Si l'«affaire Oasis» n'a pas surpris les experts en médias sociaux, elle risque de donner tout un électrochoc aux entreprises qui ne sont pas préparées à absorber un tel tsunami virtuel.

La raison? Les réseaux sociaux se démocratisent rapidement et sont de moins en moins l'apanage d'une catégorie d'individus ultrabranchés. Et il suffit d'une étincelle pour faire éclater le baril de poudre populaire, explique Bruno Guglielminetti, grand maître québécois des nouvelles technologies et directeur chez National.

«Au Québec, on voit les réseaux sociaux devenir de plus en plus mainstream. Le public en général va faire part de ses commentaires et réactions sur ces plateformes», analyse-t-il.

«Ça fait longtemps qu'on met en garde les entreprises par rapport à tout ça. Jusqu'à maintenant, aucune crise importante n'avait touché une entreprise québécoise.»

Des erreurs

Toujours selon Bruno Guglielminetti, Lassonde a commis plusieurs erreurs au cours de la fin de semaine.

La première: ne pas s'être préparée adéquatement à ce genre de phénomène.

«Si Lassonde avait été un client de National, je lui aurais conseillé de se préparer, que le jugement ait été bon ou mauvais, a-t-il expliqué. D'un côté comme de l'autre, il y aurait eu des réactions.»

L'envoi d'un simple «accusé de réception» plusieurs heures après le début de la controverse était aussi une gaffe du côté de Lassonde, selon lui. «C'était trop tard», affirme-t-il.

Selon lui, l'entreprise aurait dû en profiter pour entamer un dialogue avec les internautes, par exemple avec un message vidéo enregistré par un dirigeant.

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Chronologie d'une controverse

5h L'article «Pas touche au mot "oasis"» est mis en ligne sur LaPresse.ca, le samedi 7 avril. Les abonnés du journal La Presse le reçoivent peu après sur le pas de leur porte.

9h Un internaute ouvre le bal sur la page Facebook de Lassonde. Les commentaires se multiplieront dans les heures qui suivent.

13h L'article «Pas touche au mot "oasis"» dépasse le cap des 1000 partages sur Facebook. À 14h30, le mot-clic #Oasis est le plus utilisé à Montréal.

17h Lassonde reconnaît l'ampleur de la vague de mécontentement sur sa page Facebook. À 18 h, le message de l'entreprise est mal accueilli par les internautes. En quelques dizaines de minutes, plus de 100 réponses négatives sont mises en ligne.

20h30 Lassonde plie. «C'est avec diligence, respect et dignité que Lassonde compte dédommager adéquatement madame Kudzman», écrit l'entreprise sur sa page Facebook.

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Écrasement virtuel pour Air Canada

En août 2010, le jeune Tanner Bawn, atteint de dystrophie musculaire, atterrit à l'aéroport La Guardia de New York avec sa famille. L'atterrissage n'est pas tout à fait réussi. «Air Canada a démoli le fauteuil roulant de Tanner. Nous sommes maintenant pris à La Guardia», écrit sa tante sur Twitter. Pendant les 24 heures qui suivent, aucune réaction publique du transporteur aérien. Un silence assourdissant, alors que les internautes se déchaînent sur la Toile. Le lendemain de l'incident, Air Canada a finalement annoncé que des ouvriers avaient réparé le fauteuil de Tanner dès sa sortie de l'avion. Mais le mal était fait. Pour s'excuser, Air Canada a rembarqué gratuitement le garçon, des membres de sa famille et son fauteuil à bord d'un de ses avions... vers Disneyland.

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Une décision peu payante pour Mastercard et Paypal

Décembre 2010. Le monde entier épluche les câbles diplomatiques américains secrets diffusés par Julian Assange et son Wikileaks. Avec son nom en manchette de tous les journaux, la mystérieuse organisation en profite pour demander l'aide financière du public afin de pouvoir continuer à rendre publics les secrets des puissants. Rapidement, l'entreprise de crédit Mastercard et le site de paiement PayPal coupent les robinets à WikiLeaks. Plus un don ne pourra transiter par ces entreprises. Des pirates informatiques prennent d'assaut les sites de ces entreprises, et la réaction sur Twitter ne se fait pas attendre. Les réseaux sociaux sont inondés de vives critiques en provenance de partout sur la planète.