Le seul logiciel produit par une entreprise québécoise et vendu en magasin, Antidote, a fêté récemment ses 20 ans. Et son histoire à succès ne semble pas près de s'éteindre.

« Quand je vais dans les congrès de l'Association québécoise des technologies (AQT), je suis le seul dans ma situation », constate André d'Orsonnens, cofondateur et chef de la direction de Druide informatique.

L'entreprise a été fondée en février 1993 et a mis un peu moins de quatre ans à créer la toute première version d'Antidote, lancée à l'automne 1996. À l'époque, il entrait en compétition avec deux autres logiciels québécois, Hugo et Le Correcteur 101. Le président de Druide, Éric Brunelle, avait quitté Machina Sapiens, l'éditeur du Correcteur 101, en mauvais termes et s'estimait capable de faire mieux.

M. d'Orsonnens, alors avocat au défunt cabinet Heenan Blaikie et ami depuis qu'ils ont 14 ans, lui suggère de monter un plan d'affaires, auquel il ajoute son grain de sel. Plutôt que de faire un « simple » correcteur, Antidote se démarquera de la concurrence en devenant une trousse d'outils complète pour l'aide à la rédaction du français.

« J'ai toujours voulu être tout seul dans mon marché. »

C'est plus vrai que jamais maintenant. Antidote survole le marché francophone et, depuis le lancement de sa plus récente version, en novembre 2015, il est aussi présent dans le marché anglophone, où il n'a pas non plus d'équivalent.

Malgré la tentation, l'entreprise d'environ 70 employés compte prendre son temps dans la pénétration des marchés anglophones, avec une stratégie bien établie : d'abord attendre que ses clients commerciaux québécois convainquent leurs sièges sociaux ou leurs filiales en marchés anglophones de se joindre à la parade, puis que ces employés anglophones deviennent accros et porteurs de bonne nouvelle.

Des revenus en hausse de 35 %

« Le pied linéaire est très difficile à obtenir dans les magasins, rappelle M. d'Orsonnens, et il faut leur offrir un fort taux de roulement. » Si Antidote ne devait pas s'écouler assez rapidement et être évincé des tablettes, ce sera très difficile d'y revenir un jour, craint-on.

Druide informatique n'est de toute façon pas tributaire des succès de la pénétration de nouveaux marchés anglophones. Ses revenus ont progressé de 35 % pour atteindre environ 17 millions de dollars en 2016, portés par un fort désir de ses clients d'adopter la nouvelle version bilingue.

L'entreprise s'est aussi offert le « luxe », en 2011, de devenir un éditeur de livres.

« La pérennité de Druide était assurée et on a vu ça comme une façon d'encourager la culture au Québec. Ils ont le mandat de faire leurs frais, tout simplement, et doivent publier chaque année certaines oeuvres avec lesquelles on sait qu'on va perdre de l'argent. »

À l'automne, Druide s'est engagée à verser 1 million de dollars sur cinq ans au réputé Institut des algorithmes d'apprentissage de Montréal (MILA) du professeur Yoshua Bengio. D'abord comme une façon de célébrer le 20e anniversaire en remerciant l'alma mater des trois cofondateurs, l'Université de Montréal, mais aussi parce que l'avenir d'Antidote passe par l'intelligence artificielle.

« L'apprentissage profond va avoir beaucoup d'incidence sur l'analyse de la langue. Nous sommes convaincus que l'avenir d'Antidote passe par là. Tout ce que fait le MILA est public. Nos concurrents y auront donc aussi accès. Mais nous sommes confiants qu'en étant aux premières loges, nous serons les premiers à en tirer une utilité commerciale. »