La décision coup-de-poing du CRTC, qui a littéralement charcuté, en octobre dernier, les tarifs internet de gros jugés «déraisonnables», commence à porter ses fruits. Plusieurs fournisseurs indépendants ont annoncé des tarifs revus à la baisse ou, le plus souvent, ont gonflé les limites de téléchargement. Tour d'horizon.

UNE GIFLE AUX GROS FOURNISSEURS

Le 6 octobre dernier, après des mois de consultations, le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes (CRTC) a fait toute une fleur aux entreprises indépendantes offrant des connexions internet haute vitesse. Celles-ci redistribuent essentiellement à leurs clients le signal que leur vendent les fournisseurs importants comme Bell, Rogers et Vidéotron.

Or, ces prix de gros n'étaient « ni justes ni raisonnables » et ne permettaient pas aux indépendants d'accaparer leur part de marché, a estimé en substance le CRTC. L'organisme a donc imposé de façon provisoire une baisse spectaculaire de ces tarifs. Celle-ci peut aller jusqu'à 89 % pour la composante « transport », qui représente grosso modo la moitié des coûts de signaux pour les indépendants. Là où certains facturaient, par exemple, jusqu'à 2000 $ par bloc de données (une « tranche de capacité de 100 Mbps » dans le jargon), on a imposé un tarif de 395 $.

Fait à noter, le CRTC doit encore établir une grille de tarifs complète sur les coûts d'une autre portion des coûts, dite « fixe ».

PLUIE D'OCTETS POUR LES INTERNAUTES

Malgré le caractère intérimaire de la décision du CRTC - aucune échéance n'a été fixée -, de nombreux fournisseurs indépendants au Québec ont décidé de modifier leurs offres à leur clientèle. TekSavvy, B2B2C, NJ Albert et Vif Internet, entre autres, ont choisi cette stratégie.

« Ce que ces entreprises ont surtout fait, jusqu'à maintenant, ce n'est pas une avalanche de forfaits à très bas prix, mais plutôt une augmentation des limites de téléchargement », note Jean-Philippe Béique, président d'Ebox, un fournisseur indépendant de Longueuil qui compte quelque 60 000 clients.

« Il y en a qui ont éliminé leur forfait de base et ne proposent que de l'illimité ou presque, d'autres ont opté pour des baisses jusqu'à 15 % des tarifs. C'est un premier jet, c'est intéressant. » - Jean-Philippe Béique

Ebox, précise M. Béique, « n'a rien à annoncer à La Presse pour l'instant » et rappelle que la décision du CRTC est intérimaire. 

« On suit la situation de très près, on a de grosses annonces qui s'en viennent qui vont être très intéressantes. »

L'un des premiers à réagir à l'annonce du CRTC, dès octobre, a été B2B2C, une entreprise de Laval fondée il y a deux décennies et qui dessert quelque 45 000 résidences au Québec.

« On fait un ajustement prudent, on s'est gardé une petite gêne, en bon québécois, explique Gilles Pichette, président. Si le CRTC maintient ses tarifs bas, on va revenir avec un autre ajustement plus agressif. »

Essentiellement, on a surtout offert des limites de téléchargement plus alléchantes aux clients qui avaient une consommation basse de données. « On veut donner de l'espace à respirer pour nos clients qui sont de petits consommateurs, qu'ils puissent utiliser Netflix et YouTube, bref une utilisation normale aujourd'hui », indique le président.

UN REMANIEMENT « UNIQUE »

Fin décembre, un autre fournisseur indépendant, TekSavvy, a annoncé lui aussi à ses quelque 250 000 clients québécois et ontariens qu'ils allaient profiter de la décision du CRTC. Pour l'entreprise, dont le siège social est à Chatham, en Ontario, ce chambardement de sa grille tarifaire est « une première », dit son président, Marc Gaudrault. Il n'a cependant pas donné d'indications précises sur ces nouveaux tarifs, qui seront rendus publics aujourd'hui.

« Vous allez voir, c'est significatif, assure-t-il en entrevue. Nous avons senti que la bonne chose à faire était de refiler tout de suite les économies à nos clients, tout en demeurant prudents. Mais nous ne croyons pas que ce soit dans les habitudes du CRTC de rendre des décisions qu'ils vont complètement revirer de bord ensuite. »

QUELQUES FORFAITS INTERNET «AMÉLIORÉS»

TEKSAVVY

Un des plus importants fournisseurs internet indépendants au Canada, essentiellement concentré au Québec et en Ontario, TekSavvy annoncera aujourd'hui une refonte complète de sa grille tarifaire. En entrevue la semaine dernière, son président, Marc Gaudrault, a tout au plus promis « plus de données pour les clients actuels, quelques surprises, des nouveaux forfaits avec plus de données ». Fin décembre, La Presseannonçait des économies entre 2 $ pour une connexion câblée avec limite de 150 Go et 13 $ pour un branchement DSL illimité. Présentement, l'entreprise offre parmi ses forfaits les plus populaires l'internet par câble à une vitesse de 10 Mbps et téléchargement illimité pour 54,95 $. La même offre en DSL coûte 47,99 $.

B2B2C

Ce fournisseur de Laval a mis sur le marché, en octobre, des forfaits proposant des « augmentations de capacité qui n'auraient pas été envisagées sans la décision par le CRTC », précise son vice-président au marketing Stéphane Brais. Les forfaits câblés avec limite de 100 Go sont passés à 150 Go, ceux de 250, à 400 Go et ceux à 400 Go sont devenus illimités. Du groupe, celui offrant une vitesse de 10 Mbps et un téléchargement illimité est considéré comme le plus populaire et est offert à 39,95 $. À titre comparatif, la même connexion avec une limite de 25 Go est offerte à 46,95 $ chez Vidéotron, avant les divers rabais.

VIF INTERNET

Le 16 décembre dernier, ce fournisseur indépendant dont le siège social est à Montréal a annoncé une gamme de nouveaux produits internet. Pour 44,95 $, on offre désormais une vitesse de 15 Mbps (par câble ou combinaison fibre-ligne téléphonique) avec téléchargement illimité. Le même forfait avec vitesse de 50 Mbps est à 69,95 $. Si une vitesse de 5 Mbps vous suffit, il en coûte 34,95 $. C'est 25 $ de moins que la « compétition », selon les estimations de Vif Internet.