclare publiquement: «Le travail de M. Ouzilleau ne se fait même pas en Italie!» Moment de grâce...

Justement, vient ensuite le tour des Italiens tels que Torrente ou Gianfranco Ferré. Les souvenirs se bousculent, d'une période dorée jusqu'à la flambée de l'euro, qui signe la fin d'une époque et la chute du marché. Le créateur se tourne alors vers le Japon, friand de ses créations, jusqu'à la récente catastrophe de Fukushima. Avec un regard qui appelle de nombreuses questions, il avoue compter au Québec plus de 4000 clientes fidèles, certaines d'entre elles possédant plus de quatre fourrures signées de son nom. Mais que laisse présager l'avenir? À cette question, le designer rétorque qu'il travaille sur un brevet très pointu, en briguant un partenariat avec le groupe de luxe LVMH -- autant dire le rêve. Pendant ce temps, la Russie semble aussi lui ouvrir les bras. À 44 ans, ce prodige de la haute fourrure redonne vie aux vieux manteaux de nos grand-mères avec un talent inégalable, incarnation d'un leitmotiv indéboulonnable en forme de slogan: «Rien n'est impossible!».

Idées reçues

Comment se conserve la fourrure?

«Certainement pas dans des chambres froides, attention! L'humidité abîme la fourrure. Privilégier les endroits secs.»

Comment nettoyer sa fourrure?

«Surtout ne pas se précipiter chez n'importe quel nettoyeur à sec, apportez-les moi, je les confierai à Splendor, professionnel auquel vous n'aurez pas directement accès. Le coût est en moyenne de 35$.»

Quelle longévité pour un manteau en fourrure?

«En moyenne 40 ans, en fonction du traitement du cuir, autrement dit le revers de la fourrure.»

La fourrure hors de prix?

«Ici, les prix débutent à 800$, et chaque pièce est garantie 7 ans, altérations mineures comprises.»

La fourrure provient-elle uniquement d'élevage aujourd'hui?

«Oui... sauf pour le castor!»

Peut-on recycler toutes les fourrures?

«Oui encore, mais une expertise est nécessaire pour évaluer l'état de la peau.»