L'étude Interphone, la plus vaste menée à ce jour sur les risques liés à la téléphonie mobile, ne conclut pas à un risque accru de cancer pour les utilisateurs de téléphones portables, tout en estimant que, vu l'explosion de l'usage des portables, il faut la poursuivre.

«L'étude ne met pas en évidence un risque accru, mais on ne peut conclure qu'il n'y a pas de risque, car il y a suffisamment de résultats qui suggèrent un risque possible», a indiqué à l'AFP le Dr Elisabeth Cardis, chercheur principal de l'étude, publiée mardi dans l'International journal of epidemiology.

Interphone fait apparaître un risque de gliome de 40% supérieur et un risque de méningiome de 15% supérieur pour les personnes déclarant une utilisation fréquente et habituellement «du même côté de la tête que la tumeur». Cependant «les biais et les erreurs limitent la force des conclusions» et «empêchent d'établir une interprétation causale».

Pilotée par le Centre international de recherche sur le cancer (Circ, émanation de l'OMS), l'étude, lancée en 2000 dans 13 pays (Allemagne, Australie, Canada, Danemark, Finlande, France, Israël, Italie, Japon, Norvège, Nouvelle-Zélande, Royaume-Uni, Suède) visait à établir une éventuelle relation entre l'usage du téléphone mobile pendant dix ans et les tumeurs du cerveau (gliome, méningiome), du nerf acoustique et de la glande parotide (salivaire).

La majeure partie des ondes sont absorbées par les organes à proximité immédiate de l'appareil -donc notamment le cerveau.

Elle a porté sur 2708 cas de gliome et 2409 cas de méningiome, 1100 neurinomes de l'acoustique et 400 tumeurs de la glande parotide, comparés à des cas témoins sains, de 30 à 59 ans.

La majorité des sujets n'étaient pas des utilisateurs intensifs du téléphone, avec un temps médian de 2h à 2h30 par mois. Les plus gros utilisateurs (10% du total) l'utilisaient en moyenne une demi-heure par jour.

Au fil des années, des résultats partiels avaient été communiqués, pays par pays.

L'étude française, publiée en octobre 2007, faisait ainsi apparaître la «possibilité d'une augmentation» du risque de gliome pour les forts utilisateurs de téléphones mobiles -par exemple, indiquait-on, ceux qui parlent plus de 5mn par appel-, mais avec une marge d'erreur très importante, du fait d'un petit échantillon.

Les résultats en Israël faisaient apparaître une augmentation du risque significative pour les tumeurs de la glande parotide, mais là encore le groupe étudié était très limité et on suggérait des «investigations supplémentaires» sur davantage d'utilisateurs intensifs.

En 2008, les données des pays scandinaves et d'une partie du Royaume-uni faisaient apparaître «un risque de gliome significativement accru» pour une utilisation de portables pendant 10 ans ou plus du côté de la tête où la tumeur s'était développée. Mais il pouvait s'agir, disait-on, aussi bien d'un rapport de cause à effet que d'un «artefact» lié à un problème de mémorisation, les personnes devant se souvenir de communications datant de plusieurs années.

Les chercheurs constatent que depuis le début de l'enquête l'utilisation du téléphone portable était «beaucoup plus répandue». Cette explosion des usages est toutefois tempérée par une «diminution des émissions» et l'utilisation croissante des textos et des kits mains-libres.

Le Dr Christopher Wild, directeur du Circ, estime «souhaitable» de poursuivre l'étude, du fait de l'évolution de l'utilisation des téléphones. Le Pr Elizabeth Cardis, chercheur principal, a rappelé qu'Interphone ne couvrait pas les jeunes, et qu'un nouveau projet, Mobikids, était en cours pour étudier le risque de tumeurs cérébrales des enfants et des adolescents.