16 h. Les cloches de l'école sonnent. Pour le commun des ados, c'est le retour à la maison, mais surtout, le moment de retrouver ses cyber-amis. On allume l'ordi, on avale une pizza-pochette et c'est (re) parti pour des heures de clavardage (ou chat en anglais), lors desquelles Roméo, Juliette & Cie balancent les règles de grammaire apprises durant le cours de français.

16 h. Les cloches de l'école sonnent. Pour le commun des ados, c'est le retour à la maison, mais surtout, le moment de retrouver ses cyber-amis. On allume l'ordi, on avale une pizza-pochette et c'est (re) parti pour des heures de clavardage (ou chat en anglais), lors desquelles Roméo, Juliette & Cie balancent les règles de grammaire apprises durant le cours de français.

Une question de style, soutiennent les principaux intéressés, mais surtout une question de rapidité et d'efficacité.

«Quand tu chattes avec 70 personnes en même temps, tu n'as pas le temps de mettre les accents ou de taper les mots tout au long, alors tu les abrèges pour sauver du temps», explique Nicole St-Jean, une étudiante en troisième secondaire à l'école secondaire St-Joseph de Hull.

Accroe au clavardage, Nicole avoue passer plusieurs heures par jour sur l'ordinateur avec ses amis. Sa situation est loin d'être marginale. Avec deux autres étudiantes de sa classe, Ariane Joannis et Stéphanie Ahuanlla, la jeune fille effectue un travail de recherche pour découvrir les raisons qui motivent les jeunes à passer autant de temps à clavarder. Un petit sondage-école leur a permis de constater que des 32 élèves de leur classe, seulement trois avouent ne pas clavarder.

«Aujourd'hui, lorsque tu rencontres quelqu'un, tu ne lui demandes pas s'il a le logiciel MSN, mais plutôt quel logiciel MSN il a, constate Ariane. Les gens aiment chatter, parce que ça permet de communiquer avec plusieurs personnes en même temps, contrairement au téléphone.»

De là à dire qu'aucune règle ne régit l'univers du clavardage, il y a un pas à ne pas franchir. Au contraire, les ados, principaux adeptes des logiciels de communication sur Internet tels que MSN, tapent une langue que seuls les initiés arrivent à déchiffrer.

La langue «clavardée» est donc un mélange de code Morse, de sténo et d'acronymes, où les mots s'écrivent souvent selon leur sonorité. Musique, devient «muzz», salut s'écrit «Stl» et CBR signifie «crampé ben raide». Puis, il y a les codes secrets pour signaler in extremis la présence d'un parent aux alentours, tel que POS, l'acronyme de «Parents over shoulder».

Effritement de la langue ?

À première vue, la langue qu'utilisent les jeunes sur Internet semble sonner le glas au français écrit dans les règles de l'art. Pourtant, aucun des linguistes interviewés n'est prêt à endosser la corrélation entre l'appauvrissement de la langue et la popularité du clavardage.

La professeure en linguistique spécialisée dans le langage des jeunes à l'Université de Toronto, Sali Tagliamonte, constate que l'utilisation des mots abrégés et modifiés et des acronymes, lors de séances de clavardage entre jeunes, demeure insignifiante. Mme Tagliamonte effectue actuellement une étude sur le cyberlangage entre adolescents, la seule du genre au Canada. Auprès d'un groupe composé de 50 jeunes âgés de 16 ans, elle analyse des conversations de clavardage que ceux-ci ont accepté de lui remettre. Celles-ci ont été écrites avant même que les jeunes ne soient mis au courant de l'étude.

«Oui, on retrouve des mots différents ou tronqués, mais ceux-ci ne comptent que pour 3 % des conversations écrites, constate-t-elle. La grammaire n'est peut-être pas exacte, mais la présence des mots inventés ou autres demeure minime.

«Ça suggère que la langue sur MSN est plus conservatrice qu'on ne le croit et qu'au contraire, la langue parlée est finalement plus innovatrice.»

Selon elle, la tendance à former des acronymes n'est pas l'apanage des jeunes et du clavardage.» Tout le monde utilise des acronymes, c'est une tendance naturelle qu'ont les gens.»

On peut penser aux mots ordinateur (ordi), réfrigérateur (frigo), curriculum vitae (CV), post-scriptum (PS), etc.

La directrice au département de linguistiques à l'Université d'Ottawa, Marie-Hélène Côté, ne croit pas, pour sa part, que le langage propre au clavardage, qui emprunte notamment plusieurs mots de l'anglais, constitue pour autant une menace à la langue française.

«Il serait absurde de considérer que les emprunts à l'anglais dénaturent le français. Ils participent à son évolution, c'est tout. Il faut arrêter de voir dans une certaine forme de 'pureté' de la langue une quelconque vertu. Cette pureté, de toute façon, est illusoire : le français n'est-il pas, en gros, que du mauvais latin ?», fait-elle valoir.

