En informatique, la Californie est l'épicentre du design, la Chine est le coeur de la production et s'il n'en tient qu'à quelques entrepreneurs québécois, la Baie-James pourrait fournir les piles nécessaires pour alimenter leurs prochaines créations.

On savait la Baie-James parcourue de cours d'eau pouvant produire de l'électricité. On savait moins qu'elle était également un des rares endroits dans le monde où on peut trouver une forte concentration des métaux qui donneront vie à la prochaine génération de téléphones, de tablettes, de voitures électriques et même d'éoliennes et de centrales solaires.

Avec trois gisements de lithium de calibre mondial, la Baie-James pourra bientôt stocker l'énergie qu'elle est déjà en mesure de produire... «Le Québec est un des cinq endroits dans le monde où on trouve du lithium convenant aux piles nécessaires à ce type d'applications», explique Jean-Sébastien Lavallée, PDG de Critical Elements, qui compte bien exploiter un de ces gisements de lithium près d'Eastmain, dans le Nord québécois. «Nos clients potentiels s'appellent Apple, Panasonic, Toyota...»

À l'échelle mondiale, le marché du lithium est en pleine explosion. Les fabricants d'appareils électroniques et d'automobiles en redemandent. Des pays comme la Chine, qui compte importer d'énormes accumulateurs afin de stocker de l'énergie produite à partir de sources renouvelables comme le vent et le soleil, font littéralement bondir la valeur de projets comme ceux de Critical Elements, de Canada Lithium et de Nemaska Lithium, toutes trois situées entre Val-d'Or et Eastmain.

Des technologies de moins en moins québécoises

Les premières piles au lithium ont été commercialisées à partir des années 90. Il s'en est vendu pour 11 milliards de dollars en 2010. Selon la firme Market Research, ce total passera à 43 milliards en 2020. M. Lavallée le sait. Il souhaite non seulement exploiter son gisement de lithium (dès 2015 si tout va bien), il espère aussi en faire la transformation au Québec.

«C'est très rentable. Nous pensons pouvoir créer 500 emplois à très long terme. Notre rendement anticipé est de 279 millions de dollars», assure-t-il, à condition que l'entreprise ne se fasse pas racheter par une rivale chinoise, australienne ou même américaine... La Critical Elements Corporation vaut 20,5 millions de dollars à la Bourse de Toronto, dans un secteur où les rachats se font à coups de plusieurs centaines de millions de dollars.

Ce ne serait pas la première ni la dernière société québécoise dans ce créneau à subir un tel sort. La société Phostech Lithium, de Saint-Bruno, qui a récupéré des brevets d'Hydro-Québec en vue de concevoir des piles au lithium-phosphate de fer très prometteuses, est depuis peu la propriété de la société allemande Süd-Chemie. Bathium, de Boucherville, autre entreprise dérivée de la société d'État, appartient au groupe français Bolloré.

Bref, Jean-Sébastien Lavallée ne s'emballe pas trop. Les administrateurs pourraient bloquer une éventuelle offre d'achat, mais il reste réaliste. «Dans le contexte économique actuel, nous sommes en bonne position pour un rachat», dit-il.