Peu importe la richesse des velours ou la légèreté des volants, le dernier défilé de John Galliano pour Dior s'est déroulé vendredi à Paris dans une atmosphère assombrie par l'absence du couturier britannique, écarté de la maison et poursuivi pour injures racistes.

Fait rarissime, le PDG de la maison Sidney Toledano est arrivé sur scène juste avant le spectacle pour dénoncer les propos «intolérables» de M. Galliano, une «épreuve» particulièrement «douloureuse» à vivre pour la maison de luxe dont les valeurs restent «intactes», a-t-il assuré.

«Chacun chez Dior, qui s'est donné corps et âme à son travail, est stupéfait et attristé par ces paroles inqualifiables», a-t-il ajouté, rendant hommage aux ateliers qui, le «coeur serré», ont fait aboutir cette collection pour l'hiver prochain. Il a aussi rappelé que la soeur de Christian Dior avait été déportée à Buchenwald.

John Galliano, 50 ans, était le directeur artistique de la maison depuis quinze ans.

Le couturier, poursuivi en justice par trois plaignants, est accusé d'avoir proféré des insultes antisémites et racistes, au cours de deux incidents dans un café parisien. Et une vidéo accablante diffusée depuis lundi sur internet le montre attablé, ivre, déclarant son admiration pour Hitler dans un flot de grossièretés.

Le top model russe Natalia Vodianova, seule célébrité à avoir assisté au défilé qui se voulait sobre, a estimé qu'il ne fallait pas retenir du couturier «que le scandale». «John est sous l'influence d'une maladie contre laquelle il se trouve impuissant; l'alcool fait faire des choses monstrueuses aux gens», a-t-elle déclaré aux caméras, alors que plusieurs mannequins sortaient en larmes des coulisses, interdites exceptionnellement à la presse.

La très influente directrice artistique du Vogue américain, Grace Coddington, interrogée par l'AFP, a laissé entendre son admiration pour le créateur: «Mes impressions? De très beaux vêtements, tout simplement. On verra bien ce que (la marque) arrivera à sortir la prochaine fois».

Jambes nues perchées sur d'interminables talons, un jeune homme attendait les spectateurs devant la sortie du musée Rodin avec un bouquet de mimosas et une affiche proclamant «The king is gone» (le roi est parti).

A contrario, une poignée de manifestants trentenaires avaient été écartés par la police avant le défilé: Titubant et vociférant comme des ivrognes, ils scandaient: «Bernard Arnault, viens nous servir à boire!»

Le milliardaire, propriétaire de la marque, ne s'est pas montré dans la salle.

Là, c'est le mannequin fétiche de Dior, l'Américaine Karlie Kloss, qui ouvre le défilé. Pas d'attitude provocante cette fois. Sous sa cape, elle a les mains posées sur les hanches, pour dévoiler la petite veste en cuir en dessous, son visage mangé par un large chapeau.

Les modèles, qui jouent généralement les aguicheuses impertinentes avec les photographes, marchent le visage fermé, sans trahir la moindre émotion. Leur maquillage, assez marqué, est moins fantaisiste.

Côté vêtements, tous les codes de la maison, son «ADN» comme on aime dire dans le milieu de la mode, sont bien présents. «Mais il manque l'âme», souligne un habitué.

Tailles marquées et robes du soir façon nuisette. Toutefois les couleurs se font rares. Beaucoup de pastels pour les robes courtes, sauf un bustier en velours rouge profond prolongé d'organza ou cette robe aubergine à volants, intercalant quelques touches amusantes de fourrure.

Au final, moment tant redouté car c'est là qu'apparaissait Galliano dans des effets toujours spectaculaires, une bonne quarantaine d'ouvriers et d'ouvrières des ateliers arrivent sur scène, en blouse blanche. Une page se tourne.