Actrice, danseuse, peintre et poète, Juliette Binoche nous en a mis plein la vue au cours des dernières semaines. Avant de quitter Montréal, l'artiste a accordé une dernière série d'entrevues à titre d'égérie de la marque Lancôme. Mais attention! Lorsqu'on parle beauté avec cette intense et lumineuse femme de 44 ans, passionnée de philosophie chinoise, on ne tourne pas autour des petits pots.

Q Vous étiez le visage du parfum Poème, en 1995. Qu'est-ce qui vous a donné envie de signer un nouveau contrat avec Lancôme (pour la gamme de soin Rénergie) ?

 

R Au départ, c'est une marque qui me plaît. Odile Roujol, la nouvelle directrice, avait envie d'une ambassadrice qui parle de la femme à travers le monde, qui symbolise cette idée de la femme française à la fois indépendante et énergique. L'idée d'aller sur des marchés nouveaux, comme l'Asie, me plaisait bien aussi. Je pense à la Chine évidemment. Je crois qu'il y a une soif chez la femme chinoise de se rendre plus à elle-même.

Q Vous abordez votre rôle d'ambassadrice de Lancôme de manière assez engagée, presque féministe...

R Je dirais féminine et non féministe. Dans chaque être humain, il y a une énergie féminine et une énergie masculine. Le yin et le yang. La féminine se voit moins parce que c'est la plus douce, la moins active. Mais il faut trouver l'équilibre des deux. Et c'est en étant conscient de cette force-là qu'on prend sa place. La femme doit reconnaître sa propre place. Et ça, pour moi, ce n'est pas une vision féministe, c'est une vision pleine, entière.

Q Comment définiriez-vous la beauté ?

R Pour moi, quand je ressens la beauté, c'est qu'il y a quelque chose que je vois qui me touche profondément et qui me transforme. Ce n'est pas forcément esthétique, mais ça peut passer par le visuel. Ça peut être un paysage avec une lumière incroyable, un regard d'enfant, de femme ou d'homme.

Q La beauté est quelque chose de vivant, de dynamique, donc ?

R Oui. Mais à un niveau plus concret, je pourrais dire que prendre soin de moi me permet d'être mieux dans ma peau et de me sentir bien et belle. Je suis une fervente des massages. C'est ce qui nous met en rapport avec notre corps. Si nous sommes détachés de notre corps, nous ne pouvons pas nous incarner pleinement.

Q Avez-vous toujours eu cette présence à vous-même, à votre corps, à votre image?

R Non, c'est une attention de tous les jours. Ce n'est pas donné comme ça. J'ai eu des moments de relâchement et des moments de prise de conscience. Mais plus ça va, plus je vieillis et plus je réalise à quel point notre énergie, c'est notre trésor. Et ça, je m'en suis vraiment rendu compte avec la danse. Ce ne sont pas les muscles, les tendons et les articulations qui me permettent de continuer et de suivre le parcours, c'est l'énergie.

Q Et comment cultivez-vous cette énergie, justement ?

R Par lemassage, par la façon dont je mange. Il est primordial d'avoir une hygiène de vie rigoureuse. Je fais aussi de la méditation. Les moments de silence, les moments qu'on réserve à une relation de soi à soi sont importants. Moi, j'aime traverser mes ombres. On doit se rencontrer à tous les niveaux.

Q Le fait de vieillir dans le regard du public vous effraie-t-il ?

R Vous savez, on ne peut pas être éternellement ce bouquet de fleurs magnifique qui attend d'être pris dans les bras. À un moment donné, il faut soi-même aller trouver la racine et se faire pousser des fleurs. C'est à nous d'être des créatrices et non des créatures. C'est à nous de nous mettre en branle. Cela dit, les temps de jachère sont aussi importants que les temps de moisson. Ils sont nécessaires au fonctionnement, au cercle même de la vie.