C'est le site à la mode, même s'il existe depuis 2010, et il n'intéresse pas seulement les spécialistes des médias sociaux. De la mère au foyer au designer d'intérieur en passant par les collectionneurs de trains miniatures et même l'armée américaine, tout le monde ou presque a désormais son compte Pinterest.

Un nouveau réseau social? Une plateforme plutôt ou, si vous préférez, un babillard numérique qui permet à l'utilisateur, une fois qu'il a ouvert un compte, d'épingler (to pin) ses images préférées, selon ses intérêts (d'où le nom Pinterest). Du scrapbooking numérique, en quelque sorte. Qu'affiche-t-on sur Pinterest? Ce qui nous chante. Des images de maison de campagne, de talons aiguilles, de robes de mariée, etc. On peut regarder les babillards des autres en s'abonnant à leur compte et leur repiquer les images qui nous intéressent. Arianna Huffington ne dit-elle pas que nous sommes à l'ère de l'expression de soi?

On ne compte plus les médias traditionnels qui se penchent sur cette tendance à «épingler», du Wall Street Journal au New York Times en passant par Fast Company et Business Insider. Le site spécialisé Mashable a même qualifié Pinterest de site le plus «hot» de 2012 (oui, nous ne sommes qu'en février).

Il faut dire que les plus récentes statistiques ont de quoi faire rêver n'importe quelle entreprise en démarrage de Silicon Valley: le site attire 11,7 millions de visiteurs par mois aux États-Unis seulement - surtout des femmes - et génère davantage de circulation référentielle que Google+, YouTube, Reddit et LinkedIn réunis, selon Shareaholic.

Bref, on peut parler d'un véritable phénomène, même si, pour l'instant, il faut encore une invitation du site pour s'abonner et exposer ses propres images. Certains comparent Pinterest à Napster, où on pouvait échanger de la musique. Mais voilà: le concept de Napster ne respectait absolument pas le principe des droits d'auteur. Est-ce à dire que Pinterest encourage le viol de droits d'auteur? Ce n'est pas clair. Il faudrait qu'un photographe, par exemple, dépose une plainte pour que la justice tranche.

Est-ce que l'enthousiasme pour Pinterest va durer ou s'agit-il d'une mode passagère? «Il y a une tendance lourde qui nous oblige à prendre au sérieux cette nouvelle forme de service web, surtout auprès des femmes», a écrit le blogueur et conférencier québécois Benoit Descary sur son blogue la semaine dernière.

On voit d'ici toutes les possibilités qu'offre le site pour le commerce en ligne. Plutôt qu'une bête publicité, voilà que des objets nous sont proposés sans aucune pression par des amis ou des connaissances qui aiment les belles choses et les regroupent au même endroit. En cliquant sur l'image d'une robe, par exemple, on peut être dirigé vers deux endroits: un site qui nous expliquera comment en fabriquer une semblable ou encore un site transactionnel où on pourra se la procurer. Reste que pour l'instant, le côté «catalogue» de Pinterest n'est pas encore mis de l'avant.

Comment expliquer ce succès fulgurant? Deux raisons majeures. La première, suggérée par le journaliste techno du New York Times, David Pogue: «Contrairement à Facebook et à Twitter, on s'inscrit d'abord à Pinterest pour notre usage personnel. Le fait que les gens s'abonnent à nous ou pas n'est pas très important, car on ne diffuse pas de l'information; on rassemble des images qui nous inspirent», écrivait-il la semaine dernière. Vrai, le côté créatif de Pinterest explique sans doute une partie de son succès.

L'autre explication, drôlement pertinente, vient de Bianca Bosker, responsable de la section Techno de Huffington Post, qui se demande si nous ne sommes pas arrivés à un stade où nous en avons marre des autres. «Sur Pinterest, écrit-elle dans son blogue, plutôt que de dire «regardez-moi!», comme on le fait sur Twitter et Facebook, nous disons plutôt: «regardez ça!»» Vrai, en cette ère de narcissisme et d'autopromotion à outrance, ça fait du bien!