Célébré par Manolo Blahnik, remarqué par le New York Times et lauréat du premier Dorchester Collection Fashion Prize, le jeune designer montréalais Thomas Tait collectionne les accolades à partir de Londres, où il s'est exilé.

Le C.V. de Thomas Tait est peut-être court, mais il a déjà de quoi donner des complexes à bien des créateurs. En 2010, il est devenu le plus jeune designer à terminer le programme de maîtrise en mode pour femmes du réputé collège londonien Central Saint Martins. Il a présenté deux collections lors de la Semaine de la mode de Londres et il a décroché une première collaboration avec la réputée boutique en ligne ASOS.

Mieux, en octobre, il a remporté le tout premier Dorchester Collection Fashion Prize et empoché la bourse de 40 000$ qui l'accompagnait. «Soudainement, tout le monde parle de Thomas Tait», a noté en décembre dernier une journaliste du New York Times. Le plus spectaculaire dans tout ça? L'âge du designer: 23 ans à peine.

Du Vogue au Elle, la presse n'est pas la seule à s'enthousiasmer pour le Montréalais. Les membres du jury du prix Dorchester Collection - dont Manolo Blahnik, Daphne Guinness et Giles Deacon - ont également eu des mots très flatteurs pour le designer. «Thomas est brillant, son travail est parfait», a notamment dit le chausseur espagnol.

Les cheveux longs, vêtu d'une chemise en denim bleu délavé, le jeune créateur joint par vidéoconférence à son studio dans l'est de Londres est évidemment ravi de la tournure des événements. «C'est vraiment bizarre de juste commencer, de faire mes premiers pas, et d'avoir déjà le soutien de gens qui ont vraiment travaillé fort pour être ce qu'ils sont aujourd'hui», dit-il, posément.

«C'est un honneur et, financièrement, cela a complètement changé ma situation. Maintenant, je sais que je vais être capable de produire ma prochaine collection», poursuit-il.

Contrairement à bien des designers qui triment durant des années avant de se faire remarquer, Thomas Tait a généré une effervescence incroyable dès la présentation de sa collection de fin de programme à Central Saint Martins.

Savant alliage de minimalisme et d'avant-gardisme, cette collection en noir monochrome a d'abord séduit par sa singularité. Les pièces ne dévoilaient leur complexité qu'une fois vues de profil, étant donné que le designer a travaillé les volumes sur la profondeur. «J'aime cette idée que mes vêtements ne se dévoilent vraiment qu'une fois vues en vrai, en trois dimensions», confie le créateur.

Inspiré aussi bien par le squelette humain que par ses propres problèmes de dos, le designer qui mesure six pieds et possède des allures de mannequin a présenté des silhouettes réellement inédites et spectaculairement angulaires.

Un brin cérébrale, son approche se veut néanmoins sexy. Mais aux classiques décolletés et aux jambes interminables, le jeune designer a préféré dévoiler des parties du corps moins visitées. «Je trouve que montrer un dos, c'est plus sexy que de montrer une poitrine. En général, les gens ont souvent de très beaux dos que l'on ne voit jamais», dit-il.

Avec seulement deux collections à son actif, Thomas Tait refuse pour l'instant de définir trop précisément son style. «Ce que je veux, c'est établir un dialogue avec une femme. Façonner petit à petit ma version d'un pantalon, par exemple. Il faut apprendre à marcher avant de courir», dit-il en mélangeant français et anglais.

Élevé en banlieue de Montréal, dans une famille bilingue de Vaudreuil-Dorion, Thomas Tait n'avait jamais réellement eu de contact avec l'univers de la mode avant de s'inscrire, sans grande conviction, au collège LaSalle de Montréal.

Mais ses trois années en mode au collège LaSalle lui ont permis d'apprendre le b.a.-ba de la construction des vêtements et, surtout, de lui donner les outils nécessaires pour se bâtir lui-même un solide portfolio afin d'être accepté à Central Saint Martins.

S'il lui a été difficile de s'acclimater à Londres - il n'y connaissait personne et était le plus jeune dans ses cours -, il a réussi à s'y faire une place de choix en un temps record. Aujourd'hui, il est même commandité par le British Fashion Council.

En 2011, il souhaite commencer à vendre ses vêtements en boutique. «Je pense vendre dans quatre ou cinq boutiques à Paris, Milan, Londres et New York.» Et Montréal? Ce n'est pas pour tout de suite, mais cela devrait venir un jour, espère-t-il.