GTA IV promet d'être à la hauteur de la réputation de la série en termes de grossièretés, d'écarts sexuels, de cynisme mafieux et de crime gratuit.

Grand Theft Auto IV sort mondialement aujourd'hui (mardi). Violent, amoral et pouvant créer une dépendance, il s'annonce comme le produit culturel le plus vendu au monde.

Attention, un phénomène peut en cacher un autre, voire deux: Grand Theft Auto IV est un jeu vidéo déjà promis à l'un des plus gros succès de l'histoire, mais c'est aussi un prisme extraordinaire pour comprendre l'état d'une industrie qui continue, dans un contexte pourtant globalement récessif, à connaître une exubérante santé.

Le secteur du jeu a connu plus de 40 % de croissance en 2007 et le premier trimestre de 2008 a démarré sur les chapeaux de roues.

«Pour le dire en une formule concise, Grand Theft Auto IV jouit de nombreux appâts commerciaux: du contenu téléchargeable, un marketing massif, un mode multijoueurs, un gameplay «bac à sable» et une forte base installée de consoles», ainsi que le résume Jesse Divnich, analyste pour le site Gamasutra.com.

Des sources proches de Take Two, propriétaire du studio Rockstar qui a développé le jeu, ont affirmé à Variety, bible professionnelle du cinéma et du divertissement, ces chiffres ahurissants: six millions d'exemplaires pourraient être vendus mondialement durant la semaine du lancement.

Cela équivaut à un chiffre d'affaires de 400 M$, c'est-à-dire presque autant que le record détenu par le film Pirates des Caraïbes: jusqu'au bout du monde (404 M$ mondialement et en six jours).

La comparaison n'est évidemment pas fortuite et conduit Variety à s'interroger: «GTA IV sera peut-être le plus grand succès jamais connu par un produit culturel.»

D'ailleurs, les spécialistes du box-office du Hollywood Reporter craignent que le film Iron Man, qui sort en même temps autour de la planète, n'en subisse la fâcheuse concurrence.

La sortie de Grand Theft Auto IV s'annonce ainsi comme la plus fracassante jamais connue par l'industrie du jeu. Cela s'explique bien sûr par la fidélité des joueurs à une franchise (la série des GTA) et à un développeur (Rockstar) qui leur ont déjà procuré d'innombrables heures de bonheur virtuel. Exactement comme dans l'industrie du blockbuster hollywoodien et de ses suites.

Pour bien comprendre ce qui se joue autour d'un phénomène tel que GTA IV, il faut donc avoir présents à l'esprit les trois plans superposés sur lesquels ce titre a des choses à nous dire: d'abord le jeu lui-même, quatrième volet d'une saga de très grande qualité ludique, ensuite son extravagante popularité globalisée, son influence déterminante sur la création de jeux vidéo depuis 10 ans et sa place parmi les «produits culturels» les mieux vendus; enfin le contexte industriel dans lequel il intervient, cette florissante industrie du jeu vidéo dont tout indique qu'il est appelé à croître encore longtemps.

Certes, GTA IV dégage davantage un parfum d'hormones que de savon. Comme ses illustres prédécesseurs, l'épisode promet d'être à la hauteur de la réputation de la série en termes de grossièretés, d'écarts sexuels, de cynisme mafieux et de crime gratuit (ou payant, ce qui est pire). Mais s'arrêter à cette surface adolescente et provocatrice serait ne rien comprendre.

Peu de jeux offrent comme GTA un tel sentiment de liberté, une si profonde qualité immersive, une telle générosité dans le gameplay, dont les possibilités infinies promettent aux plus fervents amateurs des dizaines, parfois des centaines d'heures de jeu.

Jouer en ligne

Parmi les grandes nouveautés qui accompagnent ce quatrième volet de la saga, la plus éloquente est certainement le mode «en ligne» désormais proposé, et qui prend la forme de missions spécifiques s'ajoutant au programme du jeu.

Avant que les joueurs ne délivrent leur verdict sur ce point, on peut parier que c'est toute l'industrie qui chaussera dès demain les lunettes GTA pour mieux comprendre ce qui lui arrive et mieux anticiper ce que l'avenir immédiat lui réserve.

Car le mode «en ligne» signe de façon spectaculaire le début d'un basculement irréversible : la grande migration programmée vers la dématérialisation du jeu vidéo.

L'industrie en est en effet convaincue: adieu galettes, coffrets, DVD ou Blu-ray. Les joueurs achèteront bientôt leurs jeux en ligne et les téléchargeront sur leurs consoles, pour des parties solo ou multijoueurs.

À quelle échéance? Dans une confidence récente à Business Week, des dirigeants de Sony estimaient que, dans 10 ans, 90 % du business des jeux se ferait en ligne.