Les articles faits maison ont souvent été associés à des étiquettes peu élogieuses: du «macramé» en passant par le «phentex», les artisans ont dû défendre leur travail. Aujourd'hui, le web semble leur donner un deuxième souffle et une reconnaissance qui arrive à point.

Designer de vêtements, c'est à la fin d'un congé de maternité qu'Amélie Bryson a décidé qu'elle allait «quitter le travail en industrie» pour partir en affaires. Mère de trois enfants, elle a lu eBay pour les nuls en allaitant.

Elle n'aurait jamais envisagé que les choses se passeraient si bien pour elle. «Je savais à peine où était le bouton on-off de l'ordinateur, dit-elle en riant. J'ai appris assez vite!»

Trois ans plus tard, elle pourrait donner des cours sur la vente en ligne. Ses créations destinées principalement aux femmes enceintes lui permettent de gagner sa vie. Sur le site Etsy, la Mecque des artisans sur le web, les commentaires élogieux des acheteurs à son égard se multiplient.

Ils sont de plus en plus nombreux (surtout nombreuses!) à se tourner vers le web pour vendre leurs créations faites à la main.

Cindy Cantin s'est lancée il y a un an, en ouvrant sa boutique virtuelle Etsy. C'est là qu'elle vend les objets en feutre qu'elle fabrique dans son atelier du quartier Villeray, à Montréal.

Elle a vite réalisé que de Villeray au monde entier, il n'y a qu'un pas. Chaque fois qu'elle ouvre son ordinateur le matin, une surprise l'attend. Une journée, c'est un acheteur de l'Australie, le lendemain, un New-Yorkais qui s'intéresse à ce qu'elle fait.

La carrière de cette artisane montréalaise a en quelque sorte suivi le parcours inverse des entrepreneurs. À cause du web, ses ventes ont décollé à l'international avant de se faire localement.

«Mes clients viennent surtout des États-Unis, de la Californie et de New York, dit la jeune femme de 34 ans. Le web ouvre une fenêtre sur le monde, auquel nous, artisans qui débutent, n'avons pas accès. Ça ouvre un marché extraordinaire», dit celle qui vend également en boutique.

Blogueuse et artisane, Julia Vallelunga acquiesce. «Des fois, je me lève le matin et j'ai une commande qui vient de l'Australie. On se demande parfois comment les gens ont fait pour nous trouver.»

Au fil des mois, elle a développé des trucs pour se faire remarquer. Notant que les Américains sont plus enclins à acheter sur le web, elle s'est mise à contacter des blogueurs des États-Unis. «Certains blogueurs ont une grande portée. L'une d'elles, Anne Sage, a parlé de moi. Ça a généré des ventes et des boutiques américaines m'ont contactée», dit Julia Vallelunga, elle-même blogueuse sur le site alamodemontreal.com.

Sortir de son sous-sol

Propriétaire de la boutique Effiloché, sur la promenade Saint-Hubert, et active dans le milieu de l'artisanat depuis plus d'une vingtaine d'années, Ginette Verdone a constaté il y a environ cinq ans que les artisans s'activaient sur l'internet.

«Il y avait un grand réseau de gens qui se regroupaient, qui se rencontraient pour faire des choses ensemble, qui sortaient de leur sous-sol. Internet a énormément aidé les gens, le bouche-à-oreille y est exponentiel», dit-elle.

Plusieurs y ont trouvé une communauté. Ravelry, par exemple, est devenu le «Facebook du tricot», dit Ginette Verdone.

Elle croit que le web a «aidé à effacer l'image ringarde du fait main. La mode aussi a contribué à ça, on voit de plus en plus de choses fabriquées de manière industrielle qui imitent le fait main», note-t-elle.

Cindy Cantin croit que les artisans sont en grande partie responsables de ce regain de popularité. «Depuis quelques années, il y a tellement de qualité dans ce qui est fait que les gens sont plus portés à aller vers ces produits. Le web participe à ça. On est très loin du macramé», dit l'artisane.

Une vision partagée par Adam Brown, porte-parole du site Etsy. Il note qu'il y a un monde entre le «fait main» et le «fait maison» et que plusieurs «confondent les deux». «Il y a une différence entre une Ferrari que l'on fabrique à la main et notre grand-mère qui répare une paire de jeans!»