Pour la jeune clavardeuse Stéphanie, il n'y a pas de confusion des genres : il y a la langue de Molière, qu'on utilise pour les devoirs, et celle issue du clavardage, qu'il est impératif d'employer sur Internet et lorsqu'on écrit des lettres à d'autres copines durant le cours de géographie.

«Quand je chatte, j'écris mal, mais quand c'est le temps d'écrire un devoir, j'écris bien. Je sais faire la différence entre les deux formes de langage», explique la jeune clavardeuse.

La professeure de français en troisième secondaire à l'école secondaire St-Joseph de Hull, Caroline Malo, constate cependant que de plus en plus d'élèves font sauter les accents et tronquent certains mots.

«À mon grand désespoir, les jeunes oublient souvent de mettre les accents, je dois leur rappeler constamment, puis ils écrivent de façon abrégée, par exemple, le mot pourquoi devient «pkoi» et quelqu'un s'écrit «qqn». Il faut les encourager à écrire bien, parce que sinon ils vont perdre la langue écrite», croit Mme Malo.

Jouer au «ch@t» et à la souris

- Login : Roméo : Hey ! Slt !

- Juliette : Sa va ?

- Roméo : Wi twa ?

- Juliette : p.p kes tu fa ?

- Roméo : Po gran choz. pi 2a koi de 9 ?

- Juliette : Jecout dla muzz !!

- Roméo : Koul !!!!

- Juliette : A pi 2main tu vx tu vnir ché ns ?

- Roméo : A ouais pr finir le travail d'école.

- Juliette : KK on sorjoin a 5 h ché vs.

- Roméo : K bye jdoi aller manger...

- Juliette : dac... chow... G2G

- Roméo : xox

- Juliette : lol

- Roméo : JTM

En français

- Entrée dans le système : Roméo : Salut !

- Juliette : Ça va ?

- Roméo : Oui toi ?

- Juliette : Pas pire. Qu'est-ce que tu fais ?

- Roméo : Pas grand-chose. Et toi quoi de neuf ?

- Juliette : J'écoute de la musique.

- Roméo : Cool !

- Juliette : Demain, voudrais-tu venir chez moi ?

- Roméo : Oui, c'est pour terminer le travail à l'école.

- Juliette : Ok, on se rejoint à 5 h chez toi.

- Roméo : Ok au revoir, je dois aller manger.

- Juliette : D'accord. Ciao ! Je dois y aller aussi.

- Roméo : xox (signe d'affection)

- Juliette : lol (rire)

- Roméo : Je t'aime.

Guide pour décoder le cyberlangage d'ados

- MSN : Logiciel populaire pour s'adonner à une sécance de clavardage.

- POS : Acronyme de «Parents Over Shoulder» utilisé lors d'une séance de clavardage surveillée par un adulte.

- P911 : Même principe que POS pour «Parents are coming» en français «Les parents s'en viennent».

- Slt : Salut.

- Wi : Oui.

- Twa, toé, touer, 2a : Toi.

- Koi ou Kwa : Quoi.

- 9 : Neuf, commme dans l'expression : «Quoi de 9 ?».

- p.p. : Pas pire.

- Kes-tu : Qu'est-ce que tu...

- Po : Pas

- Choz : Chose, comme dans l'expression : «Po gran choz».

- Pi : puis.

- Muzz : Musique.

- Koul, kool, coul, kewl : Termes utilisés pour remplacer le très conventionnel «Cool».

- 2main : Demain.

- KK : Ok.

- Dac : D'accord.

- Chow : Emprunté de l'italien «Ciao !» qui signifie «Au revoir».

- G2G : Acronyme de «Got to go»" qui signifie «Je dois partir».

- XOX : signe d'amitié à la fin d'une conversation.

- lol : Acronyme de «lots of laughs» ou «laugh out loud» ou en français : «rire à voix haute».

- MDR : Acronyme de «Mort de rire».

- CBR : Acronyme de «Crampé bien raide».

- ROFL : Acronyme de «rolling on floor laughing» ou en français : «Permettez-moi de me rouler à terre».

- BRB : Acronyme de «be right back», qui signifie «de retour bientôt».

- U : You.

- RU : De l'anglais «are you».

- NM : De l'anglais «nothing much».

- JTM ou CHTM : je t'aime.

- Chu : je suis.

- TK ou 2K : En tous les cas.

- Ethx : De l'anglais «Thanks» ou en français «merci».

- OGM : Acronyme de «Oh my God» ou en français «Ô mon Dieu».

- Fds : Fin de semaine.

- w00t ! : Expression utilisée lorsqu'on joue en réseau à des jeux vidéos pour exprimer une émotion intense. Pourrait être l'acronyme de l'expression : «we own other team» ou encore être simplement une déformation du mot «what».