La justice américaine a tranché jeudi en faveur de Google dans une bataille sur les droits d'auteurs vieille de huit ans autour du projet de numérisation de livres du géant de l'internet.

Le juge new-yorkais Denny Chin a rejeté un recours déposé en 2005 et soutenu par le Syndicat des auteurs (Authors' Guild) américain, dans lequel les détenteurs des droits sur trois livres reprochaient au groupe de les avoir scannés sans leur autorisation dans le cadre de son projet Google Books.

Ce projet, lancé en 2004, consiste à numériser des livres à grande échelle; plus de 20 millions d'ouvrages ont déjà été scannés.

Certains sont toutefois encore soumis au droit d'auteur. Google a réglé certains des litiges à l'amiable, avec par exemple un accord l'an dernier avec l'association des éditeurs américains AAP.

La décision de la justice américaine est importante car la plainte était de nature à faire jurisprudence.

Le juge Chin a estimé jeudi que Google Books représentait une «utilisation équitable», qui respecte l'esprit de la législation sur les droits d'auteurs, à savoir protéger suffisamment les auteurs pour encourager leur activité créatrice, tout en permettant à des tiers d'utiliser leurs oeuvres pour faire avancer les arts et les sciences.

«Google Books ne remplace pas ni ne supplante les livres parce que ce n'est pas un outil utilisé pour lire des livres. À la place, il "ajoute de la valeur à l'original"», estime le juge dans sa décision.

Google a passé des accords avec une série de bibliothèques qui l'ont autorisé à scanner leurs ouvrages, en échange d'une copie des versions numérisées.

Le groupe internet conserve aussi des copies dans ses serveurs. Il les utilise pour son site books.google.com qui permet de rechercher un mot dans le corps de l'ensemble de la base d'ouvrages. L'internaute obtient une liste d'oeuvres, éventuellement de brefs extraits, et des informations sur les endroits où ils peuvent être achetés ou empruntés.

Un outil pour les chercheurs et la préservation des oeuvres

La grande majorité (93%) des oeuvres ne sont pas des fictions mais des biographies, des livres de cuisine, des dictionnaires, des traités ou d'autres oeuvres universitaires ou de référence.

«Google Books est devenu un outil important pour les chercheurs et les libraires» et «élargit l'accès aux livres», par exemple en facilitant leur conversion en formats audio ou tactiles adaptés aux handicapés, a fait valoir jeudi le juge. Il «préserve les livres et donne une nouvelle vie» à des ouvrages anciens et épuisés, qui représentent d'ailleurs une grande partie des oeuvres numérisées.

Le juge a relevé par ailleurs que Google ne vendait pas lui-même les livres scannés.

Le groupe s'est dit «absolument ravi» de la décision, qui confirme que son projet «respecte la législation et fonctionne comme un catalogue (...) donnant à ses utilisateurs la possibilité de trouver des livres à acheter ou emprunter», a souligné une porte-parole.

L'association américaine du secteur technologique CCIA a aussi salué «une justification des technologies transformatrices sur internet».

Le Syndicat des Auteurs a annoncé en revanche vouloir faire appel, son directeur exécutif Paul Aiken évoquant «un défi fondamental pour les droits d'auteurs». Pour lui, «de telles numérisation et utilisation de masse dépassent de loin les limites de l'utilisation équitable».

Google est un habitué des batailles autour des questions de droits d'auteurs, pour Google Books mais aussi d'autres services.

La Commission européenne a encore révélé jeudi avoir reçu une plainte du Cepic (Centre of the Picture Industry), qui représente des agences de photographie et de banques d'images, au sujet du service de recherche d'images du groupe internet.

Google a aussi croisé le fer avec les éditeurs de presse de plusieurs pays, les réglant parfois à l'amiable comme avec l'accord annoncé en février en France et prévoyant la création d'un fonds de 60 millions d'euros.

Nouvelle plainte à Bruxelles contre Google

Une nouvelle plainte contre Google a été déposée la semaine dernière auprès de la Commission européenne, qui enquête déjà sur des pratiques anticoncurrentielles du géant internet concernant la recherche et la publicité en ligne, selon le site internet du plaignant consulté jeudi par l'AFP.

La plainte, qui vise en particulier le service Google Images, a été déposée le 8 novembre par le Cepic (Centre of the Picture Industry), un groupe d'intérêt qui fédère des centaines d'agences de photographie et de banques d'images en Europe, comme Getty Images et Corbis.

Le Cepic accuse Google Images «d'utiliser de plus en plus des images sans le consentement des ayants droit, et parfois même contre leur volonté expresse».

«Depuis la nouvelle version de Google Images en janvier 2013, la situation a empiré: Google propose sur son site des images à taille réelle et en haute résolution, et permet à ses utilisateurs de les télécharger sans même avoir besoin de cliquer sur le site original d'où proviennent les images», explique le Cepic.

Par cette pratique, Google «bénéficie des investissements des ayants droit et les fournisseurs d'images sont à leur tour privés des fruits de leur travail», dénonce le Cepic sur sa page internet.

«Les photographes et les propriétaires de site internet ont le contrôle total de leurs images. Ils peuvent choisir ou non d'être inclus dans la recherche d'images (de Google) ou dans le recherche sur internet», a réagi Al Verney, un porte-parole du géant américain dans un communiqué.

C'est à la Commission européenne de décider si la plainte est recevable. Si c'est le cas, cela alourdirait un peu plus le dossier de Google, qui fait déjà l'objet d'une enquête pour abus de position dominante depuis novembre 2010.

Mercredi, de nombreux éditeurs de presse européens ont appelé la Commission à rejeter les dernières propositions de remèdes présentées par Google en vue d'une clôture de l'enquête, estimant qu'elles ne faisaient que «réduire encore plus la concurrence» sur le marché de la recherche en ligne.

Google est accusé en particulier de mettre en avant ses propres services au détriment des autres moteurs de recherche spécialisés, par exemple dans les restaurants ou la géolocalisation.

La Commission a adressé un questionnaire aux acteurs du marché sur les remèdes proposés par Google et les griefs des éditeurs européens seront «pris en compte», a indiqué jeudi le commissaire européen à la Concurrence, Joaquin Almunia, au cours d'une conférence de presse.

Si l'analyse des commentaires «est positive, nous prendrons une décision faisant en sorte que les engagements (de Google) soient contraignants», a-t-il dit. «Si nous pensons que le résultat de l'analyse est négatif, nous aurons une décision d'interdiction» des pratiques visées par la plainte, a-t-il ajouté.