L'exercice inusité lancé par cinq journalistes francophones qui s'étaient enfermés dans une résidence du Périgord, en France, pour voir comment on s'informe sur le monde avec Twitter et Facebook s'est terminé hier sans véritablement convaincre qui que ce soit.

Nombre de membres des médias ont critiqué cette semaine la méthodologie et l'intérêt du «Huis clos sur le Net», présenté par ses instigateurs comme une expérience importante pour étudier la manière dont l'information émerge sur les réseaux sociaux.

Les participants, venus de France, de Suisse, de Belgique et du Canada, n'avaient ni journaux, ni radio, ni télévision, ni dépêches d'agence pour s'informer. Qu'un ordinateur et des comptes de réseaux sociaux, excluant les flux d'informations des médias traditionnels.

Pierre Haski, fondateur du populaire site d'informations en ligne Rue89, figure parmi les sceptiques.

«Au début, j'ai trouvé que l'idée était très séduisante. Mais j'ai fini par conclure qu'ils n'allaient rien prouver du tout», souligne-t-il.

L'un des problèmes, note M. Haski, est que les médias traditionnels et les réseaux sociaux sont profondément imbriqués, la plupart des premiers alimentant les seconds de manière continue pour signaler les événements en cours.

Sans les roues

Déclarer, à titre expérimental, que les journalistes «en huis clos» ne pouvaient consulter que les liens référés par des usagers de Twitter ou Facebook ou carrément ne consulter aucun lien référé pour une journée revenait «à amputer le réseau d'une part de sa réalité». Comme tester une voiture sans les roues.

Le journaliste québécois Rémy Charest, sur le site Projetj.ca, a souligné pour sa part que l'exercice risquait d'en montrer «plus sur les journalistes présents que sur les réseaux eux-mêmes» puisque la qualité de l'information recueillie est fonction de la qualité des contacts.

«Twitter et Facebook ne sont pas des canaux «neutres» de diffusion, mais bien des canaux qui reflètent la nature d'un réseau personnel. Personne n'a tout à fait le même réseau ni dans la vraie vie ni sur l'internet», a-t-il souligné.

Le journaliste français Nour-Eddine Zidane, de France Inter, qui participait au huis clos, a déclaré hier lors d'un premier «debriefing» à la radio qu'il avait eu l'impression d'être «situé entre deux mondes» en raison des critiques entendues.

«Du côté de ceux qui maîtrisent les réseaux sociaux, nous étions un peu vus comme les suppôts des grands méchants médias qui veulent discréditer tous ces nouveaux outils; et de l'autre côté, certains journalistes des médias traditionnels considéraient ça comme une expérience tout à fait futile, avec ces réseaux sociaux dans lesquels on ne peut avoir confiance ou qui relayent des fausses rumeurs», a-t-il relaté.

»Loft Story radio»

Faisant écho à ces propos, un journaliste suisse s'est moqué du huis clos dans une lettre ouverte au quotidien Le Monde, le comparant à une sorte de «Loft Story radio», en référence à la populaire émission de téléréalité.

Les réseaux sociaux, a souligné Marc Schindler, sont rapides pour diffuser l'information, mais ils sont peu fiables puisque les participants échappent aux contraintes déontologiques propres au milieu journalistique.

Pierre Haski pense qu'il serait intéressant de renverser les paramètres de l'expérience. «Quelqu'un suggérait ce matin sur Twitter d'enfermer dans une maison des gens qui s'informent uniquement avec les réseaux sociaux pour les contraindre à lire uniquement Le Monde, Libération ou d'autres journaux pour voir comment cela affecte leur vision du monde. L'idée est amusante», dit-il.