Les utilisateurs indiens du BlackBerry réagissaient vendredi avec consternation à la menace du gouvernement de bloquer des services pour des raisons de sécurité, même si certains jugeaient nécessaire de prendre des mesures pour lutter contre l'extrémisme.

Ce téléphone multimédia ultra sécurisé est devenu un accessoire incontournable pour la population aisée, et souvent jeune, des grandes métropoles comme New Delhi, Bombay et Bangalore qui le brandit comme un signe extérieur de richesse et de succès, notamment dans le monde des affaires.

L'Inde compte environ un million d'utilisateurs du BlackBerry.

À l'issue d'une rencontre entre le ministère de l'Intérieur, les services de renseignement et le département des télécoms, le gouvernement a demandé jeudi aux opérateurs l'accès d'ici fin août aux données cryptées du téléphone sous peine de bloquer la messagerie instantanée et les messages électroniques.

«C'est vraiment mauvais pour nous», lâchait Ritika Bakliwal, étudiante de 20 ans, à l'heure du café matinal dans un établissement branché d'un quartier d'affaires de Bombay, la capitale économique de l'Inde.

«Il y a tant de gens qui utilisent des BlackBerry», assure-t-elle, tenant à la main un modèle entouré d'une coque de plastique pour le protéger des pluies de la mousson. «S'il est interdit, les ventes vont chuter», prédit l'étudiante.

Rikita et ses amis se servent toutes de leur BlackBerry pour envoyer des messages instantanés, des mails et pour surfer sur internet. Elles utilisent également Google et Skype, qui sont aussi dans la ligne de mire de New Delhi, selon le quotidien Financial Times vendredi.

«J'espère que BlackBerry et le gouvernement trouveront une sorte d'accord pour qu'on ne soit pas affecté», confie Shaheda Madraswala. «Le gouvernement a besoin de sécurité à cause des menaces (sur la sécurité intérieure) mais j'espère qu'ils vont trouver un compromis».

L'Inde, en proie à une insurrection séparatiste au Cachemire et à une rébellion maoïste dans de nombreux Etats, est extrêmement sensible concernant les risques potentiels liés à la technologie. Le gouvernement craint que les nouveaux moyens de communication ne soient utilisés par des groupes d'insurgés.

En novembre 2008, un commando armé d'islamistes avait utilisé des téléphones portables et satellitaires pour coordonner avec les cerveaux pakistanais des attentats à Bombay qui avaient fait 166 morts.

Pour de nombreux utilisateurs, un blocage des services rendrait l'onéreux BlackBerry du fabricant canadien Research In Motion (RIM) complètement inutile.

«C'est ridicule qu'on bloque un service de téléphone. Le BlackBerry est le moindre des problèmes du gouvernement», affirme Siddhartha Butalia, un designer de 25 ans résidant à New Delhi.

«Je suis vraiment furieux. Je viens juste d'acheter le dernier BlackBerry et s'ils bloquent le téléphone, il ne me servira à rien», estime Ambuj Nautiyal, un homme d'affaires de 28 ans.

Les appareils, vendus à partir de 14 000 roupies (300 dollars) et les autres téléphones multimédia sont devenus les moyens favoris des hommes d'affaires et de l'élite indienne pour rester en contact.

Certains utilisateurs assuraient toutefois qu'un blocage ne les affecterait pas: «Ca ne fait pas vraiment de différence. C'est juste de la technologie, après tout. Ma vie n'en dépend pas», philosophe Kavya Chandra, cadre en marketing de 25 ans.

Vipul Modi, avocat à Bombay, soutient, lui, le gouvernement.

«Les intérêts commerciaux ne peuvent prendre le pas sur les intérêts nationaux. Le gouvernement doit avoir le droit (d'avoir accès) à ce qu'il demande. BlackBerry peut sûrement trouver d'autres façons de conserver son avantage commercial en Inde», estime-t-il.