Dès l'automne, une nouvelle grappe industrielle en «mobilité de réseaux» verra le jour dans la province. Objectif: fournir des applications à la hauteur du potentiel des appareils sans fil intelligents.

Garner Bornstein et Andy Nulman se prêtent avec entrain à la séance photo. L'un debout sur son Segway, sorte de véhicule électrique à deux roues, l'autre les deux pieds bien ancrés au sol, chaussé de bottes de cow-boy cloutées et paré de lourds bijoux. Deux rock stars des technos, comme on en retrouvait à la pelle au tournant du millénaire.

Les deux fondateurs d'Airborne Mobile sont des vieux routiers de l'industrie du contenu pour téléphones sans fil, si l'on peut dire. Ils ont lancé leur boîte à Montréal en 2000, ont vu ses revenus exploser puis l'ont vendue à une société japonaise cinq ans plus tard. Ils l'ont rachetée en juin dernier avec un seul objectif en tête: profiter au maximum d'un marché fort prometteur, celui du «sans-fil 2.0».

L'arrivée du nouveau iPhone d'Apple et de plusieurs autres téléphones «intelligents» comme le BlackBerry Bold cet été a créé un besoin énorme pour de nouvelles applications. Un besoin qui va bien au-delà des textos et des logiciels de téléchargement de musique et de vidéos, déjà populaires.

«La prochaine phase de croissance risque d'être encore plus forte que la première qu'on a connue, prédit Andy Nulman, président d'Airborne Mobile. C'est comme lorsque les premiers Mac sont arrivés: avant cela, seules les tronches avaient des ordinateurs personnels. Tout le monde en a un aujourd'hui.»

Partout sur la planète, les entreprises technologiques, petites et grandes, se frottent les mains en pensant au potentiel de ce nouveau marché. On compte déjà 3,3 milliards de portables en circulation dans le monde, et la pénétration rapide des sans-fil intelligents fera exploser la demande pour les nouvelles applications.

De nombreuses sociétés techno québécoises - pour la plupart totalement inconnues du grand public - espèrent se tailler une place enviable dans ce marché en apparence exponentiel. Et elles s'organisent pour y arriver.

Dès l'automne, une nouvelle grappe industrielle en «mobilité de réseaux» verra le jour au Québec, a appris La Presse Affaires. Ce projet, piloté par l'Alliance numérique, rassemblera toutes sortes d'entreprises qui mettront une partie de leurs ressources en commun.

«Vous pouvez être bon en production, mais vous n'avez pas nécessairement la technologie ou le fournisseur qui vous permet d'aller plus loin, explique Pierre Proulx, directeur général de l'Alliance numérique. On veut mettre tous ces acteurs-là au sein d'une même grappe industrielle, pour leur permettre de générer plus rapidement du développement et ainsi prendre leur place plus vite sur l'échiquier mondial.»

Selon Pierre Proulx, dont l'association regroupe 200 entreprises du secteur multimédia, le Québec et surtout Montréal sont très bien placés pour tirer leur épingle du jeu dans cette industrie en pleine émergence.

«On calcule qu'on a un avantage concurrentiel, dit-il. On a un bon historique en multimédia et en télécommunications. On est le pont entre l'Europe et l'Amérique du Nord et les Montréalais jouissent d'une très bonne créativité.»

Un potentiel gigantesque

Le domaine des applications pour sans-fil est très, très large. Il suffit de jeter un coup d'oeil à l'App Store, un magasin virtuel où sont vendus des programmes pour le nouvel iPhone d'Apple, pour le constater. On y offre plus de 3000 logiciels à télécharger, la plupart pour quelques dollars.

Sur l'App Store, on trouve autant des programmes pratiques, comme iWik (une encyclopédie mobile), Pennies (qui aide à faire son budget et garder le contrôle de ses dépenses) et Grocery Gadget (une liste d'épicerie électronique) que des jeux vidéo et autres applications futiles. iBeer, par exemple, permet de brasser de la bière virtuelle et même de la verser d'iPhone à iPhone!

Les fabricants d'appareils mobiles intelligents, Apple et RIM (BlackBerry) en tête, sont toujours à la recherche de nouveau contenu pour alimenter leurs sans-fil de plus en plus puissants. Une course au développement qui les amène notamment à se tourner vers le Québec.

RIM fait déjà affaire avec plusieurs PME d'ici. Soluteo, PensEra Knowledge Technologies, Urantia BTT, Croseus Finansoft, AppsGo Concepts, Cyber Cat, GWAVA et HumanWare, pour ne nommer que celles-là, ont déjà toutes conçu des logiciels pour le fabricant ontarien ou poursuivent le développement de nouvelles applications, selon les informations fournies par RIM.

Les concepteurs de jeux vidéo mobiles installés à Montréal, comme Gameloft et EA Mobile, embauchent de leur côté à pleines portes pour faire face à la demande grandissante des consommateurs. Et la lancée ne semble pas vouloir s'arrêter.

L'industrie du jeu vidéo, déjà multimilliardaire, risque de connaître une croissance encore plus accélérée au cours des prochaines années, estime le président du studio montréalais d'EA Mobile. «Le vrai facteur qui va faire que ça va devenir réalité, c'est la pénétration des smartphones», dit André Lauzon, assis devant une dizaine de téléphones intelligents comme le Samsung Instinct et le HTC Touch Diamond.

En fait, le marché des applications sans fil, encore embryonnaire, offre un potentiel quasi infini, fait valoir l'analyste en télécoms Troy Crandall, de la firme MacDougall, MacDougall&MacTier. «La nature des applications à venir sera seulement limitée par l'imagination des concepteurs.»

L'Alliance numérique devrait annoncer officiellement au cours de l'automne l'identité des partenaires de la nouvelle grappe industrielle en mobilité de réseaux. Investissement Québec fait partie du projet et devrait offrir un soutien financier.