Les autorités américaines ont annoncé mercredi qu'elles poursuivaient le groupe informatique Apple et deux éditeurs pour entente sur le prix des livres numériques, tandis que trois autres éditeurs, également visés, ont accepté de changer leurs pratiques.

«Nous affirmons qu'à partir de l'été 2009, les responsables aux plus hauts niveaux des entreprises citées dans la plainte, inquiets de voir que les distributeurs de livres numériques avaient réduit les prix, ont travaillé ensemble pour éliminer la concurrence (...), ce qui a conduit à relever les prix payés par les consommateurs», a dit le ministre de la Justice Eric Holder lors d'une conférence de presse à Washington.

Outre Apple, les éditeurs Macmillan, filiale de l'éditeur allemand Verlagsgruppe Georg von Holtzbrinck, et Penguin Group (filiale du britannique Pearson) sont visés.

En revanche trois autres éditeurs, le français Hachette et les américains HarperCollins (groupe News Corporation de Rupert Murdoch) et Simon & Schuster (groupe de communication CBS), également cités dans la plainte, ont trouvé un accord pour échapper aux poursuites.

Ils se sont engagés à «accorder aux distributeurs de livres, comme Amazon et (le libraire américain) Barnes & Noble, la liberté de réduire le prix de leurs titres numériques», a expliqué M. Holder.

En ouvre au niveau des États américains, Hachette et Harper Collins ont accepté de donner plus de 51 millions de dollars pour dédommager les consommateurs.

En Europe, un règlement pourrait, selon la Commission, également se profiler. Il inclurait cette fois également Apple et Verlagsgruppe Georg von Holtzbrinck, en plus de Simon & Schuster, Harper Collins et Hachette Livre.

«Je salue le fait que ces cinq entreprises fassent des propositions pour parvenir à un accord», a déclaré mercredi le vice-président de la Commission européenne chargé des questions de concurrence, Joaquin Almunia.

La responsable des questions de concurrence au ministère américain de la Justice, Sharis Pozen, a souligné pour sa part que la plainte ne sanctionnait pas le modèle de prix en soi, mais la collusion.

Elle a noté que la «conspiration» avait eu pour effet de «relever le prix des livres électroniques pratiquement du jour au lendemain», conduisant les consommateurs à surpayer à raison de 2 à 3 dollars par titre numérique.

Jusqu'au lancement de la tablette iPad d'Apple en 2010, le marché américain de l'édition numérique était largement dominé par Amazon, qui achetait les titres aux éditeurs et fixait lui-même le prix proposé aux consommateurs, en général 9,99 dollars. Dans certains cas Amazon vendait à perte.

Mais Apple «a compris qu'il avait un intérêt commun avec les éditeurs», expliquent les autorités américaines.

«Ensemble, Apple et les éditeurs sont parvenus à un accord où la concurrence sur les prix cesserait (ce que tous souhaitaient), où les prix des livres numériques seraient nettement relevés (ce que souhaitaient les éditeurs), et où Apple aurait une commission garantie de 30% sur chaque livre numérique vendu (ce qu'Apple souhaitait)», affirme leur plainte.

Amazon avait ensuite dû s'aligner sur les conditions offertes par Apple.

Le mois dernier le président de la Guilde des Auteurs Scott Turow s'était inquiété de la perspective de poursuites, prenant parti contre Amazon.

Pour lui «les éditeurs n'avaient pas vraiment le choix»: il leur fallait soit adopter le modèle proposé par Apple, ou «regarder le bradage d'Amazon détruire leur chaîne de distribution physique», ce qui aurait également été défavorable aux auteurs privés de la vitrine des librairies.

Mercredi le directeur général de Macmillan John Sargent a expliqué qu'il avait refusé un accord de peur qu'«Amazon retrouve (une) situation de monopole».

En revanche Hachette a préféré tourner la page, estimant que «du chemin a été fait pour accroître le nombre d'opérateurs et stimuler la concurrence».