La nouvelle tablette informatique iPad d'Apple pourrait offrir de nouveaux débouchés à la presse écrite en crise, mais ne pourra pas la sauver à elle seule, ont prévenu jeudi des représentants européens du secteur.

Autoproclamé «appareil électronique le plus vendu de 2010» et présenté mercredi en grande pompe en Californie, il «ne sauvera pas l'industrie des médias, nous devrons faire cela nous-mêmes», résume Michael Zackrisson, patron des activités internet de l'hebdomadaire suédois Veckans Affärers.

«Je n'ai entendu personne encore dire que ce sera la solution pour résoudre la crise dans laquelle le secteur se débat actuellement», souligne aussi Max von Abendroth, directeur exécutif de l'association européenne des éditeurs de magazines FAEP. «Mais ça pourrait aider».

La tablette d'Apple pourrait notamment endiguer la culture de la gratuité sur internet, contre laquelle s'insurgent de plus en plus de journaux qui voient dans la mise en ligne de leurs contenus une des raisons de la chute de leurs ventes en kiosque.

Pour Ben Carlin, conseiller de l'association européenne des éditeurs de presse ENPA, l'iPad pourrait être «un outil qui, avec d'autres outils aux fonctions similaires, permette de récupérer de l'argent et de vendre des contenus d'un journal ou d'un hebdomadaire mis à jour régulièrement».

«Le défi est de changer des millions d'utilisateurs en consommateurs» et la stratégie d'Apple pourrait être un modèle à suivre, estime aussi Matt Kelly, directeur chargé des contenus numérique au sein du Mirror Group britannique.

La firme à la pomme réussit en effet à faire payer la musique écoutée avec son iPod ou les diverses applications liées à son téléphone multifonctions iPhone, deux appareils très populaires.

L'iPad peut-il réussir le même pari avec les journaux? Pour le quotidien allemand Süddeutsche Zeitung, «l'avantage comparé à la visite de sites d'informations en ligne est trop limité».

Le patron du Financial Times, John Ridding, y voit en revanche «un autre débouché important pour les éditeurs», qui pourrait donner à son journal «la possibilité de fournir des contenus plus interactifs et dynamiques».

Mais les contenus ne sont pas tout. Encore faut-il que les conditions financières proposées aux éditeurs soient satisfaisantes et qu'ils ne deviennent pas dépendants d'Apple, prévient Ben Carlin.

Un souci qui se retrouve dans d'autres secteurs comme l'édition de livres: Anne Bergmann, de la fédération des éditeurs européens FEE, relève aussi «un risque de domination du marché par un acteur» si les contenus ne sont pas transférables d'un appareil à l'autre.

Néanmoins, «si les médias vendent des programmes à la pièce, si les éditeurs développent des journaux électroniques payants et les fabricants de jeux de nouveaux formats, Apple sera alors très en avance sur la concurrence», assure le quotidien néerlandais Volkskrant.

Peut-être même trop en avance. S'il encourage les journaux à développer des contenus plus multimédias, l'iPad reste «un produit de niche» relève Philippe Gendret, responsable du développement numérique pour le groupe suisse Edipress, qui édite des titres comme Le Matin ou La Tribune de Genève.

«C'est un produit formidable, nettement en avance sur la concurrence. Mais c'est trop cher et trop high-tech pour le grand public, qui est justement le public que les médias de masse veulent atteindre», souligne-t-il.

«Est-ce que notre lecteur moyen de 50 ans va dépenser 500 dollars juste pour lire le journal? Et est-ce que l'iPad va séduire les lecteurs occasionnels de journaux en ligne?». Pour lui, l'iPad «c'est pour les geeks», les fanas de nouvelle technologie.