L'Afghanistan a promulgué lundi une loi contre la cybercriminalité afin de limiter l'usage des réseaux sociaux par les insurgés talibans et ceux du groupe État islamique, au risque de raboter la liberté d'expression, craignent les associations.

La Loi sur le Cybercrime, signée par le président Ashraf Ghani, pénalise des activités comme le piratage informatique, l'apologie des divisions ethniques, la diffamation, la divulgation d'informations gouvernementales confidentielles et le cyberterrorisme.

«La loi compte 28 articles et permet de contrôler toutes les formes de cybercriminalité. Tous les coupables seront poursuivis et renvoyés en justice», a assuré mardi à l'AFP Najib Nangyal, porte-parole du ministère de la Justice.

L'Afghanistan demeure un pays majoritairement rural, mais les grandes villes abritent plus de 8,5 millions d'internautes, surtout présents sur les réseaux Twitter et Facebook, souvent les principaux moyens de communication - avant le courrier électronique ou le téléphone.

Sur la toile, les publications des insurgés islamistes le disputent aux potins et égoportraits, à coup de slogans et de photos choquantes d'otages, de victimes de guerre, de tortures ou de destructions.

Les talibans notamment, pourtant longtemps rétifs aux technologies modernes, ont développé leur savoir-faire et disposent maintenant d'une équipe de relations publiques très active sur Twitter, Facebook et internet en général: ce sont ces voies qu'ils privilégient pour diffuser leurs communiqués, annonces et revendications.

Cependant, ils sont encore loin d'atteindre le niveau de l'EI, de plus en plus présent en Afghanistan, et qui a tôt montré sa dextérité sur les réseaux sociaux, notamment pour attirer des milliers de combattants étrangers en Irak et en Syrie.

«Nous essayons de monter une force de police spécialisée dans la cybercriminalité. Le gouvernement veut aussi repérer, lister et bloquer les activistes (insurgés)», ajoute M. Nangyal.

Une association de défense de la presse, Nai, s'est néanmoins inquiétée de ce texte, qui pourrait entraver l'accès à l'information en Afghanistan, pays situé au 120e rang sur 180 pour la liberté de la presse, selon un classement de Reporter sans Frontières, ce qui en fait le mieux placé de la région.

«Après l'avoir étudiée, nous estimons que cette loi va entraver la liberté d'expression», estime Nai dans un communiqué dénonçant les termes «vagues» de la loi qui ouvrent, selon l'association, la voie à des abus.