Avec ses vidéos humoristiques et ses listes insolites, BuzzFeed fait l'envie de bien des entrepreneurs web. Même les médias traditionnels lorgnent du côté de ce site américain qui a attiré 85 millions de visiteurs uniques le mois dernier.

Son application iPhone se retrouve souvent au premier rang des applications mobiles d'information les plus populaires et sa chaîne YouTube génère environ 50 millions de visionnements chaque mois.

Rentable pour la première fois depuis sa création en 2006 (selon son président-fondateur Jonah Peretti qui ne dévoile toutefois aucun chiffre), BuzzFeed mêle l'absurde et le journalisme d'enquête avec beaucoup de succès.

Tout est dans la présentation

«Tout est dans la façon de présenter l'information, explique-t-il en entrevue à La Presse. L'approche est inspirée par le contenu: listes, galeries de photos, vidéos, longs reportages. On peut avoir un contenu intéressant mais s'il est mal présenté, il ne sera pas partagé. La qualité, ce n'est pas tout.»

De passage à Montréal hier dans le cadre de la journée RDV Média Infopresse, Jonah Peretti est venu parler de ce qu'il connaît le mieux: l'économie du partage. Il faut dire que la majorité du trafic sur le site BuzzFeed (75%) vient du partage de contenus du site sur des plateformes comme Facebook, Twitter, Tumblr et Pinterest.

Pourquoi les gens partagent-ils des contenus? «Parce qu'ils s'emmerdent au travail», estime Jonah Peretti, mi-blagueur, qui emploie l'expression BWN (Bored at Work Network). Avoir compris la dynamique du partage sur le web serait donc une des clés du succès de BuzzFeed.

Pour certains, l'approche BuzzFeed est ce que le web fait de pire; mais pour d'autres, de plus en plus nombreux, elle représente l'avenir des médias.

«Nous nous sommes adaptés à l'évolution du web, explique Jonah Peretti, un diplômé du Media Lab du MIT qui a toujours été fasciné par les phénomènes viraux. Au début du web, il y avait les portails, puis les moteurs de recherche. Aujourd'hui, nous sommes à l'ère du web social. Au départ, les gens disaient de Twitter et de Facebook qu'ils ne servaient qu'à montrer des photos de notre petit-déjeuner. Puis il y a eu le printemps arabe et, depuis, les gens utilisent ces plateformes pour partager des contenus sérieux. BuzzFeed s'inscrit tout à fait dans cette évolution. Il faut comprendre les différentes plateformes pour comprendre la dynamique du partage.»

Jonah Peretti estime que les contenus que nous partageons sur Facebook et Twitter sont intimement liés à notre identité. «Nous sommes passés de l'ère des «plaisirs coupables» à l'ère du contenu sérieux dans les réseaux sociaux, observe-t-il. Aujourd'hui, on veut partager des contenus qui nous représentent, qui envoient une bonne image de nous.»

En quête de crédibilité journalistique

En 2011, BuzzFeed a décidé de jouer sur le terrain des médias dits «sérieux» en offrant à ses lecteurs une section politique et des nouvelles de dernière heure. L'embauche du réputé blogueur Ben Smith, du site Politico, puis de journalistes du Guardian et du New York Times a envoyé un signal clair: BuzzFeed a bien l'intention de se construire une crédibilité journalistique malgré ses vidéos de chats.

«Les gens vont nous juger à la pièce, croit Jonah Peretti. Les médias traditionnels ont mis des années à bâtir leur crédibilité avec des enquêtes comme le Watergate. Aujourd'hui, le web va vite. Un bon article voyage à travers le monde car tout le monde veut le partager. Ça ne devrait pas nous prendre 100 ans pour établir notre réputation de média sérieux.»

> Fondée en 2006 par Jonah Peretti, cofondateur du Huffington Post

> 85 millions de visiteurs uniques en août dernier

> Plus de 300 employés, dont des anciens journalistes de Politico, du Guardian, de Rolling Stone Magazine, de Spin...

> Des bureaux à New York, Los Angeles et Londres, bientôt en Australie et éventuellement en Afrique.

> BuzzFeed lorgne du côté de la francophonie et devrait lancer une section française au courant de 2014.