L'entrée en Bourse annoncée de Twitter marque-t-elle la fin de l'ère de l'internet social ou son commencement? La grande question désormais porte sur la croissance et l'innovation encore possibles dans ce secteur.

«L'entrée en Bourse de Twitter est un symbole que ce secteur arrive à sa fin, et que les investissements futurs se feront dans des secteurs que nous ne connaissons pas encore», estime auprès de l'AFP Trip Chowdhry, analyste chez Global Equities Research. Pour lui, ce sera la dernière mise en Bourse dans l'internet social.

Charlene Li, du cabinet Altimeter Group, voit aussi un climat de «dernière chance» autour de l'opération, que le groupe a confirmé préparer jeudi dernier.

«Dans l'écosystème des réseaux sociaux, Twitter est considéré comme incontournable (...) et c'est le seul acteur majeur qui reste à prendre. YouTube (qui permet de mettre des vidéos en ligne et a été racheté par Google), LinkedIn et Facebook (déjà en Bourse) sont tous déjà casés», explique-t-elle sur son blogue.

Mais d'autres experts des réseaux sociaux disent que Twitter et les autres n'ont fait jusqu'ici que gratter la surface comparé au potentiel du secteur.

«Nous sommes loin de la fin de l'innovation», assure Daniel Odio, un dirigeant de la société internet californienne Share This, qui a participé à plusieurs start-ups dans le secteur technologique.

«Nous sommes encore au Moyen-Âge du social, il y a tant d'opportunités», estime-t-il. «Toute notre existence est basée sur le partage (d'informations), mais numériquement nous n'avons pas encore déchiffré le code. Facebook l'a fait en partie, et Twitter a créé la possibilité de trouver des gens qui ne sont pas nos amis mais qui partagent un intérêt commun».

Dans un rapport publié en 2012, le cabinet de conseil McKinsey jugeait lui aussi que les réseaux sociaux pouvaient augmenter leur productivité et permettre de «dégager de la valeur» à hauteur de 900 à 1300 milliards de dollars dans des segments clés de l'économie mondiale, en améliorant la communication, le partage de connaissances et la collaboration à l'intérieur et à l'extérieur des entreprises.

«Alors que 72% des entreprises utilisent les technologies sociales d'une manière ou d'une autre, très peu en retirent la totalité des bénéfices potentiels. En fait, les applications sociales les plus puissantes dans l'économie mondiale sont largement inexploitées», estimait le rapport.

De l'outil de bouche à oreille au vrai média

Twitter revendique plus de 200 millions d'utilisateurs actifs, mais certains analystes estiment le nombre plus proche de 500 millions et en forte croissance, le site devenant une plateforme clé pour les célébrités, les hommes politiques ou les journalistes.

La publicité, à laquelle Twitter s'est ouvert en 2010 en autorisant les annonceurs à publier des tweets «sponsorisés» dans le fil d'actualité de ses utilisateurs, devrait par ailleurs lui rapporter 582,8 millions de dollars cette année et près d'un milliard en 2014, selon des estimations de la société de recherche eMarketer.

Avec le succès, Twitter «a perdu un peu de sa saveur de base», reconnaît Olivier Toubia, un professeur d'économie de l'université de Columbia également co-auteur d'une étude sur le site parue dans le journal «Marketing Science».

Depuis son lancement en 2006, le réseau a évolué pour devenir un média plus grand public, similaire en certains points à la télévision, juge-t-il. «Il a moins de valeur comme outil de bouche à oreille et de marketing viral, mais davantage comme média», indique-t-il à l'AFP. «C'est devenu un moyen pour les entreprises de toucher des consommateurs, de diffuser du contenu avec de faibles barrières à l'entrée».

Le professeur voit encore d'importantes opportunités pour les médias sociaux.

«Facebook et Twitter ont montré qu'il était possible de mettre en contact des gens dans le monde entier», mais «les consommateurs ne peuvent pas interagir avec des millions de personnes en même temps», souligne-t-il.

Pour lui, «il y a beaucoup d'opportunités pour de plus petites niches de médias sociaux qui répondront à des besoins différents et relieront les gens sur une plus petite échelle, de manière plus sérieuse».