Le canadien BlackBerry, qui a ouvert mardi les commandes pour son nouveau téléphone Z10 aux États-Unis, mise sur l'innovation de sa nouvelle plateforme pour trouver de nouveaux marchés, mais il doit encore convaincre de la fiabilité de ses réseaux.

Développé par QNX, une société d'Ottawa rachetée 200 millions de dollars en 2009, le nouveau système d'exploitation BB10 a mis deux ans à être développé et n'offre rien de comparable avec ses prédécesseurs. À commencer par la navigation, qui se fait sans bouton menu sur le Z10, le premier BlackBerry entièrement tactile, et dépend entièrement de la gestuelle de l'utilisateur.

Le design de BB10 permet à la société canadienne d'avoir «une offre qui est assez distincte d'Apple, ce qui est bien», juge Alexandre Cayla, stratège au cabinet montréalais Digito.

En même temps, poursuit-il, «les fonctionnalités qui étaient aimées par leurs utilisateurs les plus loyaux» ont été conservées. C'est le cas en particulier avec le «Hub», qui concentre les communications écrites, qu'il s'agisse de messages reçus sur les réseaux sociaux ou sur son courriel.

«On s'est demandé quel est l'ADN de BlackBerry: la productivité, l'efficacité, la simplicité», décrit Joseph Hofer, l'un des designers qui a travaillé sur le dernier né des téléphones canadiens.

L'une des principales réformes introduites au sein de l'entreprise au cours des deux années nécessaires au développement de BB10 et du Z10 (période qui a vu le groupe dévisser en bourse) a été de «structurer les équipes» de sorte que le design de l'interface et le design du matériel soient conçus en même temps, note M. Hofer. «On a réinventé notre manière de travailler».

En tout, le groupe canadien dispose désormais d'une équipe d'une centaine de designers répartis entre l'Europe et l'Amérique du Nord.

Trouver de nouveaux marchés

Avec sa nouvelle plateforme, la société établie dans la région de Toronto veut partir à l'assaut de nouveaux marchés. Aux côtés des téléphones et des tablettes, BlackBerry veut ainsi décliner BB10 sur d'autres outils, a révélé récemment son PDG Thorsten Heins à des hommes affaires canadiens.

«Nous avons créé une plateforme qui peut se connecter avec d'autres machines et peut étendre vos informations à votre voiture, à votre système de santé, où que vous soyez», a-t-il déclaré.

Les logiciels développés par QNX équipent déjà les Formule 1 de l'écurie Mercedes, avec qui BlackBerry vient d'ailleurs de conclure un partenariat pour la prochaine saison.

Le groupe canadien vise avec sa plateforme «les domaines d'avenir», ajoute une porte-parole, précisant que les usages envisagés vont de la gestion de l'énergie, du transport ferroviaire, des maisons, à celle des hôpitaux.

Une telle stratégie constitue «un changement de direction», constate Willy Shih, professeur à l'École de commerce de l'université américaine Harvard, se disant «sceptique» quant à ses chances de succès.

Certes cela «reflète le besoin d'augmenter le taux de pénétration» de BlackBerry, dit-il. Toutefois, tranche l'universitaire, «plusieurs pannes des réseaux BlackBerry démontrent encore que cette approche n'est pas convaincante». Après les pannes géantes à travers la planète fin 2011, le groupe canadien a été en effet frappé à plusieurs reprises par des coupures ou retards de connexion.

Le professeur Shih conclut: «Ils doivent repenser la stratégie de leur système pour répondre à la question de la fiabilité de leur réseau», jadis la marque de fabrique de BlackBerry.