Depuis trois ans, Major League Gaming (MLG), la première ligue de jeux vidéo d'envergure nationale aux État-Unis, tente de faire du «sport virtuel» un phénomène de masse. En signant récemment un important contrat de télédiffusion avec la chaîne câblée USA Network, ses artisans croient avoir franchi un cap important, et rêvent maintenant de devenir le prochain NASCAR.

Depuis trois ans, Major League Gaming (MLG), la première ligue de jeux vidéo d'envergure nationale aux État-Unis, tente de faire du «sport virtuel» un phénomène de masse. En signant récemment un important contrat de télédiffusion avec la chaîne câblée USA Network, ses artisans croient avoir franchi un cap important, et rêvent maintenant de devenir le prochain NASCAR.

«La série NASCAR, à ses débuts, était très modeste, souligne Sundance DiGiovanni, président et fondateur de la MGL, joint en Californie. Mais de fil en aiguille, en recrutant les meilleurs pilotes, en mettant en scène des bolides incroyables et en rendant les courses dynamiques, les Américains sont devenus fous de cette série. C'est exactement ce que nous voulons faire.»

Obstinément en route vers la gloire, la ligue a enregistré sa toute première captation télé le week-end dernier, à New York, dans le cadre d'un de ses sept tournois nationaux. Pas moins de 1200 joueurs professionnels s'y sont affrontés sur fond de Halo 2, Tekken 5 et Super Smash Bros. Melee, le tout devant quelque 5000 spectateurs. Dans les semaines à venir, la ligue se déplacera à Dallas, Atlanta, Los Angeles, Philadelphie, Chicago et, finalement, Las Vegas.

Création d'un nouveau langage

Il faudra cependant attendre novembre et les vacances américaines du Thanksgiving pour admirer les performances de ces pros de la manette sur le petit écran. «Même si on avait voulu, il aurait été impossible de diffuser les matchs avant», affirme le président de la ligue.

«Nous avons enregistré une quantité phénoménale d'images réelles et virtuelles, et il faut monter le tout de façon à intéresser à la fois les gamers invétérés et les néophytes comme ma mère. C'est là que réside toute la difficulté», indique M. DiGiovanni.

Pour rendre ses matchs compréhensibles, la ligue devra d'abord créer tout un langage descriptif pour permettre aux auditeurs de suivre l'action. «Au hockey ou au soccer, tout le monde sait ce qu'est une passe ou un tir. Dans les jeux vidéo, ce n'est pas si évident, parce que le langage descriptif n'est pas tout à fait inventé et il reste à le standardiser», ajoute M. DiGiovanni.

Pour Raymond Gauthier, producteur de l'émission Gamerz, à Ztélé, la question du langage descriptif n'est toutefois qu'une difficulté mineure dans tout le processus de diffusion du sport électronique. «Au-delà du langage parlé, c'est tout le langage cinématographique qu'il faut créer, explique-t-il. C'est la même chose que pour le tout premier match de hockey présenté à la télé (en 1940, un match Canadiens - Rangers). Les artisans, à l'époque, ont dû se demander : 'Comment on filme ça? Où doit-on placer les caméras? Dans quel ordre doivent se succéder les images?'»

Pour ajouter à la complexité, dans un jeu vidéo, le nombre de caméras virtuelles qu'on peut placer n'importe où dans l'espace est presque infini. La rapidité du déroulement du jeu, conjuguée au fait que plusieurs endroits fermés, comme des tunnels, ne permettent pas d'obtenir une vue d'ensemble du jeu, rendent l'exercice d'autant plus difficile, ajoute M. Gauthier. «Il faut aussi trouver une façon de combiner les images virtuelles aux images réelles des joueurs, ce qui n'est pas si facile.»

Complexe mais inévitable

«Bref, c'est un défi très complexe. Mais compte tenu de la popularité croissante des jeux vidéo, leur apparition dans des lieux de diffusion de masse est inévitable, croit le producteur de Gamerz. D'autant plus qu'il y a une quantité phénoménale d'argent en jeu. L'industrie du jeu vidéo représente des milliards de dollars, et les fabricants de pièces n'hésiteront pas un seul instant à payer des fortunes en publicité pour faire parler d'eux à la télé.»

Mais dans le cas de la MLG, s'il faut en croire son président, la question des revenus publicitaires serait déjà un souci secondaire. «Ce qui m'intéresse maintenant, c'est de convaincre les grands médias de publier régulièrement dans leurs sections sportives les résultats des affrontements et les statistiques des meilleurs joueurs, lance M. DiGiovanni. Quand on en sera rendus là, on pourra dire qu'on aura réussi notre défi.»