Le professeur Nguyen Hue Chi et ses collègues ont joué au chat et à la souris pour déjouer les cyberattaques contre leur site Internet, ouvertement critique de politiques du gouvernement vietnamien.

Ces aggressions, comme celles contre de nombreux blogues et sites politiquement sensibles, les observateurs en attribuent la responsabilité aux autorités communistes elles-mêmes. À l'évidence, estiment-ils, elles ont durci leur contrôle de la Toile.

«Il semble décidément que le Vietnam commence à suivre le modèle chinois», estime un diplomate sous couvert d'anonymat.

La Chine a imposé une vaste censure du Web, souvent surnommée par dérision la «Grande muraille» de l'Internet.

Au Vietnam, au moins 24 sites auraient été attaqués ces derniers mois, poursuit le diplomate. Parmi eux, Bauxite Vietnam, dont Nguyen Hue Chi est administrateur.

Le site est né en 2009, au plus fort des critiques contre des projets de mines de bauxite impliquant la Chine dans les hauts plateaux du centre. Les détracteurs des projets dénoncent des risques pour l'environnement, la sécurité du pays. Mais toucher à l'allié idéologique est tabou au Vietnam.

Les blogues et forums ont explosé depuis 2005 dans le pays. Et l'an dernier, même si une minorité encore de blogueurs s'attaquaient à des sujets sensibles, le gouvernement a clairement accru la répression des commentateurs internautes, estime l'un d'eux.

Pour Reporters sans frontières (RSF), le Vietnam est comme la Chine un «ennemi» de l'Internet. Human Rights Watch a récemment accusé Hanoï d'utiliser des moyens de plus en plus sophistiqués contre la cyberdissidence.

En juin, le géant américain Google se disait lui troublé par de nouvelles règles qui pourraient permettre au gouvernement vietnamien de bloquer l'accès à des sites internet et de suivre les activités des internautes.

Le ministère vietnamien des Affaires étrangères a rétorqué que l'idée était d'assurer une utilisation «saine» de l'internet, de protéger le public contre les contenus violents ou pornographiques. Il ne cesse de répéter que les inquiétudes pour la liberté d'expression sont infondées.

Hanoï a accru sa capacité de contrôle de l'Internet de manière «exponentielle», «parce que c'est le lieu où les dissidents se sont aussi déplacés», analyse pourtant Carl Thayer, de l'université australienne de New South Wales.

Selon lui, la Toile est d'autant plus surveillée qu'approche un congrès du Parti communiste au pouvoir.

Prévu début 2011, l'événement sera l'occasion de distribuer les postes stratégiques. Des documents-clés devraient être publiés pour commentaires peu avant et le Parti veut empêcher que la discussion «ne soit prise en otage» par la dissidence, estime l'expert.